Quelques écrits de Napoléon 1er
trouvé sur le site :
http://www.histoire-empire.org/correspondance_de_napoleon/sommaire.htm



Proclamation à l'Armée du 22 juin 1798 en mer
    «Soldats ! Vous allez entreprendre une conquête dont les effets sur la civilisation et le commerce du monde sont incalculables. Vous porterez à l'Angleterre le coup le plus sûr et le plus sensible, en attendant que vous puissiez lui donner le coup de mort. Les beys mameluks, qui favorisent exclusivement le commerce anglais, qui ont couvert d'avanies nos négociants et tyrannisent les malheureux habitants du Nil, quelques jours après notre arrivée n'existeront plus.

    Les peuples avec lesquels nous allons vivre sont mahométans; leur premier article de foi est celui ci: «Il n'y a pas d'autre de Dieu que Dieu et Mahomet est son prophète.»

    Ne les contredisez pas; agissez avec eux comme nous avons agi avec les Juifs, avec les Italiens; ayez des égards pour leurs muftis et leurs imams, comme vous en avez eu pour les rabbins et les évêques. Les légions romaines protégeaient toutes les religions. Vous trouverez ici des usages différents de ceux de l'Europe: il faut vous y habituer.

    La 1ère ville que nous allons rencontrer a été bâtie par Alexandre. Nous trouverons à chaque pas des souvenirs dignes d'exciter l'émulation des Français.»


Paris, 26 janvier 1801

    DÉCISION

    Bakry et Busnach, négociants algériens, demandent le payement de ce qui leur est dû, suivant la promesse qui leur en a été faite. Ils craignent qu'un retard n'empêche le dey d'Alger de ratifier le traité qu'il a fait avec la République.  Renvoyé au ministre des relations extérieures pour me présenter ce juif dans mon appartement en lui faisant sentir que je veux par là donner au dey une marque publique de ma considération.



Paris, 9 mars 1801

    Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

    Je désire, Citoyen Ministre, que vous fassiez venir les juifs Busnach et Bakry pour qu'ils expédient un courrier extraordinaire à Alger, afin de faire connaître les événements survenus en Angleterre (il s’agit de la démission du ministère Pitt), ceux du continent, l’arrivée de l'ambassadeur russe et l’entrée de l'escadre française dans la Méditerranée; ils ajouteront que j'ai été extrêmement mécontent d'apprendre le renvoi du citoyen Dubois-Thainville, mais que je l'ai été encore davantage de ce que le nouvel amiral avait fait mettre sur la frégate américaine le pavillon français comme ennemi; que je demande au dey la destitution de cet amiral, et que je désire qu'il se décide promptement à tenir une conduite qui l'honore à mes yeux et puisse me convaincre qu'il est mon ami.



Paris, 17 décembre 1802

    INSTRUCTIONS POUR LES CONSEILLERS D'ÉTAT EN MISSION

    ADMINISTRATION

    Le conseiller d'État s'informera des dispositions relatives à l'exécution du sénatus-consulte organique pour ce qui concerne les assurances de canton, la formation des listes des imposés et les opération préparatoires de l'organisation des collèges.

    DOUANES

    Le conseiller d'État s'appliquera particulièrement à tout ce qui pourra régulariser et assurer la plus entière exécution de l'arrêté des Consuls du 16 frimaire an XI, sur la répression de la contrebande.
    Il vérifiera à quelle somme s'est élevée la perception dans chacun des six derniers mois;
    Quelles sont les causes de la différence des produits à diverses époques;
    Quelles sont les marchandises le pins communément introduites dans chaque direction;
    Quelles sont celles sur lesquelles la contrebande s'exerce le plus;
    A combien peut s'évaluer la perte essuyée sur la perception dans chaque direction;
    Si la contrebande se fait à main armée;
    Sur quels points s'exerce-t-elle le plus, et pourquoi ?
    Quelle est la force des attroupements ?
    Quelle espèce de gens sont les contrebandiers ?
    Sont-ils Français ou étrangers, de quels pays ?
    Quels sont leurs chefs ?
    Y a-t-il des assureurs, quels sont-ils ?
    De quels endroits partent les objets importés en contrebande ou exportés ?
    Où sont-ils déposés à leur introduction en France ?
    Sur quels points de la France sont-ils le plus souvent dirigés ? Connaît-on des maisons de commerce de l'intérieur qui se livrent plus particulièrement à ce genre de fraude ?
    Quels seraient les moyens de les reconnaître on de les convaincre ?
    Il s'assurera si tous les acquits-à-caution, pour la circulation des grains, sont rentrés; si on fait des poursuites contre les soumissionnaires en retard et leurs cautions;
    Si les ordres, par l'administration des douanes, sont conformes aux lois; si les préposés se conduisent bien; si l'avancement et la distribution des emplois se font conformément aux règles de la justice, et sans exception ni partialité.
    Il recueillera les observations des directeurs sur la rectification des tarifs et la simplification des règlements.
    Il donnera lecture, aux généraux commandant les divisions, de l'arrêté des Consuls du 16 de ce mois, et conférera avec eux sur le mode le plus avantageux à adopter, dans chaque localité, pour l'organisation et la direction des détachements de troupes instituées par cet arrêté pour réprimer la contrebande; il stimulera le zèle des généraux pour l'exécution de cette mesure, et les invitera à ne rien négliger pour que les officiers et soldats servant sous leurs ordres concourent, chacun en ce qui le concerne, de tout son pouvoir, à la répression d'un délit qui ne compromet pas moins l'intérêt du commerce français que celui du trésor public.

INSTRUCTION PUBLIQUE

    Le conseiller d'État s'assurera s'il a été établi des lycées dans les divisions militaires qu'il doit visiter.
    Il prendra connaissance des dispositions faites pour l'établissement des lycées accordés et pour leur organisation.
    Il prendra des renseignements sur les hommes actuellement employés dans l'instruction publique, qui seraient reconnus entièrement propres à exercer des fonctions dans la nouvelle organisation.
    Si des villes, dans lesquelles il n'a pas été établi de lycée, en demandent, il s'informera de sacrifices qu'elles sont disposées à faire pour en obtenir, et de leurs moyens.
    Les bibliothèques dépendant des écoles centrales, les muséums et jardins de botanique sont-ils bien tenus ?
    Les pensionnats particuliers sont-ils bien administrés ? Quels sont ceux qui méritent d'obtenir le titre d'écoles secondaires ?

CULTES.

    Le conseiller d'État s'assurera si les dispositions du concordat et celles de la loi du 18 germinal an X, concernant le libre exercice des cultes, reçoivent leur paisible et entière exécution.
    Dans les diocèses où la circonscription est faite, il cherchera à savoir si elle est conforme aux besoins des localités et aux opinions les plus générales ;
    Dans ceux où elle est en retard, quels sont les motifs qui l'ont retardée;
    Si les évêques et leurs grands vicaires sont animés de l'esprit de paix, qui fait la base du concordat;
    Si les évêques, dans la distribution des emplois, se conforment à l'impartialité qui leur a été recommandée dans leurs instructions;
    Si les prêtres ont abjuré toutes les animosités résultant de leurs anciennes querelles;
    Quels sont ceux qui troublent l'ordre et tourmentent les consciences à l'occasion des événements passés;
    Si le zèle des évêques n'est pas entravé par les autorités civiles ou militaires ;
    A quelle sorte de prêtres les peuples donnent-ils la préférence ? Quelle est la disposition des esprits sur le culte ?
    Les conseils généraux de départements ont-ils pourvu à la dotation des séminaires et aux traitements des directeurs, professeurs et chanoines ?
    S'Ils ne l'ont pas fait, quelles sont leurs dispositions à cet égard ?
    Si les communes sont dans l'intention d'améliorer le sort des curés et desservants, quelles seraient leurs ressources à cet égard ?
    Si le nombre des églises est suffisant;
    Dans les communes où les églises et les presbytères ont été vendus, comment se proposent-elles d'y pourvoir ?
    Il prendra les mêmes informations à l'égard du culte protestant et du culte juif.
    Il s'informera quel est le nombre des individus professant l'un et l'autre culte;
    Si les églises protestantes sont organisées et les ministres nommés; quel est leur nombre ;
    Quelles seraient les améliorations à faire dans la distribution et le placement de ces églises.
    Si les dispositions des fois sur la conscription sont observées avec soin; si l'exécution en a été facile ou si elle a éprouvé des obstacles; si le nombre des conscrits qui ont obéi a été suffisant ou peu nombreux; quel nombre a été levé, quel nombre s'est fait remplacer, quel nombre s'est soustraits la loi, quel esprit s'est manifesté, dans cette circonstance, parmi les fonctionnaires publics.

    Le conseiller d'État tiendra, au chef-lieu de la division militaire, un troisième conseil, auquel seront appelés le général commandant la division, les préfets et le directeur ou les directeurs des douanes de la division.
    L'objet de ce conseil sera de concerter les mesures les plus convenables à prendre pour l'exécution de l'arrêté des Consuls du 16 de ce mois, concernant la répression de la contrebande.

    Il sera dressé un procès-verbal séparé de chacun de ces conseils et des diverses observations qui y auront été faites.



Paris, 6 mars 1806

NOTE POUR LE GRAND JUGE

La section de législation examinera :

    1° S'il n'est pas convenable de déclarer que toutes les hypothèques prises par les Juifs faisant l'usure sont nulles et de nul effet;
    2° Que, d'ici à dix ans, ils seront inhabiles à prendre hypothèque;
    3° Qu'à dater du 1er janvier 1807 les Juifs qui ne posséderont pas une propriété seront soumis à une patente et ne jouiront pas des droits de citoyen.

    Toutes ces dispositions peuvent être particulièrement appliquées aux Juifs arrivés depuis dix ans et venus de Pologne ou d'Allemagne.



Saint-Cloud, 22 juillet 1806

A M. Champagny

Monsieur Champagny, ayant ordonné, par notre décret du 30 mai dernier, de réunir les plus considérables d'entre les Juifs en assemblée, dans notre honnête ville de Paris, nous avons nommé, par notre décret de ce jour, MM. Molé, Portalis et Pasquier, maîtres des requêtes en notre Conseil d'État, pour nos commissaires près ladite assemblée. Nous désirons que les membres de cette assemblée se réunissent le 26 du présent mois, et ensuite à leur volonté, et qu'ils nomment un président, deux secrétaires et trois scrutateurs pris parmi eux. L'assemblée étant organisée, nos commissaires soumettront à sa discussion les questions que nous joignons à cette lettre. Elle nommera une commission pour préparer le travail et diriger la discussion sur chacune de ces questions. Les Juifs de notre royaume d'Italie ayant demandé la faveur d'être admis dans cette assemblée, nous la leur avons accordée et nous voulons qu'ils y aient entrée à mesure qu'ils arriveront à Paris. Notre but est de concilier la croyance des Juifs avec les devoirs des Français, et de les rendre citoyens utiles, étant résolu de porter remède au mal auquel beaucoup d'entre eux se livrent au détriment de nos sujets.

ANNEXE

QUESTIONS A FAIRE A L'ASSEMBLÉE DES JUIFS

1° Est-il licite aux Juifs d'épouser plusieurs femmes ?

2° Le divorce est-il permis par la religion juive ?

Le divorce est-il valable sans qu'il soit prononcé par les tribunaux et en vertu de lois contradictoires à celles du code français ?

3° Une Juive peut-elle se marier avec un Chrétien, et une Chrétienne avec un Juif ? ou la loi veut-elle que les Juifs ne se marient qu'entre eux ?

4° Aux yeux des Juifs, les Français sont-ils leurs frères, ou sont- ils des étrangers ?

5° Dans l'un et l'autre cas, quels sont les rapports que leur loi leur prescrit avec les Français qui ne sont pas de leur religion ?

6° Les Juifs nés en France et traités par la loi comme citoyens français regardent-ils la France comme leur patrie ? Ont-ils l'obligation de la défendre ? Sont-ils obligés d'obéir aux lois et de suivre toutes les dispositions du Code civil ?

7° Qui nomme les rabbins ?

8° Quelle juridiction de police exercent les rabbins parmi les Juifs ? Quelle police judiciaire exercent-ils parmi eux ?

9° Ces formes d'élection, cette juridiction de police et judiciaire sont-elles voulues par leurs lois , ou seulement consacrées par l'usage ?

10° Est-il des professions que la loi des Juifs leur défende ?

11° La loi des Juifs leur défend-elle de faire l'usure à leurs frères ?

12° Leur défend-elle ou leur permet-elle de faire l'usure aux étrangers ?



Saint-Cloud, 3 septembre 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

    La formation du grand sanhédrin au moyen de l'éloignement d'une partie des membres de l'assemblée actuelle n'est pas une idée heureuse. Ces membres sont la base de l'opération, puisque ce sont eux qui ont fait les réponses. Ainsi l'on quitterait le certain pour l'incertain.

    Il y a dans l'assemblée quinze rabbins; si ce nombre ne suffit pas on peut en faire venir trente autres. On joindrait à ces quarante-cinq rabbins trente principaux membres de l'assemblée, et ces soixante et quinze individus formeraient le sanhédrin. Mais l'assemblée telle qu'elle est resterait en entier; elle serait seulement augmentée des trente rabbins nouvellement appelés.

    La grande discussion aurait lieu dans l'assemblée, et les bases arrêtées par elle seraient converties en décrets ou décisions par le grand sanhédrin. Par ce moyen, on aurait l'avantage de se servir d'un grand nombre d'individus déjà engagés pour influer sur les rabbins. Ce grand nombre engagerait les rabbins timides et agirait sur les rabbins fanatiques, en cas de résistance extraordinaire, en les plaçant entre la nécessité d'adopter les explications, ou le danger d'un refus dont la suite serait l'expulsion du peuple juif. Ces querelles de famille conduiraient vraisemblablement au but qu'on se propose.

    Ainsi donc il ne faut renvoyer personne; mais il faut charger l'assemblée de déclarer qu'il sera formé dans son sein un grand sanhédrin composé de telle ou telle manière. On aura de la sorte, au lieu de quelques rabbins qui ne verraient que le ciel et leur doctrine, une assemblée nombreuse qui jugera l'intérêt du peuple juif dans le rapprochement de tous les esprits; une assemblée d'hommes qui craindront de perdre leur fortune; une assemblée des principaux parmi les Juifs, qui ne voudront pas qu'on puisse leur imputer les malheurs de la nation juive.

    L'assemblée actuelle serait donc l'assemblée des représentants ou des principaux de la nation juive; le sanhédrin (conseil suprême du judaïsme) en serait le comité. Ce qui justifiera la nécessité de l'existence de l'assemblée , c'est qu'indépendamment des objets de politique qu'elle doit traiter, elle aura aussi à statuer sur des points de discipline, et à régler l'organisation, la nomination, le traitement, les pensions des rabbins, discussions dans lesquelles les rabbins seront partie.

    Mais, avant de faire venir, pour mettre l'assemblée dans le cas de former dans son sein le grand sanhédrin, un nombre aussi considérable de rabbins, il faut s'assurer si les quinze rabbins, députés actuels, sont de l'opinion des réponses faites aux questions, et à quel point ils tiennent à des vues théologiques.

    Il serait en effet fort ridicule de faire venir, à grands frais, trente nouveaux rabbins pour déclarer que les Juifs ne sont pas les frères des Français.


Posen, 29 novembre 1806

A M. de Champagny

    Monsieur Champagny, j'approuve que vous rendiez exécutoire la contribution sur les Juifs des départements, pour indemniser les rabbins et membres de l'assemblée de Paris. Moyennant cette indemnité, mon intention est qu'ils restent à Paris et que le sanhédrin soit convoqué dans le plus court délai.

    Quant au projet d'organisation de la nation juive, il faut que le sanhédrin soit rassemblé. Convoquez-le pour une époque telle que je puisse lui renvoyer tout ce qui doit y être réglé. Il faut ôter des lois de Moïse tout ce qui est intolérant; déclarer une portion de ces lois lois civiles et politiques, et ne laisser de religieux que ce qui est relatif à la morale et aux devoirs des citoyens français.

NOTE RELATIVE AU SANHÉDRIN

    § 1er.

    Pour marcher d'une manière régulière, il faudrait commencer par déclarer qu'il y a dans les lois de Moïse des dispositions religieuses et des dispositions politiques; que les dispositions religieuses sont immuables, mais qu'il n'en est pas de même des dispositions politiques, qui sont susceptibles de modification; que c'est le grand sanhédrin qui seul peut établir cette distinction ; que, pendant tout le temps que les Juifs sont restés dans la Palestine et formaient corps de nation, les circonstances politiques étant les mêmes que du temps de Moïse, les grands sanhédrins n'ont point été dans le cas de faire cette distinction; que, depuis que les Israélites ont quitté leur patrie, il n'y a plus eu de grand sanhédrin. Après la déclaration de ces principes viendra l'application.

    1° La polygamie était permise; elle doit cesser de l'être aux Juifs qui sont répandus dans l'Occident, tandis qu'elle peut l'être encore à ceux de 'l'Orient, en considération de la situation particulière où ils se trouvent.

    2° Selon la loi de Moïse, les Juifs ne regardaient comme leurs frères que ceux qui professaient la même religion. Cela devait être lorsque le peuple juif était environné de peuples idolâtres qui avaient juré une haine commune aux enfants d'Israël; cela peut cesser d'être quand cette situation a changé, et c'est ce que le sanhédrin établira en décidant qu'on doit considérer comme frères tous les hommes, quelque religion qu'ils professent, s'ils ne sont pas idolâtres et si les Israélites jouissent au milieu d'eux des mêmes droits qu'eux-mêmes.

    3° Cette fraternité étant établie, il en doit résulter l'obligation de défendre le pays où les Israélites jouissent des mêmes droits que les autres citoyens, de même que, selon la loi de Moïse, ils doivent défendre le temple de Jérusalem : le sanhédrin doit en faire une loi positive.

    4° De la doctrine qui établira que les Juifs doivent considérer les Chrétiens comme frères, il résultera non-seulement que les mariages entre Juifs et Chrétiens ne sont point anathèmes, mais la nécessité de les recommander, parce qu'ils importent au salut de la nation.

    5° et 6° La répudiation et le mariage doivent être assujettis à l'observation préalable des formalités prescrites par le Code Napoléon.

    7° et 8° Les explications sur le prêt à intérêt, à peu près telles qu'elles sont établies dans le projet, dérivent également de la fraternité reconnue.

    9° Les professions utiles.
    Ajoutez aux dispositions de la décision proposée une invitation à devenir propriétaires.

    10° Enfin une obligation de la propriété.

    Toutes ces décisions appartiennent au grand sanhédrin, et c'est seulement de cette partie dogmatique que le travail prescrit par le ministre fait mention.

    § II.

Des dispositions d'organisation et de discipline doivent aussi être prises, et elles paraissent appartenir à l'assemblée générale. Ainsi l'assemblée générale déterminera :

    1° L'organisation de sanhédrins ou de consistoires administratifs par arrondissement et par département, et celle d'un consistoire ou sanhédrin central, et les attributions de ces institutions qui doivent exercer une police sévère sur les rabbins ;

    2° Le nombre des rabbins, la manière dont ils seront payés, leurs obligations et leurs attributions;

    3° Les conditions nécessaires pour être autorisé à faire le commerce, et la manière dont cette autorisation sera donnée, sous l'approbation de l'autorité locale;

    4° La prohibition de toute espèce de commerce, du droit de tirer des lettres de change, de l'exercice du brocantage, de la faculté d'avoir boutique à tout individu qui ne sera pas pourvu de l'autorisation ci-dessus ;

    5° La prohibition pendant dix ans, à tous les Israélites qui ne prouveraient pas qu'ils possèdent en France des biens fonds, de la faculté de prêter sur hypothèque, et l'autorisation aux propriétaires de fonds, en limitant la faculté de prendre hypothèque à une somme égale à la valeur du fonds qu'ils possèdent;

    6° L'obligation, dans chaque département ou arrondissement de sanhédrin ou consistoire, de n'autoriser, sur trois mariages, que deux mariages entre Juifs et Juives, et un mariage mi-parti entre Juif et Chrétien;  Il est ajouté en marge : si cette disposition paraît d'une exécution trop difficile, il faut prendre des mesures d'invitation, d'instruction, d'encouragement, de commandement qui puissent conduire à ce but;

    7° L'obligation de fournir une quantité de conscrits proportionnée à la population israélite, sans qu'il puisse y avoir de remplacement d'un Israélite autrement que par un Israélite.

    D'autres dispositions pourraient être prescrites; mais elles viendront ensuite.

    § III.

Parmi celles établies ci-dessus, il en est plusieurs qui sont non-seulement de discipline, mais encore de législation, et pour lesquelles le concours du Conseil d'État est nécessaire. Ainsi le grand sanhédrin expliquerait les dispositions politiques de la loi de Moise, prescrirait comme dogme les objets qui se trouvent dans son ressort. L'assemblée générale des Israélites, faisant une sorte de convention avec l'administration, et en considération des avantages que la révolution a accordés aux Juifs, prescrirait les dispositions d'organisation et de discipline. Enfin le Conseil d'État ferait les règlements nécessaires pour l'exécution des dispositions et des prohibitions indiquées ci-dessus.

    Il y a dans tout ceci un mélange de dogmes, de discipline, de législation, d'où résulte la nécessité d'un grand sanhédrin, d'une assemblée générale des Israélites et d'un concours mutuel de l'autorité publique.

    Il faut beaucoup de réflexion et de discernement pour distinguer d'une manière précise ce qui doit appartenir dans ce plan au grand sanhédrin, à l'assemblée générale et au Conseil d'État.

    Si un sénatus-consulte était nécessaire, on n'y verrait pas de difficulté; mais il ne serait pas possible de procéder au moyen d'une loi, attendu qu'il s'agit d'arriver par des dispositions civiles à des résultats politiques.

    § IV.

Le principal but qu'on s'est proposé a été de protéger le peuple juif, de venir au secours des campagnes et d'arracher plusieurs départements à l'opprobre de se trouver vassaux des Juifs; car c'est un véritable vasselage que l'hypothèque d'une grande partie des terres d'un département à un peuple qui, par ses mœurs et par ses lois, formait une nation particulière dans la nation française. C'est ainsi que, dans un temps fort rapproché de nous , la mainmorte menaçant de s'emparer du territoire, on fut obligé d'opposer des obstacles à ses progrès. De même, la suzeraineté des Juifs s'étendant sans cesse au moyen de l'usure et des hypothèques, il devient indispensable d'y mettre des bornes. Le deuxième objet est d'atténuer, sinon de détruire, la tendance du peuple juif à un si grand nombre de pratiques contraires à la civilisation et au bon ordre de la société dans tous les pays du monde.

    Il faut arrêter le mal en l'empêchant; il faut l'empêcher en changeant les Juifs.

    L'ensemble des mesures proposées doit conduire à ces deux résultats. Lorsque sur trois mariages il y en aura un entre Juif et Français, le sang des Juifs cessera d'avoir un caractère particulier.

    Lorsqu'on les empêchera de se livrer exclusivement à l'usure et au brocantage, ils s'accoutumeront à exercer des métiers, la tendance à l'usure disparaîtra.

    Lorsqu'on exigera qu'une partie de la jeunesse aille dans les armées, ils cesseront d'avoir des intérêts et des sentiments juifs ; ils prendront des intérêts et des sentiments français.

    Lorsqu'on les soumettra aux lois civiles, il ne leur restera plus, comme Juifs, que des dogmes, et ils sortiront de cet état où la religion est la seule loi civile, ainsi que cela existe chez les Musulmans, et que cela a toujours été dans l'enfance des nations. C'est en vain qu'on dirait qu'ils ne sont avilis que parce qu'ils sont vexés : en Pologne, où ils sont nécessaires pour remplacer la classe intermédiaire de la société, où ils sont considérés et puissants, ils n'en sont pas moins vils, malpropres et portés à toutes les pratiques de la plus basse improbité.

    Les spéculateurs proposeraient sans doute de se borner à introduire des améliorations dans leur législation ; mais cela serait insuffisant. Le bien se fait lentement, et une masse de sang vicié ne s'améliore qu'avec le temps. Cependant les peuples souffrent, ils crient, et l'intention de Sa Majesté est de venir à leur secours.

    Il faut user concurremment de deux moyens, dont l'un est d'arrêter l'incendie et l'autre de l'éteindre.

    De là la nécessité d'employer en même temps le grand sanhédrin, l'assemblée générale des Juifs et les  dispositions réglementaires délibérées par le Conseil d'État.

    Le grand sanhédrin a pour lui les vœux et l'opinion de tout ce qu'il y a d'éclairé parmi les Juifs de l'Europe. Avec cet appui il est le maître de supprimer de la législation de Moïse les lois qui sont atroces et celles qui n'appartiennent qu'à la situation des Juifs dans la Palestine.


Saint-Cloud, 24 mars 1808

A M. Fouché, ministre de la police générale

    La négligence que vous portez dans la surveillance des journaux, cette partie si importante de vos fonctions, me force à supprimer le Publiciste. Cela fera des malheureux, et vous en serez la cause. Ayant nommé un rédacteur, c'est à vous à le diriger. Vous enverrez copie de mon décret aux autres journaux, et vous leur ferez connaître que j'ai supprimé ce journal parce qu'il montrait des sentiments anglais, qu'il peignait les soldats français comme des monstres, et faisait sa cour aux Suisses, en montrant la nation la plus douce et la plus humaine comme une nation de tigres. Vous donnerez de nouvelles instructions au Journal de l'Empire et à la Gazette de France, et vous leur ferez connaître que, s'ils ne veulent pas être supprimés, il faut qu'ils évitent de rien mettre dans leurs feuilles qui soit contraire à la gloire des armées françaises et qui tende à calomnier la France et à faire leur cour aux étrangers. Recommandez-leur aussi d'être plus circonspects sur les bulletins qu'ils reçoivent et qui leur viennent presque tous d'agents anglais.

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P. S. Cependant je préfère destituer seulement le rédacteur; présentez-m'en un autre.