Haut-Rhin

A son excellence
Monseigneur le Ministre de l’intérieur

Monseigneur

    Les citoyens soussignés domiciliés dans le département du Haut-Rhin, professant la religion juive,  ne pouvant pas résister plus longtemps aux maux qui les accablent, viennent supplier le gouvernement de vouloir bien y apporter quelques adoucissements.
    La prolongation illimité du sursis, accordé par décret de sa Majesté le 30 mai 1806 à leur débiteur, aggrave toujours en croissant les horreur de leur situation.
    Non seulement depuis 20 mois, ils ne perçoivent plus de leurs débiteurs ni capital ni intérêt, mais eux-mêmes se voyent poursuivis par leurs créanciers chrétiens & obligés de les satisfaire. Les sursis est appliqué avec une telle sévérité qu’on l’étend aux sommes qui leur sont dues pour vente ou pour location de biens fonds, par délégation judiciaire ou des cessions faites par des chrétiens. Il est universel non seulement pour ce qui leur est dû mais encore à l’égard des personnes qui leur doivent, attendu que dans ce département presque tous le monde est cultivateur. Il est prévisible d’après cela que le simple sursis, c’est-à-dire la privation absolue de toute ressource depuis bientôt 2 années ait déjà contribué à la dernière misère d’un grand nombre d’entre eux & suffirait bientôt pour les réduire tous à l’état le plus déplorable. Mais à côté de cela eux-mêmes sont forcés de payer ce qu’ils doivent. La plupart d’entre eux se livraient au commerce des biens-fonds, achetaient en gros et revendaient au détail. Leurs acquéreur leur refusent tout payement tandis que leurs vendeurs exigent le leur et que quelques uns sont au point d'être expropriés pour des biens qu'ils ont acheté pour les cultiver, conformément à la volonté du gouvernement, espérant de la pouvoir payer des termes qui leur sont dûs et qu'ils sont hors d'état de tenir leur promesse.

Votre Excellence sentira facilement que leur présente situation ne peut point se prolonger sana les plus grands inconvénients. Sa Majesté ne peut être insensible aux souffrances d'un grand nombre de ses sujets qui adorent sa personne et bénissent son règne et qui adopteront avec empressement toutes les vues d'amélioration qu'elle s'est proposé à leur égard. Ils sont persuadés que le père de toute la France ne peut pas vouloir qu'une portion de ses sujets soit livrée à tous les maux et à tous les dangers qu'entraînent la misère et le désespoir. Ils se jettent à vos genoux, Monseigneur, pour implorer de votre justice et de votre humanité de porter leur réclamation aux pieds du Trone.

Source: Centre Historique des Archives Nationales F/19/11004 et 11005