CIRCULAIRE DU MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DES BEAUX-ARTS ET DES CULTES AUX PRÉFETS,
RELATIVE AUX PENSIONS ET ALLOCATIONS QUI PEUVENT ÊTRE ACCORDÉES PAR LES COMMUNES
AUX MINISTRES DES CULTES.  
                                                                
                                                                                                                                                                                                                                                                    24 mars 1906.
                              Le ministre de  l'instruction publique, des beaux-arts et des cultes à MM. les préfets.

    La loi du 9 décembre 1905, concernant la séparation des Églises et de l'État a décidé, dans son. article 2, qu'à partir du 1er janvier 1906 toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes, à l'exception de celles qui s'appliquent à des services d'aumônerie, seraient supprimées des budgets des communes.
    Dès lors les crédits qui avaient été ouvert dans les budgets communaux de 1906 en faveur des ministres des différents cultes, autres que les aumôniers, se sont trouvés annulés de plein droit par le seul fait de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905.
    Mais certains des crédits ainsi supprimés peuvent être rétablis, au moins temporairement, sous une forme nouvelle, car le septième paragraphe de l'article 11 permet aux communes, sous les mêmes conditions que l'État, d'accorder aux ministres des cultes, qui étaient salariés par elles lors de la promulgation de la loi, des pensions ou allocations établies sur la même base et pour une égale durée.
    Le règlement d'administration publique du 19 janvier 1906, dont le texte est annexé à la circulaire de mon prédécesseur du 27 du même mois, a précisé, dans son chapitre 3 (art. 29 et s.), les conditions de fond et de forme à observer par les communes pour la concession de ces pensions et allocations facultatives.
    Des articles 29 et 36 de ce règlement, comme de la loi elle-même, il résulte que les pensions et allocations communales doivent être calculées d'après les traitements antérieurement payés sur les fonds des communes ; elles ne peuvent donc être concédées qu'aux ministres du culte qui touchaient un traitement sur ces fonds. Elles ne sauraient être attribuées à des ecclésiastiques qui ne recevaient qu'une indemnité.
    Mais dans quels cas la rémunération servie par une commune à un ministre du culte constituait-elle un véritable traitement? Dans quels cas, au contraire, y a-t-il lieu d'admettre qu'elle était une simple indemnité ? C'est là une pure question d'espèce, dont la solution variera suivant les circonstances.
    En ce qui touche particulièrement les rétributions accordées pour binage sur fonds communaux, elles étaient d'ordinaire considérées comme un traitement par les communes, qui en avaient assumé volontairement la charge, et elles se différenciaient ainsi, dans la plupart des cas, des indemnités de binage payées par l'État en exécution de l'ordonnance du 6 novembre 1814.
    Dès lors, en général, rien ne s'oppose à ce qu'elles servent de base à la concession de pensions ou d'allocations communales.
    L'article 5, paragraphe 3, du règlement d'administration publique du 19 janvier 1906 a prévu le cas où le traitement attaché à une fonction ecclésiastique était assuré partie par l'État et partie par la commune ; c'est ce qui se passait notamment pour certains vicariats, dont les titulaires touchaient un traitement se composant d'une allocation d'État montant à 450 francs et d'une somme le plus souvent égale, que la commune avait prise à sa charge. Ces ecclésiastiques, en dehors de la pension ou de l'allocation à laquelle ils ont droit de la part de l'État, peuvent obtenir une pension ou une allocation de la commune ; la prohibition de cumul, édictée par le neuvième paragraphe de l'article 11 de la loi du 9 décembre 1905, n'est pas applicable dans cette hypothèse.
    La concession de pensions viagères ou d'allocations temporaires, dans la mesure où elle est autorisée par la loi du 9 décembre 1905 et le décret du 19 janvier 1906, n'est qu'une faculté pour les communes. Maie elle est en même temps un droit absolu pour elles ; elle n'est, en effet, subordonnée à aucune approbation de l'autorité supérieure. Les délibérations prises en cette matière par les conseils municipaux sont placées, comme l'indiquent les articles 32 et 38 dudit décret, sous le régime de l'article 61 de la loi municipale du 5 avril 1884, c'est-à-dire qu'elles sont exécutoires par elles-mêmes et qu'elles ne pourraient être annulées par vous, suivant l'article 63 de la même loi, que dans le cas où elles violeraient une loi ou un règlement d'administration publique.
    Il est à remarquer, d'ailleurs, que, quand un conseil municipal décide d'user de la faculté, qui lui est ouverte par le septième paragraphe de l'article 11 de la loi du 9 décembre 1905, d'accorder des pensions viagères ou des allocations temporaires, cette mesure s'applique de plein droit et indistinctement à tous les ecclésiastiques qui justifient des conditions légales ; il ne saurait être fait un choix entre eux et, d'après le décret du 19 janvier 1906, il appartient seulement au conseil, après avoir émis un vote de principe tendant à l'application du paragraphe précité, de déterminer les formes suivant lesquelles les pensions ou allocations seront individuellement liquidées, concédées et payées.
    Enfin, si la concession de pensions viagères ou d'allocations temporaires est facultative pour les communes, les pensions et allocations, une fois concédées régulièrement, deviennent, aux termes de l'article 136-7° de la loi du 5 avril 1884, une dépense obligatoire pour la commune.
    D'accord avec M. le ministre de l'Intérieur, je vous serai obligé de porter ces diverses observations le plus tôt possible à la connaissance des municipalités.
    Vous voudrez bien m'accuser réception de la présente circulaire.


                                                                                                                                                                                                                                                ARISTIDE BRIAND