Metz le 16 thermidor an 12


    Le Préfet du Département de la Moselle
    A son excellence, le Ministre des Cultes.


   

                    Monseigneur

    La loi du 18 germinal an 10 a réglé l'organisation des Cultes Catholiques et protestants, mais elle ne s'est point appliquée sur la religion juive.
    En exposant les motifs de cette loi, vous avez bien assuré que son silence à l'égard du culte hébraïque n'était pas une raison pour en interdire l'exercice et que, comme les autres, il devait continuer à jouir de la protection du Gouvernement.
    Les Juifs sont nombreux dans ce département. Metz seul en compte 2124. leur établissement dans cette ville date du 8è siècle. Il y avait une synagogue autorisée par des lettres patentes. Le Rabbin, nommé par les notables et les anciens syndics de la communauté, était présenté à l'agrément du Souverain. Il avait une autorité, une juridiction déterminée par des règles que le parlement de Metz avait homologués.
    La loi du 27 septembre 1791 admit les Juifs de Metz à jouir des droits des citoyens français, à la condition qu'ils renonçassent aux privilèges et exceptions établis précédemment en leur faveur.
    Tous ont alors prêté le serment civique. Tous ont alors renoncé à l'avantage des lettres patentes, des lois particulières qui les avaient régis jusqu'à ce moment. Les lois et syndics, le rabbin lui-même sont sont devenus sans force et sans pouvoir pour maintenir la police religieuse pour répartir les taxes nécessaires aux dépenses du culte et pour les recouvrer. Plusieurs Juifs se sont séparés de la synagogue, ont établis des oratoires dans leurs maisons pour eux et un petit nombre d'associés. Ils se cotisent entre eux pour en acquitter les frais.
    Il s'en suit de là que la synagogue n'a qu'une existence très précaire; que d'être à elle-même, sans appui, sans force et sans loi, elle est tombée dans le plus grand désordre en même temps qu'elle éprouve un dénuement extrême.
    Cet état d'anarchie s'est étendu sur presque toutes les communes du département. Les Juifs de Metz étaient tous sous la dépendance du Rabbin de Metz; ceux de l'ancienne province de Lorraine y ont même été soumis.
    Depuis que ces derniers s'en sont affranchis. Ils ont ouvert des synagogues, mais, comme ceux de Metz, ils éprouvent de grandes difficultés sur les moyens à employer pour subvenir aux frais de leur culte parce qu'ils n'ont aucune marche tracée, aucun ordre à prédire, aucune contrainte à exercer et que chacun peut faire prévaloir sa volonté. On se fait même du jeu soit de renoncer aux synagogues qu'ils avaient contractées, soit de méconnaître la prééminence de ceux qu'ils avaient choisis pour l'administration du culte.
    Dans cet état de choses, il s'en suivrait que la protection accordée par le Gouvernement au culte hébraïque deviendrait illusoire en ce que ceux qui le professent ne pouvant ni s'entendre ni se rapprocher ni se réunir sous des lois fixes et invariables, ils se verraient réduits à l'exercer dans l'isolement et par conséquent sans publicité.
    Cet isolement pourrait même, sous le rapport de la police, de l'ordre public, devenir un foyer d'inquiétude.
    Affligés des troubles ou scandales auxquels cette espèce d'anarchie donne lieu journellement, les chefs de la synagogue de Metz, ceux de la commune de Frauenberg, m'ont présenté des pages du règlement qui avait pour but d'établir la police du culte; ils faut des élections à pages par chacun, pour les Députés de la synagogue, d'accorder les rôles exécutoires et de supprimer les oratoires particuliers
    Le silence des lois actuelles,l'abrogation des anciennes sur cet objet ne m'ont pas permis de prononcer sur ces demandes.
    Cependant elles m'ont paru d'une opportunité assez importante pour tous les soumettre
   Le Gouvernement ayant eu l'intention de garantir aux Juifs l'exercice libre de leur culte, il a entendu sans doute aussi leur procurer les moyens de la célébrer avec ordre et décence.
   Pour parvenir à ce but, j'ai pensé qu'il vous paraîtrait peut- être convenable de déterminer 1° Qu'il serait établi dans chaque synagogue des élus ou notables au nombre de cinq, lesquels seraient choisis par les 25 juifs les plus imposés au rôle des contributions directes
    2° que les élus seraient chargés de la nomination du Rabbin et la soumettraient à la sanction du Gouvernement.
    3°Qu'ils seraient autorisés à régler de concert avec le Rabbin les oblations à présenter chaque année par un rôle de répartition entre ceux qui fréquentent la synagogue., la somme nécessaire aux dépenses relatives à l'administration du culte.
   4° qu'ils seraient tenus de présenter le rôle à l'approbation du préfet qui ne le rendrait exécutoire qu'après l'apurement du compte de leur gestion de l'année précédente et sur vu du budget des dépenses de l'année future.
    5° Qu'aucune synagogue ne pourra s'ouvrir sans l'autorisation du Gouvernement qui ne l'accorderait qu'autant que le nombre de Juifs s'élèverait au dessus de 500 individus.
    6° Que tous les oratoires particuliers seraient supprimés.
    7° qu'il serait défendu de publier aucun ouvrage sur la doctrine, la liturgie, aucun formulaire &tc sans votre agrément.
    8° qu'ils soumettraient à votre sanction leurs règlement sur la police et la discipline intérieures du culte.

    Tels sont, Monseigneur, les points sur lesquels j'ai cru nécessaire d'appeler votre attention. Je différerai de statuer sur les demandes qui m'ont été faites jusqu'à ce que vous ayez eu la bonté de me faire connaître vos intentions.
été accordées précédemment, ainsi que les privilèges et les exceptions dont j'ai cru devoir joindre à ma lettre, copie des lettres patentes les plus récentes que les juifs ayant obtenus, et un jour appelé la plupart de celles qui leur avaient ils jouissaient.


    Je vous salue avec respect