1804 - Les lois Russes concernant les Juifs

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    Traduit du russe en anglais par Vitaly Charny, avec l'aide de Risa Heywood, Laura Benjaminson et Edward Rosenbaum; retraduit de l'anglais en français par Michelle Gelbard.

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    J'aimerais que les gens ne restent pas sur l'impression qu'en Russie tout a toujours été pareil. A vrai dire, les lois Russes ont été moins stables qu'aux États-Unis.
    Les règlements, lois et la situation politique pendant les 19e et 20e siècles ont perpétuellement changé. Par exemple, dans les lois que j'ai traduites ci-dessous, il n'y a rien concernant les obligations militaires-les Juifs ne pouvaient pas servir pendant toute cette période - et même pendant 22 ans de plus- dans l'armée Russe même s'ils le désiraient. Beaucoup de gens pensent que seuls les Juifs ont toujours fait leur service dans l'Armée Russe, et pendant 25 ans.

    Si quelques-unes des lois ne paraissent pas très claires- ne vous inquiétez pas- elles ne sont pas plus compréhensibles pour le Russe d'aujourd'hui. J'ai inclus quelques commentaires personnels, signalés par "(vc)".
Vitaly Charny


    Introduction par le Tsar Alexandre Ier
        9 Décembre 1804

    Règlement sur la situation des Juifs.


    Minute transmise au Sénat.

    A cause des plaintes nombreuses reçues par Nous et le Sénat au pouvoir au sujet de différents abus et troubles qui ont nui à l'agriculture et l'industrie de la population dans les Provinces où vivent les Juifs, Nous avons pensé qu'il était nécessaire, par le Décret du Sénat au pouvoir émis le 9 Novembre 1802, de mettre en place un comité spécial pour examiner ce problème et trouver les moyens de corriger le règlement actuel sur les Juifs.

    Le Comité a rassemblé toutes les informations concernant ce problème, et après avoir considéré les idées actuelles sur les lois propres aux Juifs, Nous présente le règlement nouvellement rédigé pour eux, avec des explications dans le rapport spécial sur le raisonnement qui les a dictées.

    Après avoir consulté le règlement, Nous avons trouvé les principes suggérés par le Comité très justes et que tous les articles du règlement reflétaient la modération et un réel souci du bien-être des Juifs. Nous avons également trouvé qu'ils étaient profitables aux habitants des Provinces où ces gens ont le droit de vivre.

    Approuvant le règlement, Nous l'adressons au Sénat avec le rapport pour que les instructions qu'il contient soient appliquées avec rigueur.

    1- Au sujet de l'instruction

     1- Tous les enfants Juifs peuvent être acceptés et éduqués , sans aucune différence avec les autres enfants, dans tous les Établissements Russes publics (élémentaires-vc), lycées et universités.

     2- Les enfants Juifs qui vont à l'école ne peuvent pas être influencés pour qu'ils changent de religion en aucune façon, ne peuvent pas être forcés d'apprendre ce qui est contraire à leur religion et qui pourrait même contredire leur religion.

     3- Les enfants Juifs qui sont inscrits dans des écoles paroissiales ou uzyed , peuvent porter le costume Juif, mais ceux qui sont inscrits au Lycée doivent porter le costume Allemand ou Polonais pour être en conformité avec les autres.

     4- Les enfants Juifs seront acceptés à l'Académie des Beaux Arts de St Petersbourg s'ils montrent du talent et de l'inclination. Ils doivent alors porter le costume Allemand.

     5- Les Juifs qui, par leur capacités, ont atteint un certain niveau de réussite dans les universités de Médecine, Chirurgie, Physique, Mathématique ou autres domaines, seront reconnus et promus aux mêmes Diplômes Supérieurs que les autres sujets Russes

     6- Dans le cas de Juifs qui, malgré tout, refusent d'envoyer leurs enfants dans les écoles publiques, il faudra alors fonder à leurs frais des écoles spéciales pour que leurs enfants y étudient, et l'impôt nécessaire devra être fixé par le gouvernement. (Des impôts seront réclamés aux Juifs pour créer des Écoles publiques Juives sous contrôle gouvernemental.-vc)
    Parmi les matières enseignées, l'une de ces langues : Russe, Polonais ou Allemand, devra être obligatoire.

     7- Après un délai de six ans après la publication de ce règlement, toute comptabilité ou autre document commercial et correspondance entre Juifs devra être rédigée dans l'une des langues: Russe, Polonais ou Allemand, ou contenir une traduction sur un côté (de la page).

     8- Tous les Juifs qui résident dans l'Empire Russe ont le droit d'utiliser leur langue pour tous les problèmes concernant leur religion et leur vie quotidienne. Ils doivent, à partir du 1er Janvier 1807, utiliser le Russe, Polonais ou l'Allemand dans tous les documents officiels, actes, obligations, lettre de change, contrats etc. Sans cela, aucun document ne sera accepté.

     9- A partir de la publication de ce règlement, quiconque aimerait se faire élire comme Conseiller Municipal parmi les Juifs des Provinces venu de Pologne, pour l'ordre et l'uniformité, devra porter le costume Russe ou Polonais, s'ils ne désirent pas revêtir le costume Allemand. Dans les Provinces Russes où les Juifs sont admis, les Juifs élus au Conseil Municipal doivent revêtir le costume Allemand.

     A partir de 1808, aucun Juif ne sera élu Membre du Conseil Municipal s'il ne sait lire et écrire dans l'une de ces langues : Russe, Allemand ou Polonais.

     10- A partir du début de 1812, personne ne pourra être élu ou désigné pour n'importe quel poste dans le Kahal ou le Rabbinat sans maîtriser l'une de ces langues.


II-A propos de différentes positions ou commerces des Juifs et de leurs droits.

    11- Tous les Juifs doivent être répartis en quatre catégories:

    A)    Zemledeltsy (fermiers, travaillant la terre)

    B)    Fabrikanty et remeslenniki (fabricants et artisans)

    C) Kupechestvo (marchands)

    D) Meshchanstvo (bourgeois)

    A. Droits des fermiers.
 
     12- Les fermiers Juifs sont des hommes libres et ne peuvent, en aucun cas, être mis en esclavage, et ne peuvent être donnés comme bien à qui que ce soit.

     13- Les fermiers Juifs de même que les fabriquants, artisans, marchands et bourgeois peuvent acheter des terres sans serfs,* les vendre , les donner en cadeau ou par testament, les hypothéquer ou en hériter dans les Provinces de Lithuanie, Belarus, Malorossie (Ukraine Orientale), Kevskaya, Minskaya, Volynskaya, Podolskaya, Astrakhanskaya, Kavkazzskaya, Yekaterinoslavskaya, Khersonskaya I Tavricheskaya ,dans toutes les zones désignées par le décret du 12 Décembre 1802
    *Les Russes peuvent acheter des terres peuplées de serfs qui y habitent. Une grande partie de la population Russe à cette époque était constituée de serfs travaillant la terre-vc.

     14- S'ils ont le droit d'acheter des terres, les Juifs peuvent les cultiver en employant des travailleurs loués ou sous contrat.

     15- Si un Juif achète une terre sans serfs et que le domaine comprend, par des contrats, pas moins de 30 maisons ou familles de travailleurs embauchés , il peut alors vendre de la bière dans ce nouveau domaine, si cela est permis par les règles communes dans les autres domaines de la même Province.

     16- Les Juifs peuvent louer des terres aux propriétaires, signant des accords avec eux, et ces accords doivent être rédigés dans les bureaux administratifs, et être sûrs, sacrés et inviolables. Cependant, ils ne peuvent pas vendre de vin sous aucun prétexte. Les Juifs qui s'installent volontairement dans le domaine d'un propriétaire seront exemptés d'impôt gouvernemental après 5 ans. Ce privilège ne concerne que les Juifs installés de plein gré.

     17- Les Juifs qui n'ont pas la possibilité d'acheter ou de louer leur propre terre aux propriétaires peuvent émigrer sur les terre des Provinces de Lituania, Minskaya, Volynskaya, Podolskaya, Astrakhanskaya, Kavkazskaya, Yekaterinoslavskaya, Khersonskaya et Tavricheskaya. Dans certaines de ces provinces jusqu'à 30 000 desyatins (environ 81000 hectares) de terre peuvent être attribués pour la première fois (propriétaire terrien).

     18- Aucun Juif ne peut être obligé d'émigrer, mais ceux qui le feront seront exemptés de tout impôt pendant 10 ans, en plus de la taxe locale, et recevront un prêt pour leur installation qu'ils devront rembourser sur les mêmes bases que les autres colons étrangers.

     19- Les Juifs qui s'installent sur les terres de propriétaires et sur des terres d'état dans les Provinces mentionnées ci-dessus, devront payer les mêmes impôts que les autres sujets de l'empire, après l'échéance des années d'exemption. Dans les Provinces où les Juifs sont déjà présents, ceux d'entre eux qui décideront de cultiver la terre seront exemptés de la double taxation.*
    *Les communautés Juives (kahals) étaient obligées de payer le double – comparé aux "gentils" des mêmes provinces- d'impôt à la couronne Russe.-vc.

  B. Les Droits des fabriquants et artisans.

     20- Les Juifs peuvent fonder toutes sortes de fabriques dans les Provinces où ils ont le droit de résider, sur la même base et avec la même liberté d'action que tous les autres citoyens Russes.

     21- En cas d'installation des fabriques les plus importantes, qui sont les fabriques de vêtement , toile de lin ou cuir, et autres matières similaires, le Gouvernement, par les documents adéquats, pourrait fournir aux Juifs des autorisations spéciales, comme leur fournir le terrain nécessaire et leur consentir des prêts d'argent.

    Dans ce but, dans chaque Province rattachée de la Pologne, il y aura jusqu'à 20.000 roubles alloués chaque année pour financer des prêts pour des Juifs qui construisent les fabriques les plus importantes et indispensables. Les prêts seront accordés sans hypothèque seulement avec la garantie de Juifs solvables , de l'avis du Gouverneur, après qu'il ait consulté le Ministre de l'Intérieur.

     Afin d'encourager les Juifs à installer des fabriques, ceux qui ont été impliqués dans la fabrication, après avoir collecté les données nécessaires dans chaque ville, paieront les impôts normaux à partir de ce moment - (non pas le double impôt-vc)

     Les Juifs sont autorisés à installer des fabriques sur les terres de leur propriétaire s'il y a un accord entre eux. Construire des fabriques sur le terrain appartenant aux propriétaires est permis aux Juifs, s'il y a un accord entre eux et leur propriétaire.

     22- Les propriétaires, qui fournissent le terrain pour les fabriques dans lesquelles les Juifs vont faire travailler des gens volontaires, recevront également des prêts d'argent avec des conditions avantageuses, ils recevront d'autres encouragements après que la situation ait été examinée pour voir si elle en vaut la peine.

     23- Pour les artisans Juifs dans les Provinces sus-nommées, il leur est permis de s'impliquer dans tout métier qui n'est pas interdit par la loi. Et aucun artisan ni aucune guilde ne peut les en empêcher en quelques circonstances que ce soit. En réalité ils sont libres de s'enrôler dans une guilde s'il n'y a aucune loi contraire dans cette ville.

     24- Les Artisans Juifs seront affranchis de la double imposition sur la même base que celle décrite ci-dessus (21) pour les fabriquants.

     25- Si les artisans ne trouvent, dans aucune de ces Provinces, de travail qui leur permette de vivre, ils devront faire une demande au Gouverneur qui fera son rapport au Ministre de l'Intérieur. A cause de cela, il leur est recommandé d'établir de l'artisanat profitable dans les Provinces les moins peuplées telles le Yekaterinslavskaya, Khersonskaya, Tavricheskaya, Astrakhanskaya et Kazanskaya.

    C et D. Droits des Marchands et des Bourgeois.

     26- Toute espèce de commerce intérieur ou extérieur est permis aux Juifs dans les Provinces mentionnées ci-dessus, décrites dans les "Gorodovoe Polozheni" (statut municipal-vc) et les règlements suivants.

     27- Toutes les sortes d'entreprises et de commerce y compris l' alcool, au détail et en gros avec certaines restrictions dont on trouve la liste ci-dessous (39) sont permises aux Juifs sur la même base dans ces Provinces.

     28- Les fabriquants, artisans, artistes et marchands auront le droit de visiter d'autres Provinces et même des capitales pour affaires pour une période donnée, mais seulement avec des passeports issus par le Gouverneur, au sujet desquels les Gouverneurs à leur tour doivent envoyer des rapports mensuels au Ministre de l'Intérieur.
 
     Les Juifs- et leurs épouses et enfants- voyageant temporairement en dehors du "Pale", doivent porter le costume Allemand semblable à celui des autres. S'ils portent leur costume traditionnel, ils seront renvoyés par la Police.

 29- Quand tous les Juifs montrent du dévouement et une grande diligence dans l'agriculture, la fabrication ou le commerce, le Gouvernement prendra des mesures pour les mettre à égalité avec les autres sujets de l'Empire en matière de taxation.

    III Obligations des Juifs en ce qui concerne les états mentionnés ci-dessus.

     30- Tous les Juifs de Russie doivent être enregistrés dans un état. Les Juifs qui ne peuvent pas fournir le document écrit nécessaire seront traités comme des vagabonds avec toute la sévérité de la loi.

     31- Pendant l'enregistrement, tous les Juifs devront avoir ou accepter un nom de famille ou un surnom, qui sera utilisé dans tous les documents et les listes sans y changer quoi que ce soit, avec en plus un nom donné par croyance ou à la naissance. Cette mesure est nécessaire pour que leur condition de Citoyens soit bien établie dans les règles, afin que leurs biens soient mieux protégés et pour pouvoir régler tout litige entre eux.

     32- Il est évident que l'enregistrement dans un état ne peut pas empêcher de migrer vers un autre état, mais une telle démarche doit être faite avec l'accord des Autorités Locales et doit être en accord avec le règlement.

     33- A partir du 1er Janvier 1807, aucun Juif des petits ou grands villages des Provinces d'Astarkhanskaya Kavakazskaya Malorossia et Novorossia,, ou dans les autres provinces où la loi est appliquée le 1er Janvier 1808, ne peut avoir de licence, taverne ou auberge sous son propre nom ou le nom de quelqu'un d'autre ni vendre d' alcool ni même y habiter.

    34- Cette restriction s'applique aussi à tous les débits de boissons, tavernes, auberges et autres boutiques situés sur les routes sans considération de qui en est propriétaire : privé ou communal.

     35- Tout propriétaire qui laisse un Juif dans son village tenir un débit de boisson, taverne, café ou autre magasin vendant de l'alcool après la date mentionnée ci-dessus aura une amende. Pour la première infraction au Tribunal du Bas District, le propriétaire reconnu coupable devra payer l'amende au Département de Bien Public et au dénonciateur, chacun recevant la moitié: la première fois : 50 roubles pour chaque maison de son village, la seconde  fois - deuxfois ce montant , et après la troisième infraction, son domaine sera mis sous tutelle gouvernementale pendant 10 ans.

     36- Un Juif reconnu coupable d'une vente semblable paiera la première fois 100 roubles, la deuxième fois 200 roubles et la troisième fois sera exilé en Sibérie.

     37- Tous les contrats et accords, concernant la vente d'alcool dans les villages, qui seront conclus après que le règlement soit entré en vigueur, seront considérés comme nuls et n'auront aucune valeur.

     38- Toutes les dettes que les paysans et autres ont dans les tavernes etc … tenues par des Juifs sont nulles et non avenues.

     39- Les chefs de la police locale dans les villages de la Couronne sont tenus d 'informer  spontanément sur ces violations. S'ils ne le font pas, les deux premières fois ils devront payer une amende et la troisième fois ils perdront leur travail pour toujours. Si l'Administration Locale est reconnue coupable de corruption, une amende sera exigée du Vice Gouverneur et des membres de la Chambre.

    40- L'interdiction stricte et nécessaire de la vente et de tout trafic d'alcool par les Juifs dans les villages, n'empêche pas la possibilité pour eux de le faire dans les villes de Province et de district et dans les shtetles de la Couronne, par règlements communs, et dans les shtetles privés , si telle est la volonté de leurs propriétaires (de les laisser vendre de l'alcool). Cependant personne ne peut, sou peine des châtiments mentionnés ci-dessus, donner des droits de mestechki (shtetles) aux villages ou créer de nouveaux mestechki sans avoir consulté les plus hautes autorités. Les "Mestechki" dont on fait référence ici ne sont que ceux existant dans le Provinces annexées de la Pologne.

     41- Dans les villes et les mestechki, les Juifs n'ont jamais été autorisés à vendre de l'alcool à crédit aux gens du pays, et toutes leurs dettes en la matière sont inexistantes.
    Tout officiel ou tout bureau qui acceptera des réclamations de dettes et entamera des poursuites judiciaires sera convoqué au tribunal et condamné.


    IV. Des droits civiques des Juifs.


     42- Tous les Juifs de Russie qui habitent, ont été récemment transférés, ou arrivent d'autres pays pour des raisons commerciales, sont libres et vivent exactement sous les même lois que les autres sujets Russes.

     43- Les Juifs qui sont au premier plan grâce à leurs connaissances ou qui sont importants pour l'État verront leurs mérites récompensés et seront reconnus et récompensés selon leur mérite.

     44- Personne n'a le droit de s'approprier ce qui appartient aux Juifs, d'utiliser leur force de travail, ou de les prendre pour soi (comme serfs-vc). Personne ne peut les opprimer, les déranger dans l'observation de leurs rites religieux et plus généralement dans leur vie privée ni par parole ni par geste. Leurs plaintes , quelque soit l'offense, seront acceptées dans les Bureaux Publics et les coupables seront poursuivis selon les lois établies pour tous les sujets Russes.

     45- Les contrats légaux et autorisés, conclus entre eux et les propriétaires, sur la terre desquels ils souhaitent vivre, doivent être sauvegardés, et non violés.

     46- Lorsque les Juifs se déplacent d'un endroit à un autre, ils sont obligés de présenter l'attestation des propriétaires sur les terres desquels ils résidaient, attestant qu' ils ont satisfait à toutes les obligations qu'ils avaient: en même temps ils doivent fournir au Tribunal du Zemstvo (autorités du comté-vc) un certificat taxé de leur Kagal. Selon le certificat, le Tribunal du Zemstvo fournira un passeport pour aller à l'endroit où ils souhaitent s'établir. La police arrêtera les Juifs sans passeports et les enverra dans le pays des steppes; (Novorossia - Ukraine du Sud vc-)

     47- Puisqu'ils sont sur la terre du propriétaire par contrat, ils seront régulièrement contrôlés par la police du Zemstvo, qui enregistrera leurs plaintes, en tenant compte des contrats.

     48- Dans les villes de province et de Comté, les Juifs seront contrôlés par le Département de la Police municipale et spécialement par le Gorodnichiy (maire de la ville-vc) et le Magistrat (conseil municipal-vc).

 49- Puisque les lois doivent être les mêmes pour tous les citoyens de l'état, les Juifs dans tous leurs procès pour problèmes de propriété, pour toute offense à la loi et pour les questions promissoires doivent être jugés par un tribunal dans les endroits officiels habituels. Il s'ensuit ceci:

    A) Ces propriétaires, sur la terre desquels ils vivent, n'ont pas de droits supplémentaires par rapport à la Loi, que ce soit pour les questions de propriété ou la criminalité.

    B) Pour les questions de propriété, le Tribunal arbitral peut juger les Juifs sur la base générale de toutes les lois garanties par cette cour.

    50- Dans les villes de province et de comté, ils ont le droit de choisir un rabbin et plusieurs Kagal'nye (membres du Conseil du Kahal-vc) qui sont présentés à l'Administration de la Province et avec son accord assument leur position, et changent tous les trois ans, s'ils ne sont pas réélus. Sur les terres des propriétaires terriens, les Juifs peuvent aussi choisir les rabbins et les Kagal'nye, qui n'ont pas le droit de collecter les impôts au nom du Rabbinat, sans que les propriétaires s'en mêlent..
 
    V. Le rôle des Rabbins.
     51- Le rôle des rabbins est de s'assurer que les rites de la foi sont respectés et d'arbitrer tous les conflits relatifs à la religion: mais ils n'ont le droit de recourir qu'à l'exhortation et la persuasion. Il leur est interdit d'infliger toute autre punition, sauf la révélation et la dénonciation à l'intérieur des synagogues; les Rabbins et autres guides spirituels qui osent aller contre cette loi et infliger des châtiments publics, de quelque sorte que ce soit: amende par l'interdiction de Pashka brashna (Pain de Pesah-vc) et de viande cachère, et même condamnation et dénonciation seront punis la première fois par une amende de 50 roubles, la deuxième fois - 100 roubles, versés au Département du Bien Public, et en cas de récidive , ils seront envoyés coloniser la Sibérie, et leur demande de pardon et leur serment ne serviront à rien.

     52- Puisque le Rabbinat est une position honorifique, mais sans rémunération, il est formellement interdit aux Rabbins de réclamer des indemnités de quelque sorte: le salaire spécifié doit les satisfaire.

     53- Si en quelque lieu un conflit et une rupture entre les sectes adviennent, et qu'un groupe ne veuille pas côtoyer un autre groupe dans une synagogue, il est alors possible à ce groupe dissident de construire sa propre synagogue et de choisir ses rabbins; mais il ne peut y avoir qu'un seul kagal par ville.

    VI La position du Kagal
     54- Les Kagals, jusqu'à présent, doivent se charger des transactions fiscales correctement et ne rien en détourner. Ils doivent garder les sommes qui leur ont été confiées par la communauté en bon ordre, fournissant un rapport à la communauté et présentant ce même rapport en Russe ou Polonais dans les villes aux maires, dans les villes de la couronne aux Ispravniks (officiers de police du district-vc), dans les propriétés privées aux propriétaires. Dans tous les cas susnommés les kagals sont soumis aux lois et seront punis selon la loi si les rapports fournis par eux aux autorités sont, de quelque manière, différents des rapports authentiques fournis à leur communauté. Cependant, ils ne doivent sous aucun prétexte, sans le consentement des autorités, décider de nouveaux impôts, de peur non seulement d'une amende personnelle du montant total de la somme collectée, mais aussi du tribunal légal et du châtiment qui s'ensuit.

Sources:
Национальная политика в императорской России под ред. Ю.И. Семенов, Москва 1997
в книге ссылка:
Печатается по изданию: Полное собрание законов Российской империи. Собрание
первое. Том 28. 1804-1805. СПб., 1830. С. 731-737.
("Police Nationale dans la Russie Impériale" édité par Yu. I. Semenov, Moscou 1997 dans le livre sous la référence en russe. Il est imprimé par la publication (cela signifie que le nouveau livre se réfère à une partie du texte du vieux livre d'où il est tiré -vc).


Comme le dit Vitaly Charny : "les lois Russes ont été moins stables qu'aux États-Unis"; c'est un américain qui parle .Et si ces lois « ne paraissent pas très claires », c’est que nous ignorons le contexte dans lequel elles ont été prises. Pour comprendre ce contexte, je ne peux que vous conseiller le livre qu’Alexandre Soljénitsyne à écrit sur le sujet : « Deux siècles ensemble – 1795/1995 – Tome 1 : Juifs et Russes avant la révolution » – Fayard 2002. L’auteur s’est servi d’une riche documentation  rarement connue en France, mais, pour soutenir sa thèse, il semble avoir tendance à avoir une lecture subjective (sélective) de documents qui seraient objectifs.

    Vous remarquerez les ressemblances de ce décret avec les textes de 1806 et 1808 :
    - Ce texte arrive pour remédier à de nombreuses plaintes reçues contre les Juifs (mais ici on ne dit pas lesquelles; à chercher dans le livre cité.)
    - Le rôle des rabbins est défini
    - On commence par des mesures positives et on termine par des mesures contraignantes,  de la même façon que le décret du 18 avril 1808 organisant le culte israélite sera suivi du décret "infâme".

    Vous croyez aux simples coïncidences, vous ?

D’ailleurs, devant les difficultés de mise en œuvre – On ne change pas instantanément les mentalités avec un décret – Alexandre 1er, à l’exemple de Napoléon, organisera une assemblée de notables Juifs. Mais ni lui, ni ses successeurs ne réussirent en Russie l’assimilation qui fut réalisée en France. L’obstacle venant des rabbins, le génie de Napoléon (si,si !) fut d’organiser un Sanhédrin.

Après la défaite d’Austerlitz, en décembre 1805, Alexandre 1er ne désarma pas. Ses armées se heurtèrent à celle de Napoléon en Pologne, à Pultusk. Seule la supériorité en nombre évita un désastre russe et les français se considérèrent comme vainqueur le 26 décembre 1806. Le même jour, le Tsar prit un oukase pour avoir des soldats aussi motivés que ceux de Napoléon. Par ordre du Saint-Synode, on dû lire, tous les dimanches et les jours de grandes fêtes, dans les églises, une proclamation où Napoléon était représenté non seulement comme l'ennemi implacable du peuple russe, mais encore de l'Eglise orthodoxe. On lui reprochait d'avoir abjuré le christianisme pendant la Révolution, de s'être adonné aux pratiques de l'idolâtrie, puis d'avoir embrassé, en Egypte, la foi musulmane  ".... Il a manifesté du mépris envers les pasteurs de l'Eglise du Christ. Enfin, il a appelé les synagogues à la plus grande humiliation de Celle-ci, il a ordonné de rendre aux rabbins leurs honneurs et a rétabli le Grand Sanhédrin, cette assemblée hostile à Dieu, qui a osé condamner à la crucifixion notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, et qui maintenant projette de réunir les Juifs dispersé par la colère de Dieu sur toute la surface de la terre et de les inciter à la destruction de l'Eglise du Christ et (oh! Audace inouïe qui dépasse la mesure de tous ses méfaits) à la proclamation du pseudomessie Napoléon."   Le but avéré de Napoléon étant de détruire l'Etat et l'Eglise russes, les fidèles étaient invité à lui opposer une résistance vigoureuse et invincible, à ne pas prêter l'oreille à ses perfides suggestions ni contribuer à répandre les faux bruits qu'il ferait courir, mais à verser vaillamment leur sang pour la défense du trône, de l'autel et de la patrie !

 

Cette violente diatribe aurait été répétée toutes les semaines pendant des mois, jusque dans les coins les plus reculés de l'empire. Elle a contribué à attiser les haines nationales contre Napoléon et à en faire aux yeux du peuple russe un épouvantail, un objet d'aversion et d'exécration.

Lorsqu’Alexandre 1er et Napoléon se rencontrèrent en Juillet 1807 à Tilsit, parlèrent-ils également de cela ? Tout ce que j’ai pu lire à propos de cette rencontre, ne parle que de la cordialité des entretiens et de partage de l’Europe.