Le moniteur Universel

du 25 juillet 1806


MÉLANGES. HISTOIRE

Recherches sur l'état politique et religieux des Juifs
depuis Moyse jusqu'à présent.

    L'objet de cet écrit étant de faire connaître la situation politique et morale des juifs clans ce siècle, et cette situation devant être le résultat, tant de la première loi qu'ils ont reçue que des diverses doctrines qu'ils ont écoutées , et de tous les faits qui composent leur histoire, on s'est prescrit la méthode suivante : 1° on suit tous les progrès de leur dispersion : on examine comment elle s'est opérée, quels lieux ils ont habités , et quelle existence ils ont obtenue ; 2° on recherche sous quelles lois ils ont plus particulièrement vécu en France depuis le dix-septième siècle jusqu' à présent; 3° on essai: de faire l'histoire de leur législation , considérée sous de certains rapports; c'est-à-dire qu'après avoir cite les dispositions de la loi de Moyse qui ont pu concourir à les isoler des autres nations , et a former leurs sentiments à l'égard des étrangers , on fait connaître les différentes sectes qui les ont divisés, les maximes de leurs rabbins sur les mêmes sujets et le degré d'autorité qu'ils leur accordent.

    Après la captivité de Babylone, les seules tribus de Benjamin et de Juda retournèrent a Jérusalem, et sous la conduite d'Esdras y rétablirent le temple ; les dix autres tribus ne voulurent point abandonner leurs nouveaux établissements et elles demeurèrent au-delà de l'Euphrate où le vainqueur les avait transportées. Lorsqu'Alexandre-le-Grand passa d'Europe en Asie, il les trouva qui remplissaient l'Empire des Perses; il en envoya bientôt une colonie en Égypte; mais il respecta Jérusalem et lui laissa ses habitants (1). Ptolémée, un de ses successeurs, augmenta cette colonie qui ne tarda pas a devenir considérable par ses richesses et par le nombre d'individus qui la composaient (2). Depuis le retour des Juifs en Judée jusqu'à la prise de Jérusalem par Titus, on ne les voit pas se répandre dans de nouvelles contrée; occupés a se défendre, ou à se maintenir , tantôt ils forment des alliances avec les rois d'Égypte et d'Asie, même avec les Romains; tantôt ils leur font la guerre et sont tour-à-tour vaincus et vainqueurs. Déjà ils n'offraient plus de trace de cette versalité de leurs aïeux qui leur avait fait abandonner si souvent leurs lois et leurs coutumes pour emprunter le culte et les mœurs du peuple qu'ils avaient soumis. Ici les alliances et les rapports qu'ils ont avec les nations étrangères n'ont plus les mêmes suites, et ce peuple si inconstant dans sa foi, si léger dans ses goûts, ne change plus de caractère ni de croyance du moment où sa puissance est ébranlée et que sa prospérité diminue (3). Cependant, lorsque Pompée prit Jérusalem , il emmena captif à Rome un certain nombre de de ses habitants; c'est la première fois qu'il parut des juifs en Italie: ils furent tous classés parmi les affranchis; ils conservaient leur religion, et tous les ans ils envoyaient à Jérusalem leurs offrandes ; ils habitaient tous un même quartier au-delà du Tibre, ce qui semble faire remonter bien haut l'origine des Juiveries. Après la mort d'Hérode, ceux de Judée ayant envoyé à Auguste des ambassadeurs, ils trouvèrent à Rome huit mille de leurs frères, saur compter les femmes et les enfants; ce qui suppose qu'il existait alors à Rome vingt mille individus juifs. Auguste les protégea pendant tout le cours de son règne ; plusieurs cultivèrent les lettres latines, et l'on sait que Fuscus Aristius, poète et ami d'Horace, était un affranchi juif. Il paraît qu'ils jouissaient du droit de bourgeoisie lorsque Tibère, mécontent d'eux, en relégua quatre mille dans l'île de Sardaigne. Caligula ne les aima point. Claude commença par les tolérer tout en fermant les synagogues ; mais, fatigué des disputes qui s'élevèrent entre eux et les premiers chrétiens, il se débarrassa des uns et des autres en des bannissant à la fois de son Empire. Sous Néron ils se rétablirent à Rome, y exercèrent publiquement leur culte et y jouirent même d'une certaine considération. Les chroniques juives publient qu'après la ruine de Jérusalem, Titus transporta et. Espagne les tribus de Juda et de Benjamin, que cette dernière étant passée en France, celle de Juda resta seule en Espagne (4) Ce qu'il y a de certain, c'est que Vespasien les astreignit, quelque pays qu'ils habitassent, à payer au Capitole le tribut le deux drachmes par individu, qu'ils avaient coutume d'envoyer a leur temple. C'est aussi à dater de cette époque qu'on en rencontre dans une foule de lieux où ils n'avaient point encore pénétré. L'Univers alors ne formait qu'un vaste Empire où régnait un empereur païen; aussi longtemps que dura cet Empire, le sort des juifs éprouva presque les mêmes vicissitudes que celui des chrétiens. Le paganisme, qui les confondait dans son mépris , les confondait dans les injures, et les épargnait ou les persécutait à-la-fois.. Ainsi. sous Domitien les chrétiens et les juifs se trouvèrent enveloppés dans la même proscription. Nerva leur fut moins contraire. C'est sous son règne que parut en Judée le premier patriarche : car les juifs, depuis leur dispersion, s'étaient divisés en juifs d'Occident et juifs d'Orient. Les premiers étaient ceux qui habitaient la Judée, l'Égypte, l'Italie et quelques autres parties de l'Empire romain ; les juifs d'Orient comprenaient ceux de Babylone, de la Chaldée, de l'Assyrie et de la Perse. Ceux d'Occident se donnèrent un chef dont l'autorité s'étendait sur toutes leurs synagogues, et qu'ils appelèrent patriarche; et ceux d'Orient se donnèrent un semblable chef qui fut appelé Prince de la Captivité. Trajan envoya une armée contre ceux qui s'étaient révoltés et avaient massacré tous les autres habitants ; ou en tua un si grand nombre qu'on fut obligé de repeupler le pays avec de nouvelles colonies, cela n'empêcha pas que l'année suivante , en Mésopotamie et dans l'île de Chypre , ils ne tinssent la même conduite et ne s'attirassent le même châtiment. Jamais ils ne furent si misérables que pendant le règne d'Adrien; la plupart gagnaient leur vie en disant la bonne aventure, et en enseignant la magie. Adrien leur interdit la circoncision et presque toutes les cérémonies de leur culte. Ils essayèrent de se révolter en Judée; mais ils furent aisément soumis , et on n'en laissa plus qu'un très-petit nombre habiter des ruines de peur ancienne patrie. Antonin les ayant traités avec douceur, Marc-Aurèle eut bientôt à s'en plaindre , et il ne tarda pas à renouveler contre eux toutes les lois d'Adrien. L'Empereur Sévère leur accorda toutes sortes de privilèges. C'est lui qui commença à ne plus les confondre avec les chrétiens, et lorsqu'il persécuta ces derniers, les juifs en profitèrent pour les humilier; c'est a peu près vers le même temps que l'on apprend qu'ils étaient passés d'Égypte à Carthage, et qu'ils y avaient assez d'autorité pour faire supporter beaucoup de vexations aux chrétiens. Caracalla était monte sur le trône, les protégea : en tout ils goûtèrent un profond repos jusqu'à Constantin , et demeureront tranquilles spectateurs de ces persécutions contre les chrétiens, qui furent comme les derniers efforts du paganisme.

    Sous les empereurs chrétiens, le sort des juifs varia selon le génie ale ces princes, Constantin commença par apporter quelques restrictions à la liberté dont ils jouissaient ; mais leur humeur inquiète et remuante l'obligea de rendre contre eux plusieurs édits. On en remarque un où il leur reproche de lapider et de jeter au feu ceux de leurs frères qui paraissent ébranlés dans leur croyance. Une persécution violente qu'ils excitèrent eu Perse contre les chrétiens, et des révoltes multipliées sur divers !oints de l'Empire obligèrent Constance a tourner ses armes contre eux. Il finit par leur défendre l'entrée de Jérusalem. Quant à Julien, ils s'attirèrent sa bienveillance à titre d'ennemis des chrétiens; lorsqu'ils en eurent obtenu la permission de rebâtir leur temple, ils se mirent à les persécuter; ils renversèrent leurs églises et détruisirent tous les objets de leur culte : mais leur temple ne se releva point, car Jovien ayant succédé à Julien, fut bientôt contraint de réprimer leur insolence. Ils demeurèrent paisibles sous Valens, Valentiunien et Acadien. Théodose leur accorda une juridiction particulière, à cause de la multitude de procès qu'ils avaient avec les chrétiens. Il établit un prêteur faisant les fonctions de juge impérial , qui habitait parmi eux , et devant lequel seul ils pouvaient être cités. Il reconnut par une loi expresse l'autorité de leurs magistrats ecclésiastiques , c'est-à-dire de leurs docteurs ; enfin , l'an 429 de notre ère, il abolit parmi eux la dignité de patriarche que nous leur avions vu créer sous Nerva. Honorius, qui occupait l'autre partie de l'Empire , traita les juifs avec beaucoup de douceur et d'équité: il défendit en même temps de détruire aucune synagogue et d'en bâtir de nouvelles. Sous sa domination les juifs devinrent puissants dans l'île de Minorque; ils pouvaient y devenir comtes et remplir tous les emplois civils. D'un autre côté, ils n'eurent rien à souffrir des Vandales lorsqu'ils arrivèrent en Afrique ; à Rome Valentinien confirma tous leurs privilèges; les Goths ayant inondé l'Italie leur accordèrent la même protection; Théodoric les défendit de la haine des Chrétiens et les maintint dans toute la liberté dont ils jouissaient ; c'est ainsi que les juifs achevèrent le cinquième siècle dans l'Empire romain , haïs des peuples et protégés par les empereurs et lus conquérants. Les dix tribus éprouvèrent un autre sort; en Perse, elles furent en butte à une persécution qui dura 73 ans. Le sixième siècle s'ouvrit pour elles sous les mêmes auspices ; Cavade, roi de Perse, et Choroës-le-Grand en firent périr autant que de Chrétiens. Si l'on en croit quelques historiens grecs , ils s'étaient attirés leurs malheurs. "Cette nation , dit l'un d'eux (5), infidèle, inquiète, impérieuse , jalouse , curieuse, implacable, était alors assez puissante en Perse pour soulever les peuples contre les princes , et pour fortifier les rebelles , parce qu'elle s'y était extrêmement multipliée et qu'elle avait amassé des richesses immenses."

    Au commencement du 7e siècle Mahomet parut dans l'Orient, D'abord il s'entendit assez bien avec les Juifs, qui furent tentés de le prendre pour le Messie qu'ils attendent. Les dix tribus passèrent avec toutes ces contrée, sous l'empire des Musulmans. Les Arabes affectaient une grande tolérance ; les juifs s'en virent accueillis et protégés. Sous les premiers califes ils ouvrirent leurs académies ; elles fleurissaient sous Mahomet et sous Omar. En Égypte et en Syrie ils vécurent de la même manière sous la domination des Ommiades.

    Ils n'étaient pas aussi heureux à Constantinople; vers le milieu du 6e siècle Justinien y troublait les Chrétiens et les Juifs dans l'exercice de leurs religions. Il défendit aux magistrats de recevoir le témoignage des juifs contre les Chrétiens , et il leur ôta la faculté de disposer de leurs biens par donation ou par testament: ailleurs il les obligeait à se convertir. A Boriurn , ville d'Afrique où ils étaient puissants , il consacra au culte chrétien un temple magnifique qu'ils avaient élevé. Les règnes de Justin , de Maurice , leur furent favorables. Phocas envoya une armée contre ceux de Syrie qui s'étaient révoltés , et avaient mutilé l'évêque d'Antioche et égorgé tous les Chrétiens. C'est alors que l'on vit Grégoire-le-Grand les protéger dans tout le monde chrétien. Ce pontife les respectait comme les témoins et la preuve vivante des vérités du Christianisme , et il les considérait comme destinés à l'embrasser un jour. Aussi ne cessa-t-il de travailler à leur conversion par toutes les voies de la persuasion et de la douceur. Mais Héraclius leur porta une haine si vive, que non content de les persécuter dans son Empire , il écrivit en France pour qu'on les obligeât à se convertir , et il engagea Sisebut , roi d'Espagne, à les chasser de ses États. Plusieurs conciles assemblés successivement à Tolède, blâmèrent et approuvèrent la conduite de Sisebut. Quoi qu'il en soit , les juifs qui ne changèrent pas de religion furent obligés de sortir des terres sous la domination des Goths.

    C'est dans le 6e siècle qu'on en rencontre en France pour la première fois. L'an 540 , Childebert rendit une ordonnance qui leur défendait de paraître dans les rues de Paris depuis le jeudi saint jusqu'au dimanche de Pâques. Le concile d'Orléans tenu la même année fit un semblable règlement ; ce qui montre que déjà ils commençaient à se répandre. Dans les diocèses d'Uzez, de Clermont, ils étaient nombreux , et les évêques les protégeaient contre le peuple , toujours disposé à se soulever contre eux. On voit qu'il y en avait à Bourges. Le roi Chilpéric, qui les trouva riches et considérables dans son royaume de Paris et de Soissons , entreprit de les convertir. Lunel en languedoc, qui dépendait alors de l'Espagne, possédait une de leurs plus fameuses académies. Dagobert, qui réunit toute la France sous sa domination , leur ordonna d'en sortir ou de se faire Chrétien. Wamba, roi des Goths , en fit autant dans la Gaule Narbonnaise.

    Lorsque le 8è siècle commença, le calife Abdul-melec régnait dans l'Orient, et usait de beaucoup de tolérance à l'égard des Juifs et des Chrétiens. En général ils n'eurent point à se plaindre des Abascides qui prirent la place des Ommiades. Cependant l'imam Giala , surnommé le Juste, ne les aima point ; il déclara même que ceux qui se feraient Musulmans hériteraient de toute leur famille. Cette loi fut exécutée à la rigueur, et ce nouveau genre de persécution en fit abjurer un très-grand nombre. Bientôt après on vit arriver d'Europe en Perse, avec le caractère d'ambassadeur,. un Juif qu'envoyait le plus puissant monarque de la Chrétienté ; c'était vers l'an 756. Aaron, aussi surnommé le Juste, l'un des plus grands princes qu'aient eu les Arabes, et l'un des plus grands hommes qu'aient vu l'Orient, venait d 'être élevé au califat. Charlemagne qui régnait en France avait appris tout ce que la renommée publiait de ce prince ; il résolut de lui envoyer une ambassade, à la tête de la-quelle il plaça le juif Isaac. La commission était importante et délicate ; il s'agissait de former une alliance avec Aaron , et de lui faire opérer en Orient une diversion qui empêchât qu'on ne disputât plus à Charlemagne la partie de l'Occident qu'il avait conquise. Isaac se conduisit avec tant d'habileté , qu'il réussit complètement dans son entreprise. Au moment où Charlemagne se faisait couronner à Rome empereur d'occident , Aaron s avança sur les frontières de l'Empire et s'attira sur les bras Constantin qui allait attaquer le nouvel empereur (6). Voilà ce semble le rôle le plus important qu'aucun juif ait joué depuis leur dispersion.

    Les Juifs eurent quelquefois tant de faveur auprès des successeurs d'Aaron , qu'ils administrèrent leurs finances ; quelquefois aussi on en revenait à les maltraiter.. Motakavel les assujettit à porter une ceinture de cuir. et à ne monter que des ânes et des mulets; les Turcs n'ont pas encore cessé de leur imposer ce genre d'humiliation. Dès ce temps-là les juifs se livraient à des spéculations mercantiles, desquelles on leur reproche de s'être trop-emparé parmi nous.. Au rapport des historiens , Abdalla , lorsqu'il faisait la guerre aux Chrétiens , en avait à sa suite un nombre considérable auquel il vendait les vases des églises et tous les meubles qu'il pillait. On ne voit pas trop ce qu'ils devinrent à cette époque , tant en Italie qu'en Espagne.. En France,. Charlemagne leur accorda de la considération. Quelques uns d'entre eux entrèrent si avant dans la confiance de Louis-le-Débonnaire , que les courtisans s'en faisaient protéger auprès de lui. Sous Charles-le-Chauve ils se maintinrent Le fameux Sédecias, magicien , médecin de Louis-le-Débonnaire et de Charles-le-Chauve , et qui empoisonna ce dernier, était aussi de leur nation.

    Pendant qu'au 10° siècle l'Europe paraissait plongée dans les ténèbres de l'ignorance, en Asie la civilisation faisait de nouveaux progrès. Les Juifs mêmes y avaient pris des Arabes le goût des sciences et des lettres, et ils les cultivaient. Mais la division s'étant mise parmi eux à cause de leurs diverses doctrines, leurs académies tomberont en ruines et bientôt elles disparurent. Dans la suite, les croisés venus d'Europe en firent périr un grand nombre , et lorsque les Turcs eurent substitué leurs sultans aux califes , ils achevèrent de les chasser et de les pousser dans l'Occident.

    Les guerres qui dans le même temps troublèrent l'Espagne y laissèrent respirer les Juifs : aussi eurent-ils alors plusieurs rabbins célèbres; l'un d'eux, nommé Samuel Lévi, étant devenu secrétaire et ministre d'état du roi de Grenade, ne manqua pas de se servir de son crédit pour protéger tous ses frères. Mais un autre rabbin s'étant mis à vouloir convertir les Musulmans, le roi de Grenade le fit pendre et commença à persécuter les quinze cents familles juives que renfermaient ses états, d'autant plus qu'elles avaient amassé de grands biens.

    Ferdinand ayant déclaré la guerre aux Sarrasins , ses peuples le supplièrent de faire main basse sur tous les juifs avant d'entrer en campagne : il allait y consentir lorsque les évêques d'Espagne s'y opposèrent si fortement qu'ils prévinrent cet horrible massacre. Le pape Alexandre II leur écrivit pour les féliciter de cette conduite.

    Alphonse, uniquement occupé. à repousser les Maures, favorisa les juifs dont il tirait de très grosses sommes. Il alla jusqu'à les donner pour juges aux Chrétiens, et s'attira par là une lettre de Grégoire VII qui lui reprochait son injustice.

    Pendant le 11° siècle, les juifs d'Espagne parurent faire encore quelques pas vers la civilisation. Ils comptèrent plusieurs savants rabbins qui leur permirent d'étudier les sciences et les langues étrangères.

    En Allemagne les juifs se multipliaient tous les jours: ils avaient des synagogues à Trèves, à Cologne, à Mayence; on en trouvait en Bohème, en Franconie en Hongrie. Au moment de la croisade, ils eurent une persécution générale à souffrir dont beaucoup furent les victimes;. Dans le siècle suivant, benjamin de Tudèle, homme célèbre parmi eux, entrepris un voyage auprès de frères d'Orient et d'Occident. Il avait pour objet de connaître quelle était leur existence, et voici à-peu-près ce qu'il raconte. Sur les bords de l'Euphrate il reconnu la synagogue d'Esdras; dans l'ancienne Ninive il vit sept mile de ses frères ; a Bagdad il les trouva qui vivaient tranquillement sous la protection du calife Mortanged. Il assure qu'ils avaient encore un chef de la captivité , quoique cette dignité eut été abolie cent ans auparavant; mais que ce chef tenait toute son autorité du calife. Un grand nombre de Juifs habitaient autour de Babylone; ils montrèrent à Benjamin le palais de Nabuchodonosor désert et abandonné aux reptiles. benjamin passa en Égypte et il les y trouva fort nombreux; il visita aussi la terre de Gessen :, il y rencontra encore plusieurs de ses frères, et crut y apercevoir des traces du séjour de ses aïeux. Mais Jérusalem ne renfermait pas plus de deux cents Juifs, et il n'y en avait presque pas dans tout l'étendue de la Terre-Sainte. En Grèce il en vit deux cents qui s'étaient retirés sur le Mont-Parnasse, et qui y vivaient de quelques légumes qu'ils y cultivaient. Il y en avait en Corinthe, à Thèbes, occupés à la fabrication des soieries et aux teintures. Constantinople en comptait deux mille, ,et cinq cents Caraïtes relégués dans le faubourg de Pera. Lorsque Benjamin arriva à Rome, le juif Jehïel était surintendant des finances du pape. De plus ils étaient répandus dans toute l'Italie, à Capoue, à Naples et jusqu'en Sicile. Il trouva ceux d'Allemagne qui attendaient tous les jours le Messie ; enfin il trouva plusieurs synagogues en France , savoir à Lunel , à Arles , à Marseille et à Paris. Il parait que dans ce temps tous les juifs commençaient à s'affliger de ne pas voir paraître le .Messie.

    Cependant vers la fin du 11° siècle , les Juifs de France étaient une propriété du seigneur; ils faisaient partie de leurs domaines , et leur payait de grosses redevance; on les vendait , les revendiquait; on les hypothéquait à ses créanciers, et il y avait des actions d e complainte contre ceux qui en troublaient la possession . A Paris comme à Rome on les relégua dans des quartiers à part , qu'on appela pour cette raison Juiveries. Philippe 1er leur donna des juges spéciaux qui prononçaient sur les différents qui s'élevaient entre eux et les Chrétiens, et le prévôt de Paris était toujours l' un de ces juges. Les choses demeurèrent en cet état sous Louis-le-Gros et Louis-le-Jeune; mais on commença à être effrayé de leurs richesses sous le règne de Philippe-Auguste. L'usure avait déjà mis dans leur dépendance les terres et les fortunes d'une grande partie des Chrétiens. Le besoin général d'argent que faisait éprouver les croisades leur faisait trouver dans toutes les classes des emprunteurs, qui n'hésitaient pas à engager tout ce qu'ils possédaient. Comme nous avons vu les cultivateurs d'Alsace qui avaient fui la persécution, devenir la proie de leur usure lorsqu'ils furent de retour dans leurs foyers, les plaintes les plus vives parvinrent donc à Philippe-Auguste de tous les points de la France. Il prit le parti tir les chasser, confisqua leurs biens, rétablit ses sujets dans la possession des biens qu'ils avaient aliénés, et les déchargea des sommes qu'ils devaient aux Juifs, sous la condition qu'ils en verseraient le cinquième dans son trésor. Mais quelques années après, les besoins de l'État le forcèrent à accepter une forte somme que lui offrirent les Juifs pour en obtenir leur rétablissement, et il leur laissa avoir à Paris deux synagogues. Philippe-Auguste rendit encore une ordonnance qui fixait des bornes à l'usure des Juifs et semblait la consacrer.

    C'est aussi dans le 12° siècle que Saint Bernardin défendit avec tant de zèle les Juifs contre la fureur des croisés; ils furent encore protégés par les papes Innocent II et Alexandre III; mais Alphonse VIII les persécutait dans le royaume de Léon.

    On les avait chassé d'Angleterre au commencement du 11° siècle, et cet exil est un de ceux dont il paraissent avoir le plus souffert. Lorsque le roi Richard monta sur le trône ils revinrent en foule; mais comme ils passaient pour sorcier, on leur défendit de rester à Londres pendant le couronnement. Beaucoup, entraînés par la curiosité ou quelque autre motif, s'y étaient rendus secrètement, furent découverts et massacrés par le peuple. Quand Richard se croisa, ils crurent avoir assuré leur tranquillité sous son règne, en portant une grande quantité d'argent au trésor; mais le roi ne put contenir le peuple qui, au moment de son départ, en fit encore une exécution générale.

    Il est un rapport sous lequel nous n'avons pas encore considéré les décrets et les ordonnances des conciles et des prince à l'égard des Juifs, et qui mérite cependant qu'on s'en occupe. Les princes et les conciles, dans les mesures qu'ils prenaient, avaient sans cesse le double objet de de défendre la religion chrétienne des injures de ses ennemis en d'empêcher les Chrétiens de judaïser; car malgré la haine que se portaient les hommes des deux religions, il arrivait souvent , dans ces siècles d'ignorance, que les Chrétiens empruntaient quelques cérémonies des Juifs , et confondaient les deux cultes dans leurs pratiques. Ainsi un concile de Château-Gonthier défendit aux juifs de mal parler de la religion , sous peine de bannissement. Celui de Mâcon leur interdit de travailler publiquement les jours de dimanche et de fêtes. Celui de Vienne, tenu à la fin du 13e siècle, leur ordonna de fermer leurs fenêtres lorsqu'ils entendraient passer la clochette du Saint-Sacrement. En même temps les défenses les plus expresse étaient faites aux Chrétiens de communiquer avec eux, à cause, disait-on. de la facilité avec laquelle plusieurs d'entre eux se laissaient aller à judaïser. L'Église s'occupa aussi de l'usure des juifs ; le concile de Latran leur interdit tout commerce avec les Chrétiens jusqu'à ce qu'ils eussent réparé le dommage qu'ils leur avaient causé. Trente ans après, celui de Béziers prononça l'excommunication contre les Chrétiens qui violeraient cette loi. Ceux d'Alby et de Monpellier déchargèrent les Chrétiens des dettes qu'ils avaient contractées envers les Juifs, toutes les fois qu'ils prouveraient qu'elles étaient le résultat de l'usure Mais les princes ne tinrent pas la main à l'exécution de ces décrets, et les Juifs et les Chrétiens les éludèrent de concert, parce que, pour vivre, les uns avaient de prêter et les autres d'emprunter.

    Au 13° siècle, une nouvelle persécution acheva de ruiner la nation dans l'Orient. La religion en fut le prétexte, mais dans le fait c'était à ses richesses qu'on en voulait. Lorsque les Mamelouks vinrent en Égypte, on ne voit pas trop ce que devinrent les Juifs sous leur empire. Les Tartares les traitèrent bien. Dans l'Empire grec ils jouirent d'une assez grande liberté pendant les 13e et 14e siècles. En Espagne on les persécuta. Durant ce temps, les papes continuèrent à leur être plus favorables que tous les autres souverains. Grégoire X les sauva de plusieurs massacres, en Angleterre, en France et en Espagne. Clément V les protégea et essaya de les instruire; Clément VI leur ouvrit un asile à Avignon tandis qu'on les poursuivait dans le reste de l'Europe. Mais revenons aux Juifs de France. A l'avènement de Saint-Louis à la couronne, il fut défendu à tous les Français de leur emprunter. Un édit rendu sous sa minorité en 1228, ordonna que pour les dettes contractées envers eux, on dresserait trois exemplaires du billet obligatoire, dont l'un serait remis aux officiers royaux, un au débiteur et un au créancier. En Normandie aussi il y eu un moment où les dettes contractées envers les Juifs n'étaient exigibles par eux que lorsqu'elles avaient été enregistrées par le bailli. Saint-Louis ne voulut pas les bannir, quoiqu'il en fut sollicité par ses sujets; il aima mieux entreprendre de changer leurs habitudes et de les convertir. Pour cela il rendit en 1234 une ordonnance qui leur défendait l'usure , leur enjoignait de vivre du travail de leurs mains, et qui portait enfin que le talmud et leurs autres livres seraient brûlés. Ces dispositions s'exécutèrent à la rigueur, et les Juifs parurent en souffrir d'avantage que des persécutions beaucoup plus cruelles dont ils avaient été quelquefois l'objet. Cependant comme en même temps Saint-Louis comblait de libéralités et de faveurs ceux qui changeaient de religion, un assez grand nombre de familles se convertirent. Sous le règne de ce prince et sous celui de son fils , on rendit aussi contre eux plusieurs lois flétrissantes. En 1271, par exemple, on les obligea à porter une corne à leurs bonnets. Un fait assez remarquable de l'histoire de ce temps, c'est que Marguerite de Provence, veuve de Saint-Louis , avait son douaire assigné sur les Juifs , qui lui payaient 219 liv. 7 s. 6 d. par quartier. Il parait qu'en Bretagne ils se conduisaient de la même manière; car en 1239 les cultivateurs de ce pays se trouvant la plupart ruinés par leurs usures, s'adressèrent à Jean-le-Roux, duc de Bretagne, qui, sur la réquisition des trois ordres réunis , les bannit de ses États, après avoir déchargé leurs débiteurs du paiement de leurs dettes. En 1306 , Philippe- le- Bel les chassa de nouveau et leurs biens furent confisqués. En 1315, ils obtinrent de Louis-le-Hutin, qui lui comptant de très grosses sommes qu'ils viendraient s'établir en France pendant treize années. Philippe-le-Long confirma le traité qu'ils avaient fait avec Louis-le-Hutin, lorsqu'en 1321 on les accusa d'avoir voulu empoisonner tous les puits , fontaines et citernes du royaume , d'intelligence avec les infidèle. On conservait dans le trésor des chartes la traduction de deux lettres arabes où l'on crut trouver la preuve de cette accusation. On la punit en brûlant tout ceux qui furent jugés les plus coupables, et en chassant la totalité de la nation, à l'exception des plus riches qui étaient moins compromis, et auxquels on se contenta de demander une somme de 150 000 liv. Comme un certain nombre avait trouvé moyen de revenir en France, Philippe-de-Valois les mit tous dans l'alternative de se convertir ou d'en sortir. Le roi Jean les rappela en 1350, puis il les bannit en 1377; les rappela encore trois ans après, en les soumettant à une redevance. Charles V leur permit de rester dans ses États seize ans par-delà les vingt ans que le roi Jean son père leur avait accordés. Enfin, de nouvelles plaintes s'élevant encore de toutes parts contre eux, Charles VI, sans égard pour les dispositions de ses prédécesseurs les bannit par lettres-patentes du mois de septembre 1394. Depuis , les juifs ont été plusieurs fois encore tolérés, en France , sans pourtant qu'on les y laissât jouir d'une entière liberté. Au 15e siècle , on voit un certain Profaum de leur nation, professer l'astronomie à Montpellier, Montalte, médecin de Marie de Médicis était Juif, et non-seulement Henri IV le laissa venir à Paris , mais il lui accorda une entière liberté de conscience pour lui et sa famille.

    Dans le reste de l'Europe les juifs étaient plus malheureux. Jamais ils n'ont autant souffert qu'en Angleterre dans les 13e siècle. On leur avait imposé des taxes si pesantes, que véritablement ils ne pouvaient les acquitter, et on les empêchait de sortir de l'île de peur qu'ils ne parvinssent à s'y soustraire. Enfin le roi Édouard les renvoya, et il ne paraît pas qu'ils se soient rétablis en Angleterre jusqu'à l'acte du parlement de Cromwel, qui, en 1649, les y rappela en leur accordant une grande liberté avec la permission de bâtir une synagogue. En Allemagne, pendant les 13e et 14e siècles, on ne cessa d'accuser les Juifs de favoriser les courses des tartares dans l'Occident. Il est certain que comme leur position y était en général malheureuse, on les trouvait toujours disposés à se réjouir de tous les changements. Paraissait-il un capitaine habile, un prince, un conquérant, jetait-il quelque éclat; ils étaient toujours sur le point de le prendre pour le Messie et ils croyaient toucher à leur délivrance. En Bavière il courut parmi le peuple qu'ils avaient offert en sacrifice un enfant. et on les massacra. En Lithuanie au contraire, ils obtinrent des privilèges étendus qu'ils y ont toujours conservés depuis. En 1267, le concile de Vienne remarqua que dans les paroisses leur nombre s'était tellement accru, que le revenu des curés s'en trouvait considérablement diminué. En conséquence il ordonna la destruction des synagogues nouvelles et magnifiques qu'ils élevaient de tous cotés , et confirma pourtant l'existence des anciennes. Mais ces décrets étaient inutiles, parce que les princes et les seigneurs chrétiens qui tiraient beaucoup d'argent des Juifs les favorisaient au point de prendre sous leur protection ceux qui refusaient d'obéir. Cela n'empêcha pas qu'un concile œcuménique tenu à Vienne en 1330, ne rendit un décret contre l'usure, et n'ordonnât la traduction devant les tribunaux, des Juifs qui s'en seraient rendus coupables. Mais l'évêque de Spire les défendit de tout son pouvoir, disant que ceux qui avaient traité avec les Juifs avaient dû savoir à quoi ils s'engageaient, et qu'ainsi les contrats qui les liaient étaient obligatoires. C'est aussi vers ce temps-là que Venceslas, roi de Bohème, se vit forcé de remettre à ses sujets tout ce qu'ils devaient aux Juifs qui les avaient ruinés par leur usures.

    On s'occupa beaucoup de la conversion des Juifs en Espagne pendant le 15e siècle. On ouvrit de tous les côtés des conférences où on les appela. Lorsqu'au mois de mars 1492, Ferdinand-le-Catholique, après avoir triomphé des Maures, donna un édit qui bannissait de ses États tous ceux qui ne voudraient pas embrasser le Christianisme, 70 000 familles, au rapport de Mariana, sortirent d'Espagne emportant avec elles 3o millions de ducas . Cette proscription enveloppa plusieurs rabbins savants , entr'autres le célèbre Abravanel. Jean II, roi de Portugal , reçut dans ses États ceux qui voulurent s'y établir , en les assujettissant à de fortes taxes. En Portugal et en Espagne ils embrassèrent extérieurement le Christianisme et reçurent le nom de nouveaux Chrétiens. Aujourd'hui ils y sont encore astreints à pratiquer extérieurement le Christianisme , et on les désigne aussi par le même nom.

    Pendant les 15e , 16e et 17° siècles , les Juifs d'Orient furent , comme ceux d Occident , tour-a-tour paisibles ou tourmentés. Cependant ils maintinrent en Perse , en Arménie, en Médie et dans presque toutes les contrées où ils avaient formé quelques établissements. On en trouve partout où il où il se fait quelque commerce, depuis Bassora et les Indes jusqu'à la Mingrelie. Ils paraissent avoir abandonné Jérusalem et la Judée; la ville de ces contrées où ils se réunirent en plus grand nombre est Supheta. Ils y eurent des docteurs célèbres et même une imprimerie, avec laquelle ils publièrent en 1560 un ouvrage du chef de leur académie.

    En Éthiopie, pendant ces deux mêmes siècles , ils vécurent en bonne harmonie avec les Chrétiens qui se font circoncire et observent plusieurs des cérémonies judaïques.

    Aujourd'hui on en trouve au Caire, dans toute l'Egypte et les parties de l'Afrique où les Européens font le commerce.

    A Constantinople ils jouissent depuis plusieurs siècles d'une grande liberté , quoiqu'ils y portent tous une marque distinctive. Ils habitent le quartier des étrangers et font comme ailleurs le négoce ou l'usure. A la lin du 16e siècle on leur permit d'établir une imprimerie qui répandit leur loi dans l'Orient où ses exemplaires commençaient à devenir rares. Enfin on leur voit des établissements dans la plupart des villes de la Grèce; ils en ont en Thessalonique, à Procéria, à Rhodes, à Smyrne.
   
    Voyons maintenant ce qu'ils devinrent en Italie pendant le 15e, 16e et 17e siècle.. Jean XXIII les tourmenta pour les forcer à changer de religion; Nicolas II les protégea, et écrivit à l'inquisition pour qu'elle ne les contraignit pas à embrasser le christianisme. Alexandre VI ouvrit ses États à ceux que Ferdinand-le-Catholique chassa d'Espagne, et les Juifs, anciennement établis dans l'État romain, traitant leurs frères avec dureté, et les laissant périr de misère, Alexandre les menaça de les chasser, s'ils ne donnaient aux nouveaux venus tous les moyens de s'établir. A Naples, on ne voulut pas les recevoir; Jules III fit brûler leurs livres. Paul 1V les les relégua dans des quartiers à part, leur fit porter un chapeau jaune, les soumis à des taxes, et leur ordonna de vendre leurs propriétés, qui étaient devenues considérables. Pie V, irrité de les voir toujours exercer l'usure, croyant aussi qu'ils faisaient le métier de receleurs, et plusieurs autres encore plus vils, prit le parti de les bannir de l'État romain. On dit que Sixte-Quint avouait qu'il ne les tolérait qu'à cause des profits qu'il en retirait; mais leur présence était la source de beaucoup de désordres. Clément VIII renouvela la bulle de Pie V; mais il leur permit d'habiter Rome, Ancôme et Avignon. Les juifs d'Italie eurent alors plusieurs savants rabbins; c'est en 1645 que mourût le fameux rabbin de Venise, Léon de Modène. Voici le compte des synagogues d'Italie dans les 18e siècle ; à Rome, il y en avait neuf, dix-neuf dans la Campanie, trente-six dans la marche d'Ancône, onze à Bologne, treize dans la Romagne. On serait tenté de croire ce calcul des historiens exagéré.

    En Allemagne, pendant les 15e et 16e siècles, les Juifs furent soumis à des taxes par les landgraves, tant dans la Thuringe que dans la Misnie. En 1401, on leur demanda nouvelles, et, comme ils refusèrent de payer, on les jeta dans les prisons et on les y laissa jusqu'à ce qu'ils se rachetassent individuellement par de fortes rançons. En 1434, le concile de Bâle, qui étendait sa juridiction en Allemagne, décréta qu'il serait fait en tout lieux des sermons, auxquels les princes enverraient tous les Juifs de leurs États. Les droits politiques et plusieurs autres avantages étaient promis à ceux qui se convertiraient, tandis qu'on prescrivait un habit particulier à ceux qui demeuraient inébranlables, et qu'on défendait aux Chrétiens de les prendre pour fermiers ou pour valets.

    Trente ans après, Louis X de Bavière les renvoya; les princes de Mecklenbourg les maltraitèrent. En 1499, le peuple les chassa de la ville de Nuremberg. Le chef de la réforme, Luther se conduisit envers eux avec beaucoup de violence; il empêcha plusieurs princes de les recevoir, et en obligea plusieurs autres à les bannir. Peut-être que le souvenir qu'ils en ont gardé et la comparaison qu'ils font de sa conduite avec celle des papes, sont la cause de la préférence qu'ils donnent encore aujourd'hui aux catholiques sur les Protestants. En Pologne et à Cracovie, ils continuèrent à être mieux que partout ailleurs : ils y avaient alors, ainsi qu'en Allemagne, de savants docteurs qui disputaient chaudement contre les Réformés. En Bohème, ils étaient nombreux; l'an 1558 on y brûla leurs livres. Ferdinand les chassa la même année, mais peu de temps après ils revinrent. En 1574, ils furent persécutés par les peuples en Moravie et en Franconie; en 1592, ils s'établirent chez le duc de Brunswick: en un mot, à la fin du 16e siècle, il n'y avait guère de lieu en Allemagne, où ils ne commerçassent.

    Nous avons dit qu'en Pologne , ils jouissaient de toutes sortes de privilèges; dans le 17e siècle, il y parut plusieurs célèbres rabbins, et les Juifs dévots y envoyaient leurs enfants pour s'instruire à leur école. Cependant, plusieurs de ces rabbins mêmes se convertirent de leur propre mouvement, et commencèrent à combattre la religion qu'ils avaient quittée. Leurs établissements se soutinrent dans la Servie , la Croatie , la Moldavie, la Valachie et toutes les villes riches de l'Allemagne. A Hambourg, ils se trouvèrent si bien qu'ils la nommèrent la petite Jérusalem. Leur synagogue cependant était à Altona. A Augsbourg, ils existent depuis très-long-temps : on sait qu'à Frankfort, ils sont en grand nombre.

    Aujourd'hui, de tous les États de l'Europe, la Hollande est le pays où les Juifs tiennent le plus de place. Ils s'y divisent, comme ailleurs, en Juifs allemands et Juifs portugais; et quoiqu'ils ne diffèrent entre eux que par quelques cérémonies, ils se haïssaient naguère comme des idolâtres. Du reste, il ne paraît pas qu'on se plaigne des Juifs en Hollande, et tout donne à penser qu'ils ont mérité les les prérogatives dont ils jouissent. Cependant on remarque encore quelque différences entre les deux espèces de Juifs. Les Portugais sont plus riches , ont des mœurs plus relevées et sont plus éloignés que que les Allemands, des vices et des habitudes qu'on reproche à la nation dans certaines parties de l'Europe. C'est vers l'entrée du 17e siècle qu'ils se réfugièrent en Hollande pour échapper à l'inquisition, et c'est en 1675 qu'ils consacrèrent cette grande et magnifique: synagogue que l'on voit à Amsterdam.
   
    En Prusse , ils sont assez nombreux, et ils y font la banque, le commerce et l'usure. La plupart des banquiers de Berlin sont Juifs et la plus grande partie des capitaux disponibles se trouve entre leurs mains; C'est à eux que le Gouvernement et les particuliers s'adressent dans leurs besoins.

    Livourne est aujourd'hui la ville d'Italie où ils sont en plus grand nombre , et où ils font le plus de commerce. Ils y ont une grande liberté , et il ne parait pas qu'on ait à s'y plaindre de leur présence. Enfin, l'Espagne et le Portugal les forcent encore à professer extérieurement le christianisme; et l'on raconte que quelques-uns entraînés par leur intérêt poussent la dissimulation jusqu'à entrer dans les ordres sacrés.

    Quant aux dix tribus qui ne retournèrent pas à Jérusalem , on ne saurait plus les distinguer , et l'on ne pourrait dire précisément où elles habitent. Cependant, il est vraisemblable que ce sont elles que l'on voit encore répandues dans l'Orient, qui même se sont étendues en Pologne et dans une partie de l'Allemagne.

Juifs en France depuis le 17° siècle jusqu'à présent


    On a cru devoir entrer dans quelques détails sur la situation des Juifs en France, dans les deux derniers siècles. En conséquence , après avoir jeté un coup-d'oeil rapide sur le sort des Juifs répandus sur la surface du globe depuis leur dispersion, on a formé un titre à part des renseignements qu'on a pu se procurer sur cette matière.

    Les juifs en France se divisent en trois tribus ou nations différentes , Juifs allemands , Juifs avignonnais et Juifs portugais. Les portugais croient descendre de la maison de David; on remarque en eux une certaine fierté que cette opinion leur donne; ils ont des mœurs plus libérales, reçoivent une éducation plus soignée, s'enrichissent par le moyen du commerce et d'une utile industrie ; enfin , ils sont peu zélés observateurs de la loi des rabbins. Bayonne et surtout Bordeaux sont les principales villes qu'ils habitent. Les Avignonnais viennent ensuite ; c'est parmi eux que l'on trouvait cette quantité de brocanteurs et revendeurs dont la bonnefoi était si suspecte. Les Allemands sont les plus ignorants et les plus superstitieux : de tous les juifs ce sont eux que l'on a plus particulièrement accusés de faire l'usure. Ils remplissent la Lorraine, l'Alsace et tous les bords du Rhin. Louis XIII, en 1615, bannit encore les juifs, à l'exception de ceux de Metz. Ses successeurs les tolérèrent de nouveau dans plusieurs provinces , jusqu'à ce que Louis XV , par l'arrêt du conseil de 1722, ordonnât aux intendants des généralités d'Auch et de Bordeaux de faire le dénombrement des Juifs qui les habitaient, et de se procurer un état exact de leurs biens , pour ces biens être saisis et confisqués; mais les juifs portugais réclameront, et , sur leur requête , le roi révoqua l'arrêt du conseil l'année suivante , confirma les déclarations de Henri II et de Henri III, faites en leur faveur, et leur demanda seulement une somme de 100 000 livres pour son joyeux avènement. Enfin, en 1784, Louis XVI affranchit les juifs d'un droit qu'ils payaient à Strasbourg, comme certains animaux. Il reste à faire connaître sous quel régime ils vivaient , tant eu Alsace qu'en Lorraine et à Bordeaux.

Juifs portugais.


    A Bordeaux ils avaient des syndics choisis parmi eux, avec lesquels le Gouvernement correspondait, et qui lui répondaient des désordres ,où pouvaient tomber tous les autres. Ils faisaient exécuter les règlements de police que la communauté s'imposait elle-même , et qu'elle était seulement tenue de faire approuver par le roi. Si un juif étranger arrivait à Bordeaux, le syndic en était aussitôt instruit, et s'il n'y venait pas évidemment pour des affaires, ou quelque autre motif légitime , le syndic lui ordonnait de s'éloigner après lui avoir remis 3 liv. , s'il était dans le besoin. Ils prenaient soin de leurs pauvres , tant pour accomplir la loi , qui afin qu'ils ne fussent pas à charge aux Chrétiens. Ils avaient leur boucherie, leur boulangerie particulières ; en un mot , ils formaient une espèce de communauté
sous la surveillance du Gouvernement.

Juifs de la Lorraine.


    Le sort des Juifs en Lorraine fut d'abord fixé par ente déclaration du duc Léopold , rendue le 20 octobre 1721. Elle permettait à 180 familles juives de continuer leur résidence dans les États de ce Prince, d'y exercer leur religion sans bruit , ni scandale. En même temps, il leur était permis de faire le commerce , eu se conformant aux ordonnances, usages, statuts et règlements des lieux où ils seraient domiciliés. Par arrêt du 11 juin 1726. le même duc ordonna aux Juifs , qui , à titre de propriété ou de locations , habitaient des maisons dans l'intérieur des villes, bourgs ou villages, et qui se trouvaient mêlés avec celles des catholiques de se défaire desdites maisons et d'en sortir dans le délai d'un mois, à peine de confiscation, à l'égard de ceux qui seraient propriétaires , et de 2 000 fr. d'amende contre ceux qui ne seraient que locataires. Il fut d'ailleurs, réglé que, dans toute la Lorraine, les juifs seraient tenus de s'adresser aux autorités locales , pour qu'elles leur désignassent , à l'écart et dans des lieux les moins fréquentés , des terrains ou maisons où ils habiteraient; en sorte que parmi leurs maisons, il ne s'en trouvât point d'intermédiaires qui appartinsses aux sujets catholiques du duc. Les usures que les juifs exerçaient en Lorraine, et surtout dans les campagnes, donnèrent lieu à un édit remarquable le 3o décembre 1728. Cette loi déclara nuls tous les billets et actes sous seing-privé, qui seraient faits au profit des Juifs , tant pour argent prêté que pour vente de marchandises ou autres engagements, Les lettres de change et autres effets usités dans le commerce furent exceptés de la prohibition. Il fut , en outre , ordonné que les Juifs reconnus coupables de dol ou d'usure envers quelque sujets catholiques, seraient punis par la perte de leur créance, tenus d'en payer le double à leur débiteur, et obligés, en outre, à une amende de 500 liv. envers le prince ,sans que ces peines pussent être remises ni modérées par les juges.

    Enfin , un arrêt du conseil du roi Stanislas, rendu le 26 janvier 1753 , termine la jurisprudence relative aux juifs de Lorraine. Le voici dans son entier
«Le roi s'étant fait représenter l'arrêt du conseil-d'état, du 29 décembre 1733, donné sur la requête du chef de la communauté des Juifs dans ses États. par lequel il a été permis à toutes les familles juives, comprises dans la répartition qui avait été faite, en exécution d'un arrêt du 26 juillet précédent, et montant à 180, de continuer leur résidence dans ses États, juqu'à son bon plaisir; et les impositions sur les juifs ayant depuis continué d'être faites sur le pied desdites 180 familles S. M. ne croit pas devoir déranger leurs établissements , ni les frustrer du bénéfice de ces arrêts ; étant aussi informé des différents abus et inconvénients qui naissent de l'exécution de l'ordonnance donnée par le duc Léopold, le 3 décembre 1723, concernant les actes qui se passent avec les juifs , elle trouve a propos d'en suspendre l'exécution.     Oui, sur le rapport du sieur Rouott conseiller, secrétaire-d'état ordinaire , commissaire à ce député , et tout considéré :
    « Sa majesté , en son conseil , a ordonné et ordonne,

    1°. Que le nombre des Juifs qui seront admis dans ses États , demeurera fixé, jusqu'à son bon plaisir , à cent quatre - vingt familles , et que sous le nom de famille seront compris le chef et tous ses enfants et descendants des mâles, demeurants dans une seule et même maison, sans préjudice aux acquisitions faites, jusqu'à ce jour, par aucun d'eux , en vertu de permission , et aux désignations faites dans quelques-uns des lieux de leur résidence, de rues ou terrains, pour former des habitations dans lesquels ils seront maintenus.
    2°. Que les syndics desdits Juifs déposeront dans le mois, au greffe de son conseil, un rôle ou état exact clé tous les Juifs, chefs de famille, qui sont actuellement dans ses États, contenant leurs noms et le lieu de la résidence actuelle de chacun d'eux, pour être faite et arrêtée en sondit conseil la liste de ceux qu'elle jugera à propos de tolérer en chacun lieu , jusqu'audit nombre de cent quatre-vingt familles, et de suite envoyée et publiée partout où besoin sera.
    3°. Que lesdits juifs résidants dans ses États composeront une seule communauté , de laquelle S. M. a nommé et établi pour syndics, Salomon Alcan, Isaac Behr, et Michel Godechaux, demeurant à Nancy.
    4°. Ceux qui dans la suite pourraient obtenir de S. M. permission de s'établir dans ses États, pour remplacer des familles actuelles qui seraient éteintes, seront tenus de faire registrer ladite permission au greffe du bailliage, de la résidence , et de la communiquer au premier officier du lieu, à peine de privation de la grâce.
    5°. Ordonne au surplus S. M. , que les édits, ordonnances, déclarations et arrêts de règlements donnés , tant au sujet de l'exercice de leur religion , que de la police , commerce , et autrement, seront suivis et exécutés , à la réserve néanmoins de l'ordonnance du 3o décembre 1728, concernant les actes qui se passent avec les Juifs dont S. M. a suspendu et suspend l'effet et l'exécution jusqu'à ce qu'elle en ait autrement ordonné.»

    Cet arrêt fut revêtu de lettres-patentes et enregistré au parlement de Lorraine le 5 avril 1755.
    Le 22 avril 1762 , cette cour rendit, sur le réquisitoire du procureur-général, un arrêt par lequel elle ordonna que les 1er, 2e, 3e et 4e chefs de l arrêt du conseil précité , fussent exécutés à la rigueur. Eu conséquence les familles juives établies en d'autres lieux que ceux spécifiés au rôle furent tenues de sortir des États dans le mois , sous peine d'en être chassés et leurs biens confisqués au profit du roi.

Juifs de Metz


    Les Juifs s'établirent à Metz pour la première fois en 1567, en vertu d'une ordonnance du maréchal de la Vieuville, gouverneur, qui permit à quatre familles de cette nation d'y habiter et de s'employer au prêt d'argent sur gages. Ces quatre familles se multiplièrent jusqu'au nombre de vingt-quatre; et elles obtinrent, le 20 mais 1603 de Henry IV , des lettres- patentes portant que ce prince prenait sous sa protection et sauvegarde les quatre-vingt ménages juifs, descendus des huit premiers établis à Metz sous le règne de son prédécesseur ; qu'ils J continueraient leur demeure et qu'ils pourraient trafiquer et négocier suivant leurs franchises , libertés et coutumes anciennes; prêter argent sur gages et sans gages. Le nombre des juifs à Metz s'accroissant toujours , ils s'adressèrent à Louis XIII qui , par lettres-patentes du 24 janvier 1632 , confirma les ordonnances précédemment rendues en leur faveur. Le 23 mai 1631 intervint un arrêt, en forme de règlement, du parlement de Metz, à la suite d'une instance entre les corps de métiers et
les Juifs , qui permit à ceux-ci le commerce des marchandises , d'orfèvrerie, d'argenterie et de friperie, avec défense à eux de vendre aucune marchandise neuve.

    Le 25 septembre 1657 , ils obtinrent de nouvelles lettres patentes confirmatives des précédentes, avec pouvoir d'étendre leur commerce sur toutes sortes de marchandises. Le corps des marchands s'opposa à leur enregistrement ; les Juifs de leur côté représentèrent que devant leur établissement à Metz à la bonté des rois , il fallait qu'on leur laissât les moyens d'y subsister; que supportant les charges publiques , ils ne devaient pas être traités moins favorablement que les étrangers non naturalisés ; qu'enfin ils n'entendaient faire le commerce des marchandises neuves que comme marchands forains, c'est-à-dire en magasin, sans exposition ni boutiques ouvertes.

    Les marchands se pourvurent par requête civile contre cet arrêt, sous le prétexte qu'il était contraire à celui de 1634. Mais un arrêt de juillet les débouta de leur requête.

    En 1694 , les marchands tentèrent encore de faire apporter quelques restrictions aux libertés accordées aux Juifs ; et le parlement de Metz, invariable sur ce sujet, maintint et confirma les droits de ces derniers.

    Les marchands en appelèrent en cassation, et un nouvel arrêt du Conseil-d'état rendu le 11 juillet 1696, condamna encore une fois leurs prétentions.

    Le 31 décembre 1715 , des lettres-patentes imposèrent chaque famille juive à une redevance annuelle de 40 liv. En même temps le roi fit don de cette redevance au duc de Brancas, à la comtesse de Fontaine et à leurs héritiers.

    En 1718 , le corps des marchands de la ville de Metz demanda au roi que le nombre des Juifs fut réduit, et qu'il leur fut défendu de faire aucun autre trafic que le prêt d'argent à intérêt.

    Enfin le 9 juillet 1718 , le duc d'Orléans régent fit rendre un arrêt du conseil, portant que les 480 familles des juifs de Metz continueraient d y demeurer et d'y jouir du bienfait des anciennes lettres-patentes aux conditions, suivantes :
    Qu'à la diligence de M.. le procureur-général , il serait dressé par les chefs de la communauté des Juifs , sans frais , un état des 480 familles et des individus qui les composaient, lequel état resterait déposé au greffe du bailliage afin qu'on put y avoir recours au besoin ;
    Que les pères et mères de familles seraient tenus de faire enregistrer au greffe du bailliage tous les enfants qui leur naîtraient ;
    Que les veuves ou filles juives ne pourraient à l'avenir attirer à Metz aucun Juif étranger par mariage.
    Que les Juifs seraient tous obligés de demeurer dans le quartier de Saint-Féron, sans qu'ils puissent posséder ni louer maisons , magasins , écuries , granges, caves ou greniers dans les autres quartiers de la ville , à peine par les contrevenants de payer, savoir; le Juif; 3 000 liv. d'amende, et le propriétaire, 1000 liv. ;
    Qu'ils seraient tenus de compter annuellement la somme de 450 liv. à l'hôpital de Saint-Nicolas; à laquelle somme avaient été commués les 200 liv. d'ancien droit, établi le 6 août 1567; plus , 175 1iv. à la ville , à quoi avait été estimé le droit d'entrée et de sortie qui se percevait autrefois sur chaque Juif, et 200 liv pour le logement du vicaire de la paroisse Ségoline ;
    Qui ils ne pourraient élire un rabbin sans la permission et l'approbation de sa majesté
    Qu'ils ne pourraient aller par la ville ni travailler les jours de dimanche et de fête, sinon par l'ordre ou avec la permission des commandants et des magistrats , ou dans le cas d'une nécessité urgente ;
    Qu' ils se conformeraient , pour le prêt d'argent, aux lettres-patentes des rois prédécesseurs de sa majesté , et aux. règlements faits sur cette matière, et ne pourraient garder les gages qui leur auraient été remis au delà du terme d'une année , ou de quinze mois au plus ; après lequel temps ils seraient tenus de les faire vendre , à peine de perdre les sommes qu'ils auraient prêtées;
    Qu'ils ne pourraient prêter sur gages aux femmes en puissance de mari , aux enfants de famille , ni aux domestiques , à peine de perdre ce qu'ils auraient prêté, et de plus grandes peines s'il y prêté
    Qu' ils ne pourraient pareillement recevoir pour gages les outils des artisans , des ouvriers , laboureurs et journaliers ;
    Que leurs droits et hypothèques leur seraient conservés sur les immeubles de leurs débiteurs ,  selon les règles de la justice , et conformément aux ordonnances , lois , usages et coutumes du pays;
    Qu'ils seraient obligés de procéder devant les juges, et consuls de Metz , dans les matières consulaires, pour les contestations qu'ils auraient avec les Chrétiens , sauf appel au parlement dans les cas qui y sont sujets; sa majesté leur réservant, pour les contestations de Juif à Juif , la liberté de se pourvoir devant leur rabbin , et aux chefs de leur communauté, la connaissance leur police , religion , coutumes , cérémonies et impositions ;
    Qu'il leur serait permis d'avoir des boucheries particulières pour la nourriture de leurs familles, avec défense aux bouchers juifs de tuer un plus grand nombre de bestiaux que ce qui est absolument nécessaire à la subsistance des mêmes familles de vendre aux Chrétiens d'autres viandes que celles des quartiers de derrières des animaux, et les chaire de ceux qui auraient été reconnus viciés des vices qui empêchent les Juifs d'en manger , suivant leur loi , à peine de 1000 l. d'amende contre les contrevenants.
    Qu'ils seraient tenus de commettre deux Juifs experts , pour visiter tous les animaux qui seraient tués dans leurs boucheries et reconnaître ces vices , lesquels experts seraient obligés de tenir un registre fidèle de la quantité des bœufs, veaux et moutons qui auraient été trouves viciés de ces sortes de vices et de ceux qui ne seraient pas viciés , avec mention du nom des boucher juifs qui les auraient tués et les débiteraient; qu'en outre les jurés bouchers de Metz continueraient leurs visites et inspections sur les bouchers juifs , ainsi qu'ils avaient droit de faire sur les autres boucheries ;
    Qu'en cas de contravention , les pères et mères seraient responsables de leurs enfants et les maîtres de leurs domestiques pour le paiement des amendes qu'ils auraient encourus.
    Enfin , pour assurer d'une part les conditions des domaines et de l'autre épargner aux Juifs les frais et les inconvénients d'un recouvrement à faire en détail sur chacune de leurs familles, par les commis préposés qui ne seraient pas de leur nation,  le montant de la redevance annuelle de 40 liv, établie par les lettres-patentes de 1715 fut fixé à la somme de 20 000 fr., pour être payée, savoir au duc de Brancas 15 000 liv., et à la comtesse de Fontaine 5000 liv. ; à l'effet de quoi  les syndics juifs furent chargés de l'assiette et du recouvrement de ladite somme.
    Indépendamment de cet arrêt du conseil , une déclaration du mois d'août 1710 , enregistrée au parlement de Metz , portait que le roi informé que plusieurs Juifs étant dans cette ville , faisant la banque ou le commerce , tenaient leurs registres en langue hébraïque pour couvrir plus facilement leurs usures , sa majesté ordonna qu'ils seraient obligés de tenir des registres dans la forme prescrite par l'ordonnance et en langue française ; faute de quoi ils seraient déchus de toute action pour raison des sommes qu'ils prétendraient leur être dues , déclarés incapables de faire aucun commerce de banque, ou autre de quelque nature que ce fût , et condamnés en outre a 2000 liv. d'amende.

Juifs d'Alsace.


    On a donné dans toute leur étendue les lois relatives aux Juifs de Metz afin que l'on pût prendre une idée générale des Juifs en France, et des rapports dans lesquels ils étaient placés à l'égard des gouvernements et des Chrétiens. En Alsace, leur organisation était à-peu-près la même. Ils y faisaient le commerce de la même manière et aux mêmes conditions. Ils se gouvernaient entr'eux par des rabbins dont le roi approuvait le choix, et il lui soumettaient les règlements qu'ils s'imposaient eux-mêmes. La justice leur était rendue comme dans la généralité de Metz. Comme il s'introduisait un abus d'un nouveau genre, qui consistait à passer au nom de Chrétien les contrats usuraires qui se soldaient au profit des Juifs, le conseil souverain de Colmar, le 21 juin 1714, fit défense à toutes personnes, de quelque qualité et condition qu'elle fussent, de se rendre à l'avenir concessionnaires d'aucun Juifs, à peine de perdre leur dû et sous telle autre peine que de droit. Il fut également interdit, sous les peines les plus sévères, aux notaires et officiers publics de passer aucun acte de cette espèce.
    En 1733, l'usure des juifs faisant de grands ravages en Alsace, on vit paraître la déclaration du 24 mars portant : "que les juifs qui feraient des prêts, affirmeraient devant les notaires que ces prêts ne renfermaient même secrètement aucune convention usuraire laquelle affirmation serait mentionnée dans les contrats , à peine de nullité contre les actes et de faux contre les Juifs ; que ceux de cette nation qui se trouveraient avoir commis quelque dol, fraude, surprise ou usure, ou qui auraient accumulé les intérêts avec les capitaux, outre la nullité des actes et la perte de leurs créances dont les débiteurs seraient déchargés par la simple vérification du fait , seraient condamnés à payer aux parties plaignantes le double des sommes portées dans lesdits actes, et à une amende de 500 liv. à quoi ils pourraient être contraints par corps ; le tout sans préjudice de l'action criminelle. "

    Au mois de septembre de la même année , ils obtinrent un sursis à exécution de cette déclaration ; sur séance qu'on ne voit pas qui ait été levée.
    Tel était donc l'état où les Juifs se trouvaient en France lorsque la révolution arriva. A l'aspect des changements qui s'opéraient de toutes parts, ils conçurent bien vite l'espoir de voir leur sort s'améliorer. Bientôt même ils espérèrent d'être en tout assimilés aux Français. Encouragés par plusieurs brochures qui paraissaient en leur faveur et par une certaine vogue que leur donnaient les maux qu'ils avaient soufferts sous le Gouvernement qu'on venait de détruire, ils adressèrent leurs réclamations à la commune de Paris. Ils en furent reçus comme ils l'avaient espéré, et peu de temps après on fit à l'Assemblée constituante une motion d'ordre, tendant à leur rendre, ainsi qu'aux comédiens, les droits de cité. Le 16 avril 1790, ils furent mis par un décret spécial sous la sauve-garde de la loi. Il ne parait pas cependant que leur sûreté fût menacée; il est probable au, contraire qu'ils n'avaient sollicité ce décret qu'afin d'obtenir un témoignage public de l'intérêt de l'Assemblée , et pour préparer les esprits à leur entière réhabilitation.. Quelques mois après, second décret qui les affranchit de toutes les redevances annuelles qu'ils payaient à titre de droit d'habitation , de protection et de tolérance. Enfin , le 27 septembre 1791 , on leur donna tous les droits des Français. Néanmoins la ville de Strasbourg qui avait envoyé plusieurs adresses à l'Assemblée dans le cours de 1790 et 1791 où elle s'opposait a cette mesure , renouvelant alors avec chaleur ses remontrances, l'Assemblé constituante, le lendemain du jour où elle avait assimilé les Juifs aux Français , rendit un décret portant:
    1° Que dans le mois les juifs d'Alsace donneraient aux directoires de district du domicile de leurs débiteurs , l'état de leurs créances, tant en principal qu'en intérêt sur des particuliers non juifs. 2° que les directoires de district prendraient tous les renseignements nécessaires pour constater les moyens connus des débiteurs pour acquitter ces créances; et qu'ils feraient passer ces renseignements avec leur avis sur la manière de liquider ces créances aux directoires des deux départements; 3° que ces directoires donneraient sans délai leur avis sur le même objet, et qu'après l'avoir communiqué aux Juifs , ils l'enverraient à l'assemblée avec les observations de ces derniers.
    La session de l'assemblée constituante se terminant peu de jours après, aucune suite ne fut donnée à ce décret par l'assemblée législative, et il n'a jamais reçu son exécution.
    Enfin, dans l'an 6, les Juifs demandèrent au Conseil des 500 d'être assimilés aux corporations supprimées, afin que la nation se chargeât d'acquitter leurs dettes. Leur demande d'abord accueillie finit par être rejetée.
    Voilà donc quel a été le sort des Juifs en France pendant les deux siècles qui viennent de s'écouler. Il nous reste à rechercher le véritable esprit de leur loi, les développements qu'elle a reçus , et les rapports dans lesquels cette loi les place à l'égard des sociétés au sein desquelles ils vivent. Cette recherche fera l'objet du titre suivant.

De la loi des Juifs.


    Le législateur des Hébreux , qui réunissait dans sa personne tous les pouvoirs , leur a donné une loi qui réunit en elle tous les caractères; elle est à-la-fois religieuse , politique et civile. Au lieu que les autres peuples obéissent à des lois qu'ils savent tenir des hommes, celui-ci ne peut agir qu'il ne croie obéir ou désobéir à Dieu. Sa loi intervient clans toutes ses actions , elle prononce sur toutes. Aucun des individus qui la suivent ne peut faire un geste qu'elle n'ordonne ou ne défende , qu'elle n'approuve ou qu'elle ne blâme. Moïse qui connaissait ce peuple inconstant et léger jusqu' à ce qu'il ait été malheureux, parait avoir voulu lui imprimer un caractère si particulier, des habitudes si exclusives, qu'il ne pût se mêler avec aucune autre nation , et qu'il dût exterminer celles dont il lui destinait les dépouilles. D'abord il l'isola en lui annonçant qu'il était le peuple que Dieu avait choisi , et par là lui inspira une confiance et un mépris des autres hommes qui, dans la suite, ne contribuèrent pas peu au succès de son entreprise. "Les Juifs , dit Tacite (7) sous la conduite de Moise, dépossédèrent les habitants d'un pays cultivé qu'ils trouvèrent , et y bâtirent leur temple et leur ville. Moïse , pour s'assurer de leur fidélité, leur donna une religion contraire à celle de tous les autres peuples ......  Ils se gardent entre eux une foi inviolable et une charité toujours prête; mais ils n'ont pour tous les autres peuples que de la haine et de l'inimitié." On lit au Deutéronome (8)
"Vous dominerez sur plusieurs nations , et nulle ne vous dominera." Dans beaucoup d'endroits , Moïse et Josué défendent aux Israélites toute alliance avec les étrangers , et les menacent de la colère du ciel s'ils manquent à ce commandement. Ailleurs il leur ordonne de ne laisser la vie à aucun des habitants des lieux qu'ils vont conquérir. Après la captivité de Babylone, Esdias (9) trouvant à Jérusalem beaucoup de Juifs qui avaient épousé des femmes étrangères, les obligea à les renvoyer.
    Cependant on lit dans l'Exode IV : "Vous n'attristerez pas et vous n'affligerez point l'étranger, parce que vous avez été étrangers vous-mêmes dans le pays d'Égypte." Mais ce précepte parait avoir surtout pour objet de leur recommander l'hospitalité à l'égard des étrangers qui les visiteraient ; et la charité qu'il leur prescrit envers quelques individus. n'est point conciliable avec l'éloignement que leur loi cherche à leur inspirer pour ces mêmes individus réunis en corps de nation.
    Mais la loi de Moyse ,permet-elle l'usure , ou la détend-elle seulement aux Juifs entre eux? Il n'est pas du tout constant que les juifs ne puissent, d'après leur loi , pratiquer entre eux l'usure. Nous en alléguerons pour preuve , non pas notre opinion. personnelle , ni aucune interprétation qui vienne de nous , mais le témoignage des savants rabbins dont ils adoptent aveuglement toutes les décisions. Nous lisons dans le Deutéronome (10) : Non foenerabis fratri tuo ad usuram pecuniam. "Tu ne prêteras pas d'argent à usure à ton frère." Or, les rabbins (11) prétendent qu'au lieu de : Non foenerabis fratri tuo, il faut lire , Non foenerabis li fratre tuo serment que le mot **** était au passif, et qu'on devait traduire: c'est-à-dire , non pas , " tu ne prêteras pas usure à ton frère", mais "tu ne te laisseras pas prêter à usure par ton frère" d'où il suit que la loi condamne plutôt celui qui se laisse faire le mal que celui qui le commet. La glose ordinaire des rabbins: " Il est défendu à celui qui emprunte de payer aucun intérêt au prêteur". Sixte de Médicis dit en propres termes (12) "Dernièrement quelques rabbins très habiles, requis par le savant Philippe Archinto, vicaire de Rome, déclarèrent avec Non foenerabis fratri tuo; tu ne te laisseras pas prêter à usure par ton frère."
    A la vérité , les auteurs qui rétablissent ainsi le passage dont il est question, soutiennent que la défense d'emprunter à intérêt équivaut à celle de prêter, et ils pensent que les hommes de leur religion ne sauraient tirer aucune usure des sommes qu'ils prêtent.
    Quant à l'usure envers l'étranger , Moïse ne l'a pas seulement tolérée, mais prescrite. (13) Alieno foenerabis; "Tu prêteras à usure à l'étranger." Moyse ne condamne pas les richesses ; au contraire, il les propose pour récompense à ceux qui observeront fidèlement la loi. Comment donc les particuliers auraient-ils pu augmenter leurs fortunes dans un pays sans commerce et où, du jubilé, les propriétés demeuraient toujours dans les mêmes mains, si l'on n'avait pu il prêter à intérêt, soit de l'argent , soit des marchandises ?
    Joseph dit (14) " II est défendu de prêter à usure à aucun Juif." Philon (15) s'exprime de la même manière. Tous deux n'ajoutent rien et semblent croire , par leur silence, qu'il n'en était pas de même à l'égard des Gentils. Mais voici ce que l'on trouve dans le célèbre Maimonide, la plus grave des autorités parmi les Juifs (16) " Il est permis, tant de prêter que d'emprunter à intétêts aux Gentils et aux Prosélytes; car il est écrit : Tu ne prêteras pas à usure à ton frère. il est défendu de prêter à usure à son frère, quoique cela soit permis à l'égard du reste du genre humain.. C'est même un précepte positif de pratiquer l'usure sur l'étranger ou Gentil ;  car il est écrit aussi : Tu prêteras à usure a l'étranger et au Gentil. Il faut  donc observer que le précepte à cet égard est affirmatif. Tel est le texte de la sainte loi."
    On lit aussi dans Sepher Siphri (17) : "Tu prêteras à usure au Gentil est un précepte positif . de même que tu ne prêteras pas à usure à ton frère est un précepte négatif."
    Dans le Pirushtora (18) : "La loi n'en  dit pas autant du vol , et il est reçu que prendre secrètement le bien d'un Gentil est un crime : mais l'usure dont le contrat résulte du consentement et de la libre volonté tant du prêteur que de l'emprunteur, n'est nullement défendue qu'entre frères."
    Il semble que :Moïse ait eu dessein , au moyen de l'usure , d'élever une barrière de plus entre sou peuple et les nations étrangères. On connaît cette multitude infinie de règlements et de pratiques avec laquelle il parait avoir voulu en quelque sorte constituer les mœurs des hébreux , et les séparer a jamais du reste du genre humain. Ainsi il leur interdit l'usage de tant de sortes d'aliments , et il leur ordonna d'appréter les autres d'une manière si particulière. Ainsi il leur prescrivit tant d'ablutions de prières , un repos si absolu le jour du sabbat. Ainsi il leur imposa ces règlements bizarres qui leur rendaient impraticables les mariages avec les étrangers qu'il leur avait défendu d'ailleurs. Toutes ses lois avaient la religion pour objet ; l'amour et la crainte de Dieu , le respect pour ses commandements étaient les seuls sentiments qu'il eût cherché à leur inspirer; ces sentiments décidaient de toutes leurs actions et remplissaient entièrement leurs âmes. Aussi quand ils les abandonnaient ils restaient sans guide et sans mobile , sans courage et sans vertu. De là vient que nous ne les voyons pas dans leur histoire négliger leur loi sans qu'ils tombent aussitôt dans la corruption la plus grande et le plus profond abaissement.

     Il est temps d'examiner quel a été l'état religieux des juifs depuis Moïse, et s'ils n'ont rien ajouté à sa loi.
    Lorsque le don de prophétie eut cessé parmi les juifs , par une suite de leur inquiétude naturelle plusieurs sectes se formèrent. Nous devons d'abord les diviser en deux classes : celles qui ne reconnaissent pour divine que la loi écrite de Moïse , et celles qui qui confondent dans leur vénération et leur croyance la loi orale ou traditionnelle. Ces dernières se composent d'hommes qui pensent que Moïse n'a écrit que la moindre partie des préceptes qu'il a reçus de Dieu , et qu'il a confié seulement à la tradition, un grand nombre de ces préceptes, de peur qu'en les écrivant ils ne parvinssent à la connaissance des idolâtres. Nous donnerons le développement de cette opinion à mesure que nous ferons connaître les sectes qui la professaient.
    Les partisans de la loi écrite ont formé deux sectes ; la première , celle des Sadducéens , parut lorsque Ptolémée Evergete régnait en Égypte, et Seleucus Callinicus en Syrie. Ils rejetaient la loi orale , se renfermaient dans la lettre de la loi de Moïse, niaient qu'il y eût une autre vie, croyaient que tout l'homme périssait. On peut les regarder comme les matérialistes du judaïsme; ils ont entièrement disparu.
    La seconde est celle des Caraïtes ; on en trouve aujourd'hui en Pologne et en Lithuanie. Ils rejettent comme les Sadducéens toute tradition orale, mais ils croient à l'immortalité de l'ame.
    Les Pharisiens sont la première secte qu'aient formée les partisans des traditions orales. Ils prirent naissance sous Jonathan , l'un des Macchabées , 130 ans avant Jésus-Christ , et ce sont eux que l'on voit encore répandus par toute la terre. Ils soutiennent qu'outre les lois écrites de Moïse, Dieu avait enseigné verbalement à ce législateur un grand nombre de rites et de dogmes , qu'il a fait passer à la postérité sans les écrire. Ils nomment les personnes par la bouche desquelles ces traditions se sont conservées , et ils leur donnent le même degré d'autorité qu'à ce qui est écrit. Les Pharisiens , au commencement , se donnaient pour les sages par excellence ; c'est à eux à qui Jésus-Christ a tant reproché leur orgueil , le mépris qu'ils faisaient des autres hommes , et le faste des austérités qu'ils étalaient aux yeux du peuple.
    Les Esséniens suivaient la loi écrite, et choisissaient entre les traditions. Leur morale était pure et élevée (19). Josèphe donne une peinture de leurs mœurs qui les fait aimer.
    Philon (20) est , ce semble , le seul auteur qui fasse connaître les Thérapeutes. Il les représente comme les moines du judaïsme, et Josèphe les compare aux Pythagoriciens. Ils menaient une vie entièrement contemplative , et vivaient seuls dans des cellules où ils pratiquaient beaucoup d'austérités.

    Les juifs, aussitôt après leur dispersion , élevèrent des académies où se conservait la doctrine, et qui réunissaient leurs docteurs les plus savants. Ce sont les chefs de ces académies qui ont fixé par leurs écrits la loi traditionnelle, et lui ont acquis ainsi parmi la nation une autorité égale a celle de son législateur. Le plus célèbre sans doute fut Judas le saint , auteur de la Mishua. Judas s'étant aperçu que la loi orale commençait a s'oublier et à se corrompre , voulut réunir et conserver à jamais toutes les traditions qu'il prétendait posséder dans leur entière pureté. En conséquence, il composa son fameux livre qui parut vers l'an 180. C'est un code informe du droit civil et canonique des Juifs, tout rempli des superstitions les plus singulières. Il est divisé en six parties : la première est une espèce
de traité d'agriculture ; la seconde règle l'observance des fêtes ; la troisième traite des femmes et décide de toutes les causes matrimoniales ; la quatrième regarde les procès et les pertes qu'entraîne le commerce, et la manière d'y procéder; elle renferme aussi un traité de l'idolâtrie et il paraît que c'est la plus importante; la cinquième parle des oblations, et la sixième des purifications.

    Comme la Mishua laissait des doutes sur plusieurs points , et que d'ailleurs de nouvelles questions s'étaient élevées , Jochanan, aidé de Rab et de Samuel , deux disciples de Judas , firent un commentaire de la Mishua , qu'on appela Thalmud ou Gemare (c'est-à-dire doctrine ) de Jérusalem. Mais ce commentaire ne paraissant pas lui-même exempt d'erreur, l'école de Sora près de Babylone, en entreprit un autre qu'on appela Le Thalmud ou la gemare de Babylone. Ce Thalmud, qui parut vers l'an 500, est beaucoup plus estimé que celui de Jérusalem.
    Les Juifs ne pensent pas que les Thalmudistes aient été inspirés ; ils n'attribuent l'inspiration qu'aux prophètes. Cependant ils préfèrent le Thalmud à l'Écriture; ils comparent l'Écriture à l'eau , la tradition à un vin excellent ; ils disent que la loi est le sel; la Mishua le poivre ; le Thalmud, des aromates précieux. Ils soutiennent
que celui qui pécha contre la loi de Moïse, peut être absous ; mais que le crime de celui qui contredit les docteurs , est irrémissible. Ils décident toute espèce de question par le Thalmud comme par une loi souveraine. Le rabbin Isaac assure qu'il ne faut pas s'imaginer que la loi écrite soit le fondement de la religion ; il ajoute que c'est la loi orale. C'est au moyen de cette loi que Dieu a fait alliance avec son peuple. Car il savait que son peuple serait transporté chez des nations qui transcriraient ses livres , et il n'a pas voulu ente la véritable loi lut connue des étrangers. Les rabbins disent : "Apprends , mon fils, à avoir plus d'attention aux paroles des scribes qu'à celles de la loi." On lit dans le Thalmud de Jérusalem : " Apprends , mon fils , que les paroles des Scribes sont plus aimables que celles des prophètes." Les rabbins modernes ont commenté et commentent encore le Thalmud, et ils n'ont cessé de donner de nouvelles décisions.

    Le Thalmud se compose de 24 volumes in-fol. , écrits sans ordre , sans méthode ; c'est un amas indigeste de contes superstitieux; d'anachronismes, d'erreurs historiques de tous genres , au travers desquels il n'est pas aisé de saisir la morale des rabbins et ce qu'ils prescrivent aux juifs à l'égard des nations parmi lesquelles ils habitent. Nous citerons donc , pour le faire connaître sous ce dernier rapport , ce qu'en ont dit quelques savants érudits qui ont eu le courage de l'étudier, et nous en donnerons une idée encore plus précise par l'ouvrage du rabbin Léon de Modène, que les Juifs apologistes de leur secte , recommandent aujourd'hui comme le livre qui donne l'idée la plus exacte de la doctrine et des pratiques qu'ils avouent.
    Voici comment s'exprime Saumaise à ce sujet, après avoir cité le fameux passage du Deutéronome (21) , "Ces paroles du Deutéronome sont entendues par tous les maîtres sans exception, en ce sens, que l'usure est défendue à tout Juif avec tous les juifs , et leur est permise avec tous les étrangers riches ou pauvres. Ce n'est pas une considération de peu de poids que le consentement unanime de tous les rabbins a cet égard."
    Ailleurs , le même Saumaise dit, à propos de la loi de Moïse , et sur l'usure des Juifs en général (22) : "Les Juifs n'étaient pas fort adonnés au commerce lorsqu'ils habitaient la Judée; mais il s'est avéré qu'ils ont toujours été grands usuriers, ainsi que les Syriens leurs voisins." Nous ne consignons ce témoignage de ce savant érudit, que parce que se consacrant à relever les fautes des autres , il ne devait rien avancer légèrement.
    Il ajoute : (23) "C'est parce que les prophètes connaissaient bien le caractère usurier du peuple juif, qu'ils reviennent si souvent à la charge à ce sujet . en menaçant des jugements de Dieu ceux seulement, il est vrai , qui , contre le vœu de la loi , pratiquaient l'usure envers leurs frères :plus ils avaient de penchant vers ce péché , plus les prophètes devaient faire d'efforts pour les en détourner ; d'autant plus que la permission d'exercer l'usure contre les étrangers semblait les conduire à ne pas faire grâce même à leurs frères.
    Dans un autre ouvrage , il dit (24) : "Je n'ai vu nulle part quelle punition la loi de Moïse infligeait à l'usure défendue ; d'où l'on peu conjecturer qu'elle n'était pas bien grave , ou plutôt qu'il n'y en avait aucune. En effet. les peines pour les autres délits sont soigneusement déterminées."
    Enfin (25) "Les Juifs évitent encore aujourd'hui de prêter à intérêt aux Juifs,. parce qu'ils savent que la loi de Moïse le défend; mais comme cette loi le leur permet avec les nations , on les a vus dans tous les siècles et dans tous les lieux . autrefois comme aujourd'hui , pratiquer l'usure."

    Je rapporterai encore les paroles du juif Zalkind-Hourwrtz, auteur d'un ouvrage qui concourut avec celui de M. Grégoire, en 1789, pour le prix proposé par la Société royale de Metz sur la question : Est-il des moyens de rendre les Juifs plus heureux et plus utiles en France ? " Malheureusement, dit Zalkind-Hourwrtz, le Talmud défend seulement de voler le nacri (l'étranger); mais il permet de profiter de son erreur. Or, on sait bien que de profiter de l'erreur à y induire, le chemin n'est pas long.

    Comme nous l'avons dit, les Juifs d'aujourd'hui non-seulement consentent à ce qu'on prenne dans Léon de Modène l'idée de leur religion et de leurs pratiques, mais encore ils paraissent le souhaiter.
    Nous allons donc les faire connaître d'après cet ouvrage.
    Toutes les choses observées ou pratiquées aujourd'hui chez les Juifs, se divisent en trois classes 1° les préceptes de la loi écrite de Moïse, qu'ils appellent Mizvoth hatorah , ou commendement de la loi ; 2° le Thalmud , ou loi orale ; 3° les coutumes , qui varient selon les lieux.
    On connait les préceptes de la loi de Moïse , et toutes les coutumes qu'elle impose : mais les rabbins en ont inventé une foule de nouvelles; si des Juifs bâtissent une maison, ils doivent la laisser imparfaite en mémoire de la ruine du Temple. Ils ne peuvent avoir ni statues, ni portraits : leur vaisselle et leur batterie de cuisine
doivent n'avoir pas servi. Les rabbins déterminent .jusqu'à la position qu'on doit garder en dormant. Ils croient aux songes et jeûnent pour les conjurer.
    Plusieurs sortes d'étoffes leur sont interdites. N'osant donner à leurs habits la forme qui leur est commandée, ils portent sous leurs habits un morceau de drap ayant cette forme, et qu'ils appellent arban canfoth.
    Ils font des ablutions sans nombre; ils s'interdisent de jeter à terre l'eau où ils se sont lavé les mains. attendu qu'ils ne pourraient passer dessus tant elle est immonde. Ils doivent dire au moins cent prières par jour. Ils les renouvellent à chacune de leurs actions et à chaque impression soudaine ou vive qu'ils reçoivent. Ils vont trois fois le jour à la synagogue: ils ne peuvent ni boire ni manger, ni rien faire , ni même saluer quelqu'un qu'ils n'y aient été une première fois.
    Ils ne peuvent semer deux espèces de grains à la fois. Ils ne peuvent greffer aucun arbre, ni même en conserver de greffés sur leur terrain.
    Ils ne laissent presque pas de pauvres parmi eux. Si un pauvre ne peut être secouru par ceux de la ville où il demeure, il s'adresse aux rabbins qui lui donnent un billet signé, ainsi conçu : "Le porteur est homme de bien et de mérite; on supplie chacun de l'assister. " Avec ce billet partout où il y a des juifs, le pauvre est secouru. Les rabbins recommandent aussi de faire la charité aux pauvres étrangers.
    Actuellement les Juifs parlent la langue du pays qu'ils habitent ; il n'y a guère que les rabbins qui soient en état de faire un discours en hébreu. La principale occupation des Juifs est l'étude de leurs lois , et ce n'est que pour s'en procurer une intelligence plus complète , qu'ils peuvent apprendre quelques-unes de nos sciences. Faire dans un autre but, l'étude de ces dernières leur paraît fort dangereuse.
    Les rabbins prononcent sur tous les différents, décident des choses défendues ou permises, jugent toutes les matières de religion , , se mêlent aussi du civil. Ils célèbrent les mariages, déclarent les divorces, châtient ceux qui désobéissent, et même, les excommunient. les rabbins, dit encore Léon de Modène, défendent l'usure; mais les juifs se la permettent d'après le passage de l'Écriture.
Les notaires publics ne sont d'aucune autorité pour eux, si ce n'est qu'en sa qualité d'écrivain, le notaire vaut un témoin qui, accompagné de deux autres, rend valide par sa présence toutes sorte d'écritures, soit qu'il s'agisse de négoce, de testament, de mariage ou de divorce, ou de toute autre affaire. Tous les procès entre Juifs sont décidés par les rabbins ou des arbitres. Les criminels sont livrés aux gouvernements sous la domination desquels ils habitent.
    L'usage d'une foule de poissons , d'oiseaux de quadrupèdes qui servent à notre nourriture leur est interdit. Ils ne doivent manger que des mets apprêtés par les Juifs ; ils ne serviraient pas du couteau d'un chrétien. Ils observent plusieurs cérémonies pendant le repas.
    Le jour du sabbat, ils demeurent dans une inaction absolue. Ils ne mangeraient rien qui soit né ou qui ait été préparé ce jour-là. Ils ne travailleraient pas éteindre un incendie; ils ne peuvent allumer du feu , une lampe ; mais il leur est permis de le faire faire par un individu non juif. Comme on leur défend également de porter ce jour-là aucun fardeau , ils poussent le scrupule jusqu'à se vêtir le plus légèrement possible. Ils doivent s'interdire de parler d'affaires, d'aller à plus d'un mille de la ville où ils se trouvent; Les chirurgiens ne peuvent opérer. Les rabbins laissent aux médecins seuls un peu plus de liberté.
    Le Calendrier des Juifs achève de compléter leur isolement des autres peuples. On l'imprime tous les ans. Le cours d'une lune fait le mois des Juifs. Leur année commence au mois de septembre ; pour égaler les années solaires avec celles de la lune , ils font chaque cycle on révolution de dix-neuf ans , et de ces dix-neuf ans il y en a sept de treize mois chacun. Les années de treize mois reviennent tous les deux ou trois ans ; alors ils comptent deux fois le mois Adar , et ils le placent entre nos mois de février et de mars, et ils disent Adar 1er, Adar 2e. Le 15 du mois de Nisan qui répond en général à Avril , commence la fête de Pâques ; ils passent tout le temps que dure cette solennité, à réciter des prières et à faire des cérémonies qui rappellent leur délivrance de l'Egypte. Ils ont encore beaucoup de fêtes pendant le cours de l'année dont quelques-unes durent plusieurs jours. La fête des Tabernacles en dure neuf.
    Tout Juif est obligé de se marier ; les rabbins ont fixé l'âge de dix-huit ans pour le mariage. Quiconque demeure dans le célibat par-delà sa vingtième année, est censé vivre dans le péché. II est permis à tous les Juifs d'avoir plusieurs femmes, mais les Lévantins seuls en profitent. Un mari est contraint de répudier sa femme, s'il est public qu'il en ait de justes sujets de jalousie. Un mari peut toujours répudier sa femme quand il lui plaît , et , s'il le fait , ils sont libres tous deux de se remarier.
    A treize ans et un jour , les hommes sont majeurs; les femmes à douze ans et un jour. L'éducation, comme nous l'avons dit, se borne à l'étude de l'Hébreux et des livres sacrés.
    Les Juifs talmudistes ou rabinistes ont horreur des Juifs caraïtes qui ne reconnaissent que la loi écrite; ils ne  leur permettent même pas de changer de croyance.
    Si quelqu'un veut se faire juif, trois rabbins. l'examinent et tâchent de tirer de lui si ce n'est point quelque considération purement humaine qui le porte à prendre ce parti. Ils lui représentent que la loi de Moïse est fort sévère, que ses sectateurs sont sous l'oppression et dans le mépris des autres nations, et ils ne reçoivent son abjuration que s'il ne paraît pas ébranlé un instant.
    Les Juifs se confessent à Dieu une fois l'an ; ils récitent leur confession générale devant ceux qui les assistent à l'heure de la mort; enfin ils ont des cérémonies funèbres toutes particulières.
    Nous avons fini l'exposition de tous les faits que nous avons pu recueillir , dans le dessein de faire connaisse l'état présent des Juifs , les variations de leur sort et les développements de leur doctrine depuis leur dispersion. Mais nous ne terminerons pas ce travail sans résumer ces faits, et examiner quels en sont les principaux résultats.


    Les Juifs sortirent des ruines de Jérusalem et des liens de la captivité pour se répandre par toute la Terre. Ils portèrent en tous lieux les sentiments et les croyances que Moïse leur avait inspirés dans le dessein de les isoler et de leur inculquer la haine et le mépris des autres peuples.
    Haïs et méprises à leur tour , ils ne tardèrent pas a être persécutés chez toutes les nations qui leur donnaient asile. Tous les jours ils voyaient davantage se répandre une religion qui reconnaissait pour Dieu celui qu'ils avaient crucifié; et ils étaient traités comme des sacrilèges par tous ceux qu'ils devaient considérer comme des idolâtres. Les peuples ignorants et barbares les égorgeaient, tandis que les ministres du Christianisme, plus éclairés sur la véritable morale de l'Évangile, les protégeaient et les regardaient comme une preuve vivante de leur religion même. Une foule de lois cruelles fuient portées contre eux ; On leur interdit la possession de la terre, le commerce, l'industrie , et on les condamna pour ainsi dire à l'usure, à laquelle ils n'étaient ils n'étaient que trop portés, puisqu'elle leur offrait à-la-fois le seul moyen de satisfaire leur avidité et leur vengeance. Les ravages de leur monopole excitèrent partout les plaintes les plus vives , et pendant plusieurs siècles les princes ne firent que les chasser et les rappeler tour-a-tour ; ils les chassaient lorsque le mal devenait trop grand. et ils les rappelaient quand ils avaient besoin d'argent, attendu que les Juifs leur payaient de très grosse sommes pour être tolérés, véritables marchands d'argent, il se trouvait toujours dans leur mains une grande quantité de cette denrée. Déjà ils suivaient le Thalinud bien plus que la loi de Moïse, et leurs adversaires affirmaient que le Thalmud autorisait l'usure. Ce point fut longtemps controversé entre eux et les Chrétiens; peut-être même n'a-t-il pas pas encore été éclairci. Quant à nous il nous parait évident , par les passages authentiques que nous avons cité, que les rabbins ont non-seulement autorisé, mais encore prescrit l'usure; nous croyons aussi pouvoir assurer que dans le dédale inextricables de leurs écrits, on trouverait des passages où ils la défendent. A la vérité il nous a semblé que la plupart de ces passages étaient postérieurs aux reproches des Chrétiens. D'ailleurs comment expliquer autrement que les Juifs qui se trouvent aujourd'hui à faire presque tous l'usure, soient en même temps les plus religieux et les plus exactes observateurs du Talmud ? Indépendamment de ce que renferme la loi des rabbins sur ce sujet, il est un fait important qui doit trouver ici sa place et qu'aucun juif ne niera : c'est que les usuriers de cette nation qui se reprochent intérieurement le mal qu'ils font aux Chrétiens, croient à l'aide de beaucoup de pratiques religieuses , pouvoir l'expier à mesure qu'ils le commettent. n'est-ce point encore une chose singulière et dont on ne doit chercher la raison que dans le vice de la morale ou des lois d'un peuple que de voir la misère , l'ignorance et le malheur le porter  à une seule espèce de désordres et de crimes ? Dans les autres religions , les hommes grossiers ou misérables se laissent aller au jeu, au vice, au vol , à la débauche, selon la nature de leurs positions et la diversité de leurs humeurs. Ici , c'est toujours l'usure ; nous avouerons que ce simple fait nous paraissait suffisant pour lever tous les doutes; et lorsque les Juifs disent qu'ils ne sont usuriers que parce qu'ils sont malheureux, on pourrait leur répondre que le malheur et l'oppression avilissent les hommes, mais qu'il ne leur imprime pas ce caractère constant et uniforme dans leur avilissement.
    Nul doute qu'une observation impartiale ne donne cette opinion, que les Juifs ne se rapprochent des autres peuples ou plutôt qu'ils ne cessent d'être en opposition avec eux, qu'a mesure que leur obéissance a leur loi est moins aveugle et moins entière. Ne voyons-nous pas les Juifs portugais suivre fort peu le Thalmud? Les savants distingués qu'ont eu les Juifs d'Allemagne, leur fameux Mendelshonn avaient-ils un grand respect pour la loi des rabbins ; enfin ceux que nous voyons parmi nous cultiver et honorer les sciences sont-ils des dévots ?


(1) Joseph, liv. XI.
(2) id. lib. XII.
(3) Basn. liv. VI, chap. VI.
(4) Abravanel. Manasse.
(5) Théophyl. Simocattes in Maur. liv. V, chap. VII
(6) Du Haillan. Hist. de Fr. liv. IV, p. 175. - Aventium Annal. Bolar. lib. 4, p. 204.
(7) Hist. , lib. 5.
(8) Deut., ch. XV, v. 6.
(9) Esd. , chap. IX et X.
(10) Deut. Chap. XXIII, v. 19.
(11) Maimonid. hala ch. Melowa Welowa. cap. 4 Mun Mikot. praecept. negat. 153. Mana et gemare tit. Buba metris, cap. 5, Shuleau, Arach. lib. Jore dea cap. 179. 160.
(12) De foen jud. lib. 2, cap.3.
(13) Deut. chap. XXIII, v. XX
(14) Josep, Archoelog. 4, cap. 8.
(15)Philon, lib. de charitate.
(16) Maim. halach Melowa, chap.5, et proecept. negat. Mikotz. 153.
(17) Sepher Siphri, fol. 51, col. I.
(18) Mores bar Nachman, Pirusshora, fol. 323, a.
(19) Joseph. Bello. Jud. lib. II. cap. XII.
(20) Philo de Vite Contemp.
(21) Saum. de Trapeztico foenorse, p. 683, edit de la Haye, année 1640
(22) id. pag. 370.
(23) id. page 371.
(24) De modo usurarum. Elzévir, Lahaye, année 1639
(25) De Trapezelico faenore, p. 596.