Rapports et Avis du Conseil d'État concernant les Juifs


    M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angely) Rapporteur.
    1ère Rédaction.


PROJET DE DÉCRET

    Sur une Réclamation des Sieurs Lipman, Baruch, Théodore Cerfberr et Abraham Alcan, contre un arrêté du Conseil de Préfecture du département de la Moselle, relatif au paiement des dettes de la ci-devant communauté des Juifs de Metz.


    Napoléon, Empereur des Français ; sur le rapport du ministre de l'intérieur,


    Vu la réclamation des Sieurs Lipman, Baruch, Théodore, Cerfberr et Abraham Alcan, contre un arrêté du conseil de préfecture du département de la Moselle, du 1er ventôse an 12, portant qu'il n'y a pas lieu à faire droit à la demande par eux formée, d'être rayés des rôles dressés en exécution de l'arrêté des consuls, du 5 nivôse an 10, pour le paiement des dettes de la ci-devant communauté des juifs de Metz ; vu ledit arrêté et les pièces à l'appui :
    Considérant que les lettres patentes des 9 juillet 1718 et 3 février 1777, qui avaient confirmé les privilèges des juifs de Metz, en les assujétissant à des charges, n'étaient applicables qu'aux familles juives qui se trouvaient alors établies dans la ville et la ci-devant généralité de Metz ; que les dettes qui ont été contractées pour paiement de ces charges, ne doivent être acquittées que par les membres de la communauté de Metz et de l'ancienne généralité ; que Lipman Cerfberr, né à Strasbourg et domicilié à Paris, avait été aggrégé à ladite communauté, et qu'il s'en est reconnu membre en payant, pendant plusieurs années, une cotisation de 120 F ; que les Sieurs Baruch et Théodore Cerfberr, nés à Strasbourg et domiciliés à Paris, avaient été compris au nombre des aggrégés à ladite communauté, par suite de l'affiliation de leur père, mais qu'ils n'ont pas payé de cotisation annuelle ; que le Sieurs Abraham Alcan, de Nancy, et domicilié à Paris, n'a été admis par aucun acte au nombre des juifs de Metz ; qu'il n'a jamais été établi dans cette ville ou dans l'ancienne généralité ; qu'aucun titre ne justifie que les enfants des juifs établis hors de la généralité de Metz, et aggrégés à la communauté de cette généralité, doivent contribuer à ses charges ;

    Le Conseil d'état entendu, Décrète :

    Art. 1er L'arrêté du conseil de préfecture du département de la Moselle, du 1er ventôse an 12, est confirmé en ce qui concerne Lipman Cerfberr.

    2. Baruch, Théodore Cerfberr et Abraham Alcan seront rayés des rôles formés pour l'acquittement des dettes de la communauté des juifs de Metz.

    3. Le ministre de l'intérieur est chargé de l'exécution du présent décret.

    A PARIS, DE L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE.
    11 Floréal an XIII.



    SECTION de l'intérieur.
    M. de Ségur, Rapporteur.
    1ère Rédaction.

RAPPORT
ET PROJET DE DÉCRET
de la section de l'intérieur,
Sur une Réclamation des Juifs de Bordeaux.
RAPPORT.

    Sa Majesté l'Empereur a renvoyé au Conseil d'état, sur la demande du ministre des cultes, l'examen d'une réclamation des Juifs de Bordeaux contre un arrêté du préfet de la Gironde, d'après lequel l'entrepreneur des inhumations de cette ville s'est pourvu devant le juge de paix pour faire condamner le sieur Carcassone, Israélite, à lui payer une rétribution qu'il prétend lui être due pour l'inhumation de sa femme. L'entrepreneur fonde sa demande sur les articles 22 et 24 du décret du 23 prairial an 12. Les Juifs, alarmés de cette prétention, soutiennent que ces articles ne leur sont pas applicables ; ils exposent que les rites de leur religion leur prescrivent d'ensevelir et d'inhumer eux-mêmes leurs morts, et qu'ils regarderaient comme une profanation d'y laisser concourir directement ni indirectement aucune personne étrangère à leur culte.
    La société de bienfaisance des Juifs de Bordeaux a porté cette réclamation au préfet de la Gironde, en lui rappelant qu'il n'était pas question de contraindre un redevable à payer, mais d'examiner si celui qu'on poursuivait était redevable ou non, d'après les termes du décret.
    Le préfet, ne croyant pas pouvoir prendre sur lui de prononcer sur cette question, s'est adressé au ministre des cultes, pour lui demander, à cet égard, quelle interprétation on devait donner au décret. L'article 22 charge les fabriques et consistoires de fournir ou de céder le droit de fournir tout ce qui est nécessaire aux inhumations, et l'article 24 défend à toute autre personne d'exercer ce droit.
    Le ministre pense que les articles précités contiennent des dispositions assez claires et assez positives pour n'avoir pas besoin d'interprétation ; et selon lui il est évident que ces articles, ne concernant que les fabriques et les consistoires, ne peuvent être appliqués aux Juifs. Il ajoute que les religions catholique et reformée sont autorisées, et que le culte juif n'est que toléré (opinion que nous ne partageons pas, car nous croyons qu'en France il existe non pas tolérance, mais liberté des cultes). Enfin le ministre expose à Sa Majesté que, malgré la clarté des dispositions du décret, il lui paraît nécessaire de prononcer positivement sur la difficulté qui s'est élevée, puisqu'elle est portée à-la-fois devant les tribunaux et devant la première autorité administrative du département.
    La section de l'intérieur, chargée de l'examen du rapport du ministre, a pris des informations sur les usages des Juifs relativement aux inhumations. Les rabbins de Paris ont dit qu'ils ne croyaient pas manquer à leurs rites en faisant concourir à l'inhumation de leurs morts des personnes étrangères à leur culte, pour tout ce qui ne touchait pas directement aux corps. Les Israélites de Bordeaux, consultés, ont soutenu que leur religion leur interdisait de souffrir tout concours étranger direct ou indirect.
    La section, malgré cette diversité de réponses, a pensé, comme le ministre, que la plus grande liberté devant être laissée aux consciences, et les dispositions textuelles du décret ne faisant mention que des fabriques et des consistoires, ces dispositions ne devaient pas être appliquées aux Juifs qui, par-tout, suivant un usage immémorial, enterrent eux-mêmes leurs morts et ont leurs cimetières particuliers.
    Elle a pensé aussi que l'affaire du sieur Carcassone étant portée devant les tribunaux et devant l'autorité administrative, il était convenable, pour éviter toute contestation ultérieure et tout conflit de juridiction, de prononcer que les articles 22 et 24 du décret ne sont pas applicables aux personnes qui professent la religion juive.

    Tel est l'objet du projet de décret que la section m'a chargé de présenter au conseil d'état.

PROJET DE DÉCRET.

    Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie ;
    Sur le rapport de notre ministre des cultes ;
    Notre Conseil d'état entendu,
    Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

    Art. 1er Les articles 22 et 24, titre V de notre décret sur les sépultures, rendu le 23 prairial an 12, articles qui concernent les fabriques et les consistoires, ne sont pas applicables aux personnes qui professent en France la religion juive.

    II. Nos ministres de l'intérieur et des cultes sont chargés de l'exécution du présent décret, qui sera inséré dans le Bulletin des lois.

    A PARIS, DE L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE.
    29 Janvier 1806



AVIS
Sur des Questions touchant les Juifs.

    Les sections de l'intérieur et de législation qui ont vu le rapport du grand-juge ministre de la justice, sur diverses questions relatives aux Juifs, et en particulier à ceux des départements des Haut et Bas-Rhin.

    Ont considéré,

    Qu'il est vrai que dans les départements des Haut et Bas-Rhin, les Juifs ont continué de se livrer à l'usure, comme ils le faisaient avant d'avoir reçu les avantages du droit de cité, et d'avoir été exemptés des assujettissements et des taxes auxquelles l'ancien gouvernement les avait condamnés ;
    Qu'il est possible que par suite de ces usures, la mutation d'un grand nombre de propriétés se soit opérée, soit de gré à gré, soit par expropriation ;
    Mais que si on faisait pour d'autres départements, pour celui de la Seine par exemple, les mêmes recherches, on aurait des résultats peut-être plus remarquables encore, parce que l'usure est un mal qui se fait sentir dans plus d'un lieu de la France ;
    Que le remède à ce mal ne peut être ni dans une mesure applicable à une partie du territoire, ni dans une mesure applicable à une partie des citoyens de l'Empire.
    Que cette mesure doit être pour l'État entier et pour tous ceux qui l'habitent ;
    Que la fixation du taux légal de l'intérêt pourrait être utile, mais serait inopportunément proposée aujourd'hui ;
    Que les vues jointes aux rapport du grand-juge, ne peuvent faire la matière d'une loi.
    En effet,
    1° On ne peut anéantir en aucun cas des hypothèques acquises, si on ne prouve fraude ou dol dans le contrat ;
    2° On ne peut dire que les hypothèques prises par des Juifs sont nulles ; car d'abord comment prouver le Judaïsme ? et en deuxième lieu comment s'assurer qu'on n'atteindra pas des tiers non suspects de Judaïsme par l'anéantissement de cette hypothèque ?
    3° On ne peut déclarer un homme citoyen français, inhabile à prendre hypothèque, à moins qu'on ne veuille d'abord empêcher aussi d'en prendre sur lui ; ensuite l'empêcher de se marier s'il ne l'est pas ; s'il est marié, l'empêcher de stipuler les droits de sa femme, de ses enfants, les siens même en licitation, partages, soulte de partages, etc. ; enfin à être usurier lui et sa race, en le condamnant à ne posséder que de l'argent et jamais d'immeubles.
    4° Qu'on ne pourrait dire par une loi que les juifs ne jouiront pas des droits de citoyen, sans posséder une propriété, puisque la constitution n'y oblige pas ; qu'établir une règle nouvelle, serait la matière d'un sénatus-consulte, et que d'ailleurs faire une disposition constitutionnelle pour les hommes professant un culte particulier, serait une mesure qui offrirait de grands inconvénients et même de l'injustice, puisqu'il est reconnu que les Juifs paient les charges publiques, se soumettent à la conscription, et remplissent toutes les obligations prescrites par les lois ;
    5° Qu'assujettir à une patente, les Juifs en général, serait renouveler les droits auxquels ils étaient sujets avant 1789, et contre lesquels il y a eu une réclamation générale, sans rien faire pour prévenir l'usure qu'on leur reproche ;

    Que ce ne sont que par des mesures administratives qu'on peut remédier au mal ;
    Que si les Juifs venus de Pologne ou d'Allemagne, depuis moins de dix ans, se conduisent mal, on peut les expulser comme étrangers ;
    Que les chambres des notaires peuvent recevoir des instructions du grand-juge sur les mesures que les notaires doivent prendre, les vérifications qu'ils doivent faire en passant des actes où des hommes ayant le droit de cité, mais connus pour Juifs et pour exercer l'usure, paraîtront comme parties ;
    Que les Juifs étrangers peuvent n'être pas admis sur le territoire français, en vertu de simples ordres du ministre de la police.

    En se résumant,
    Les deux Sections sont d'avis,

    Qu'il n'est pas possible de faire une loi particulière sur les Juifs afin de réprimer l'usure ;
    Que ce mal, trop répandu en France, a besoin de remèdes généraux, et que la loi qui les contiendra doit être commune à tout l'Empire ;
    Que le moment n'est pas opportun pour s'occuper de cet objet ;
    Que, quant à présent, l'usure reprochée aux Juifs regnicoles et étrangers, ne peut être réprimée que par des mesures d'administration et de police.

    A PARIS, DE L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE.
    30 Avril 1806



M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), Rapporteur.

PROJET DE DÉCRET
Sur la Convocation d'une Assemblée d'individus professant la religion juive.

    Napoléon, Empereur des Français et Roi d'Italie ;
    Sur le compte qui nous a été rendu que dans plusieurs départements septentrionaux de notre Empire, des individus de la religion juive, n'exerçant aucune profession, aucune industrie utile, se livrent uniquement à l'usure ; qu'au moyen du prêt le plus modique, rapidement grossi par les intérêts les plus immodérés, ils ont acquis des droits apparents, et se sont fait donner des titres pour des sommes considérables qui ne leur sont pas réellement dues ;
    Que par ces contrats frauduleux ils ont préparé la spoliation d'un grand nombre de cultivateurs ;
    Qu'en vertu de lettres-de-change ou d'obligations surprises à la crainte et à l'ignorance, ils peuvent atteindre en même temps dans leurs personnes et dans leurs biens la plus grande partie de ces cultivateurs ;
    Que s'il n'était porté remède à de si dangereux abus, un grand nombre de nos fidèles sujets, actuellement menacés d'un emprisonnement et d'une expropriation injustes, seraient bientôt privés de leur liberté et dépouillés de leurs biens ;
    Qu'il est nécessaire que nous interposions notre autorité pour arrêter le mal présent, et pour l'empêcher de renaître à l'avenir ;
    Considérant que l'exécution des contrats usuraires et frauduleux que la voix publique et les magistrats nous ont dénoncés, ne peut avoir lieu sans consacrer irrévocablement l'injuste spoliation d'un nombre considérable de nos sujets ;
    Que ceux au profit de qui se ferait cette spoliation, n'ayant dans nos États aucune propriété, aucun établissement, n'étant, pour la plupart, que d'avides cosmopolites, pourraient emporter le prix des immeubles dont ils auraient, par leurs manœuvres, dépouillé illégitimement nos sujets, et que tout recours à notre justice serait enlevé aux victimes de leur cupidité ;
    Que la vente simultanée des biens dont les propriétaires sont menacés d'expropriation, dans une partie considérable de notre Empire, avilirait en même temps le prix des domaines patrimoniaux au préjudice des particuliers, et le prix des domaines nationaux au préjudice de l'État ;
    Que sans porter atteinte à des contrats attaqués avec raison, mais où la fraude a su se cacher sous l'apparence des formes légales, la justice peut et doit en suspendre l'exécution ;
    Qu'un sursis ordonné par nous à cette exécution sera d'abord un avertissement à ceux qui ont surpris ou extorqué les obligations fausses ou usuraires, de rendre eux-mêmes justice aux individus qu'ils ont trompés ;
    Que ce sursis donnera en outre aux tribunaux et aux administrateurs de notre Empire le temps de vérifier les faits et d'éclairer notre justice, avant que notre autorité agisse définitivement ;
    Que ce même sursis ne portera, en fin de cause, aucune atteinte aux droits légitimes des créanciers, parce que d'un côté il n'arrêtera pas les actes conservatoires, et que de l'autre les intérêts des capitaux légitimement dus pourront être payés pour le temps du retard.
    Considérant en même temps que notre justice ne doit faire aucune distinction entre les habitants de notre Empire, quels que soient leur culte et leurs principes religieux ;
    Que la vérité doit toujours avoir près de notre trône un libre accès ;
    Que si les accusations y sont arrivées appuyées de tout ce qui pouvait nous déterminer à une mesure provisoire, nous devons à ceux qu'elles inculpent tous les moyens de nous faire parvenir, ou leur justification, ou leurs motifs d'atténuation, ou leur résolution de réparer leurs torts ;
    Que le moyen le plus sûr de connaître ce que les individus professant la religion juive peuvent désirer de nous faire entendre en leur faveur, c'est de réunir près de nous et dans notre capitale, les plus instruits et les plus distingués d'entre eux, pour qu'ils puissent nous apporter leurs réclamations et nous exprimer leurs vœux.
    Que les notables des juifs ainsi rassemblés pourront recueillir et transmettre à tous ceux qui sont répandus dans notre Empire, nos intentions de ne juger personne sur sa croyance, mais sur ses actions ;
    Qu'ils pourront s'assurer que loin qu'il soit dans notre volonté de leur retirer les avantages et les droits dont ils jouissent dans notre Empire, notre désir est de leur préparer les moyens de s'en rendre dignes, et de se les assurer à jamais ;
    Que nous désirons consulter les premiers d'entre les juifs sur les moyens de relever leurs principes et leur morale civile, sans porter atteinte à leur liberté religieuse, jusqu'aux principes et à la morale des lois et des institutions françaises, que tous les habitants de notre Empire doivent suivre et respecter ;
    Que ce n'est pas pour l'isoler au milieu de la nation française que nous réunissons sous nos yeux une espèce de représentation de la nation juive ; mais au contraire pour consulter ses sages sur les moyens d'assurer à tous leurs frères une place honorable pour eux et utile à la France parmi ses citoyens ;
    Que notre pensée n'est pas de faire renaître ou de prolonger l'abaissement où ils ont été long-temps réduits ; mais de les exciter, de les instruire à en sortir, en abjurant l'ignorance, l'oisiveté ou les honteux trafics auxquels l'ancienne législation française et la législation actuelle de plusieurs États les avaient condamnés ;
    Que notre bienveillance veut au contraire les appeler à l'instruction et au travail, à l'exercice des arts et des professions utiles, afin de substituer des moyens honorables de subsistance aux moyens honteux auxquels ils se sont réduits, afin de rendre leur existence dans nos États, aussi utile, aussi productive qu'elle put être destructive ou stérile ;
    Que la persécution n'est à redouter que dans les temps d'ignorance, de fanatisme ou de faiblesse ; mais que sous les lois que nous faisons régner, au sein des lumières dont nous favorisons les progrès, nous avons à-la-fois la volonté et le pouvoir d'éclairer, d'organiser, de rendre utile cette portion de nos sujets dont nous appelons des députés près de notre trône ; et lorsque nous nous occupons des juifs, ils doivent bannir toute crainte, et se livrer à l'espérance d'un sort meilleur et plus assuré ;
    Que la sévérité et la rigueur, toujours loin de notre intention, mais commandées quelquefois à notre justice, ne seront jamais armées qu'après que nous aurons inutilement employé la raison et la persuasion, l'indulgence et la bonté ;

    A ces causes,

    Sur le rapport de notre grand-juge ministre de la justice, et de notre ministre de l'intérieur ;
    Notre Conseil d'état entendu,
    Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

    Article 1er.  Il est sursis, pendant un an, à compter de la date du présent décret, à toutes exécutions de jugements ou contrats, autrement que par simples actes conservatoires, contre des cultivateurs non négociants des départements de la Sarre, de la Roer, du Mont-Tonnerre, de la Meurthe, du Haut et Bas-Rhin, de Rhin-et-Moselle, de la Moselle et des Vosges, lorsque les titres contre ces cultivateurs auront été consentis par eux en faveur des juifs.

     2. Il sera formé, au 1er juillet prochain, dans notre bonne ville de Paris, une assemblée d'individus professant la religion juive, et habitant le territoire français.

    3. Les membres de cette assemblée seront au nombre porté au tableau ci-joint, pris dans les départements y dénommés, et désignés par les préfets parmi les rabbins, les propriétaires et les autres juifs les plus distingués par leur probité et leurs lumières.

    4. Dans les autres départements de notre Empire non portés audit-tableau, et où il existerait des individus professant la religion juive au nombre de cent et de moins de deux cents, le préfet pourra désigner un député ; pour cinq cents et au-dessus jusqu'à mille, il pourra désigner deux députés, et ainsi de suite.

    5. Les députés désignés seront rendus à Paris avant le 1er juillet, et feront connaître leur arrivée et leur demeure au secrétariat de notre ministre de l'intérieur, qui leur fera savoir le lieu, le jour et l'heure où l'assemblée s'ouvrira.

    6. Des commissaires nommés par nous se rendront à l'assemblée, ils lui exposeront nos intentions bienfaisantes et protectrices, l'instruiront de ce qu'elle aura à faire pour les remplir, et nous faire parvenir le résultat de son travail.

    7. Notre ministre de l'intérieur est chargé de l'exécution du présent décret.

Tableau approximatif de la Population juive existante dans l'Empire français.

NOMS

des départements.

 NOMBRE

de juifs.

 OBSERVATIONS.

Haut-Rhin

 11,679.

Par calculs probables.

Bas-Rhin

 14,417.

 Les députés du Bas-Rhin le portent à 20,000.

Mont-Tonnère

 8,567.

 Incertain.

Rhin-et-Moselle

 3,556.

Probable.

Sarre

 800.

 Probable.

Roer

 400.

 Probable.

Moselle

 4,500.

 Officiel.

Meurthe

 6,883.

 Incertain.

Vosges

 6,513.

 Incertain.

Gironde

 600.

 Incertain.

Basses-Pyrénées

 500.

 Incertain.

Vaucluse

 520.

 Presque positif.

Côte-d'Or

 200.

 Douteux.

Seine

 5,500.

 Douteux.


 65,635.


 

Tableau, par Département,
du nombre de Juifs à envoyer à l'Assemblée des individus professant la religion juive,
 dont la tenue a été ordonnée par S. M.


NOMS
des départements.

 Population juive
présumée.

 Nombre de Députés
 à envoyer.

OBSERVATIONS.

Haut-Rhin

 11,679.

 12.


Bas-Rhin

 14,417.

 15.


 Mont-Tonnerre

 8,567.

 9.


Rhin-et-Moselle

 3,556.

 4.


Sarre

 800.

 1.


Roer

 400.

 1.


Moselle

 4,500.

 5.


Meurthe

 6,883.

 7.


Vosges

 6,513.

 7.


Gironde

 600.

 2.


Basses-Pyrénées

 500.

 2.


Vaucluse

 520.

 2.


Côte-d'Or

 200.

 1.


Seine

 5,500.

6.



65635

74


     Nota. On est parti, pour former ce tableau, et pour les départements du Nord, de la base de la population présumée, en donnant un député par mille, et prenant la fraction pour un nombre complet.
     Pour les départements du midi, où il y a moins de juifs, et où ils sont plus éclairés, on a porté deux députés pour chaque département ; mesure qui a semblé nécessaire pour pouvoir comparer les opinions.
     Pour le département de la Seine, on a suivi la même proportion que pour les départements du Nord.
     L'article qui autorise les préfets dont les départements ne sont pas portés en cet état, et où il existe des juifs, à envoyer un député pour une population de 1.000 et au-dessous, fait présumer que l'assemblée sera de quatre-vingts individus environ, nombre qui avait été indiqué d'abord.

    A PARIS, DE L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE.
    21 Mai 1806



    SECTION de L'INTÉRIEUR.

    M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angely), Rapporteur.
    Épreuve.

PROJETS DE DÉCRET SUR LES JUIFS.
PROJET DE DÉCRET
Portant Approbation du Règlement rédigé par l'Assemblée générale des Juifs.

    Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie ;
    Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur,
    Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

    Art. 1er Le projet de règlement délibéré par l'assemblée générale des Israélites de notre Empire et de notre Royaume d'Italie, dans la séance du 10 décembre 1806, et annexé au présent décret, est approuvé pour être exécuté suivant sa forme et teneur.

    2. Les membres qui devront composer la première formation du consistoire central désigné en l'article 13, seront par nous désignés, sur la proposition de notre ministre de l'intérieur.

    3. Notre ministre de l'intérieur dressera, sur l'avis des préfets respectifs, et d'après les états de population juive qui auront été levés, le tableau des synagogues et consistoires, et déterminera leur nombre et leur circonscription.

    4. Les vingt-cinq notables qui devront être choisis, conformément à l'article 8, dans chaque circonscription consistoriale, seront désignés par notre ministre de l'intérieur, sur l'avis des préfets respectifs et du consistoire central.

    5. Le premier tableau des rabbins en exercice sera dressé de la manière suivante :
    Les notables désignés dans chaque circonscription territoriale formeront l'état des rabbins de la circonscription, et l'adresseront au consistoire central.
    Le consistoire central, après l'avoir examiné, le soumettra à notre ministre de l'intérieur.
    La liste définitive sera par nous arrêtée sur la proposition de ce ministre.

    6. Les contributions à lever sur les Juifs de chaque circonscription pour les frais du culte, conformément aux articles 23, 24 et 25, pourront être rendues exécutoires même par voie de contrainte par les préfets respectifs, après toutefois que la répartition en aura été par eux approuvée.

    7. Notre grand-juge ministre de la justice, nos ministres de l'intérieur et des cultes, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.

PROJET DE RÈGLEMENT
Annexé au Décret impérial du

    Les députés composant l'assemblée des Israélites convoquée par décret impérial du 30 mai ; après avoir entendu le rapport de la commission des neuf, nommée pour préparer les travaux de l'assemblée ; délibérant sur l'organisation qu'il conviendrait de donner à leurs coreligionnaires de l'Empire français et du Royaume d'Italie, relativement à l'exercice de leur culte et à sa police intérieure, ont adopté unanimement le projet suivant :

    Art. 1er Il sera établi une synagogue et un consistoire israélite dans chaque département renfermant deux mille individus professant la religion de Moïse.

    2. Dans le cas où il ne se trouvera pas deux mille Israélites dans un seul département, la circonscription de la synagogue consistoriale embrassera autant de départements, de proche en proche, qu'il en faudra pour les réunir. Le siège de la synagogue sera toujours dans la ville dont la population israélite sera la plus nombreuse.

    3. Dans aucun cas il ne pourra y avoir plus d'une synagogue consistoriale par département.

    4. Aucune synagogue particulière ne sera établie, si la proposition n'en est faite par la synagogue consistoriale à l'autorité compétente ; chaque synagogue particulière sera administrée par deux notables et un rabbin, lesquels seront désignés par l'autorité compétente.

    5. Il y aura un grand rabbin par synagogue consistoriale.

    6. Les consistoires seront composés d'un grand rabbin, d'un autre rabbin, autant que faire se pourra, et de trois autres Israélites, dont deux seront choisis parmi les habitants de la ville où siégera le consistoire.

    7. Le consistoire sera présidé par le plus âgé de ses membres, qui prendra le nom d'ancien du consistoire.

    8. Il sera désigné par l'autorité compétente, dans chaque circonscription consistoriale, des notables, au nombre de vingt-cinq, choisis parmi les plus imposés et les plus recommandables des Israélites.

    9. Ces notables procéderont à l'élection des membres du consistoire, qui devront être agréés par l'autorité compétente.

    10. Nul ne pourra être membre du consistoire, 1° s'il n'a 30 ans ; 2° s'il a fait faillite, à moins qu'il ne se soit honorablement réhabilité ; 3° s'il est connu pour avoir fait l'usure.

    11. Tout Israélite qui voudra s'établir en France ou dans le royaume d'Italie, devra en donner connaissance, dans le délai de trois mois, au consistoire le plus voisin du lieu où il fixera son domicile.

    12. Les fonctions du consistoire seront, 1° de veiller à ce que les rabbins ne puissent donner, soit en public, soit en particulier, aucune instruction ou explication de la loi qui ne soit conforme aux réponses de l'assemblée convertie en décisions doctrinales par le grand sanhédrin ; 2° de maintenir l'ordre dans l'intérieur des synagogues, surveiller l'administration des synagogues particulières, régler la perception et l'emploi des sommes destinées aux frais du culte mosaïque, et veiller à ce que, pour cause ou sous prétexte de religion, il ne se forme, sans une autorisation expresse, aucune assemblée de prière ; 3° d'encourager, par tous les moyens possibles, les Israélites de la circonscription consistoriale à l'exercice des professions utiles, et de faire connaître à l'autorité ceux qui n'ont pas des moyens d'existence avoués ; 4° de donner chaque année, à l'autorité, connaissance du nombre de conscrits Israélites de la circonscription.

    13. Il y aura à Paris un consistoire central, composé de trois rabbins et de deux autres Israélites.

    14. Les rabbins du consistoire central seront pris parmi les grands rabbins ; et les autres membres seront assujettis aux conditions de l'éligibilité portée en l'article 10.

    15. Chaque année, il sortira un membre du consistoire central, lequel sera toujours rééligible.

    16. Il sera pourvu à son remplacement par les membres restants. Le nouvel élu ne sera installé qu'après avoir obtenu l'agrément de l'autorité compétente.

17. Les fonctions du consistoire central seront, 1° de correspondre avec les consistoires ; 2° de veiller dans toutes ses parties à l'exécution du présent règlement ; 3° de déférer à l'autorité compétente toutes les atteintes portées à l'exécution dudit règlement, soit par infraction, soit par inobservation ; 4° de confirmer la nomination des rabbins, et de proposer, quand il y aura lieu, à l'autorité compétente, la destitution des rabbins et des membres des consistoires.

    18. L'élection du grand rabbin se fera par les vingt-cinq notables désignés en l'article 8.

    19. Le nouvel élu ne pourra entrer en fonctions qu'après avoir été confirmé par le consistoire central.

    20. Aucun rabbin ne pourra être élu, 1° s'il n'est natif ou naturalisé Français ou Italien du royaume d'Italie ; 2° s'il ne rapporte une attestation de capacité, souscrite par trois grands rabbins Italiens s'il est Italien, et Français s'il est Français, et, à dater de 1820, s'il ne sait la langue française en France, et l'italienne dans le royaume d'Italie : celui qui joindra à la connaissance de la langue hébraïque quelque connaissance des langues grecque et latine, sera préféré, toutes choses égales d'ailleurs.

    21. Les fonctions des rabbins sont, 1° d'enseigner la religion ; 2° la doctrine renfermée dans les décisions du grand sanhédrin ; 3° de rappeler, en toute circonstance, l'obéissance aux lois, notamment et en particulier à celles relatives à la défense de la patrie, mais d'y exhorter plus spécialement encore tous les ans, à l'époque de la conscription, depuis le premier appel de l'autorité jusqu'à la complète exécution de la loi ; 4° de faire considérer aux Israélites le service militaire comme un devoir sacré, et de leur déclarer que pendant le temps où ils se consacreront à ce service, la loi les dispense des observances qui ne pourraient point se concilier avec lui ; 5° de prêcher dans les synagogues et réciter les prières qui s'y font en commun pour l'Empereur et la famille impériale ; 6° de célébrer les mariages et de déclarer les divorces, sans qu'ils puissent dans aucun cas y procéder que les parties requérantes ne leur aient bien et dûment justifié de l'acte civil de mariage ou de divorce.

    22. Le traitement des rabbins membres du consistoire central est fixé à 6,000 F ; celui des grands rabbins des synagogues consistoriales, à 3,000 F : celui des rabbins des synagogues particulières sera fixé par la réunion des Israélites qui auront demandé l'établissement de la synagogue ; il ne pourra être moindre de 1,000 F. Les Israélites des circonscriptions respectives pourront voter l'augmentation de ce traitement.

    23. Chaque consistoire proposera à l'autorité compétente un projet de répartition entre les Israélites de la circonscription, pour l'acquittement du salaire des rabbins : les autres frais du culte seront déterminés et répartis sur la demande des consistoires, par l'autorité compétente. Le paiement des rabbins membres du consistoire central sera prélevé proportionnellement sur les sommes perçues dans les différentes circonscriptions.

    24. Chaque consistoire désignera, hors de son sein, un Israélite non rabbin, pour recevoir les sommes qui devront être perçues dans la circonscription.

    25. Ce receveur paiera par quartier les rabbins, ainsi que les autres frais du culte, sur une ordonnance signée au moins par trois membres du consistoire. Il rendra ses comptes chaque année, à jour fixe, au consistoire assemblé.

    26. Tout rabbin qui, après la mise en activité du présent règlement, ne se trouvera pas employé, et qui voudra cependant conserver son domicile en France ou dans le royaume d'Italie, sera tenu d'adhérer, par une déclaration formelle et qu'il signera, aux décisions du grand sanhédrin. Copie de cette déclaration sera envoyée, par le consistoire qui l'aura reçue, au consistoire central.

    27. Les rabbins membres du grand sanhédrin seront préférés, autant que faire se pourra, à tous autres, pour les places de grands rabbins.



PROJET DE DÉCRET
Sur le cas où les Juifs n'exécuteraient pas les Lois sur la Conscription.

    Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie ;
    Vu le vœu exprimé par l'assemblée des députés juifs, que leurs coreligionnaires fassent en personne le service militaire ;
    Désirant seconder les instructions religieuses données à cet effet par le grand sanhédrin, et rendre nos sujets israélites vraiment Français, en les faisant entrer en partage de la gloire militaire, premier attribut de la nation française ;

    Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur,
    Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

    Art. 1er A compter de l'an 1808, dans les départements où les deux tiers des Israélites appelés par la conscription à servir dans nos armées, ne rempliront pas ce devoir, soit en personne, soit par des remplaçants, aucun Israélite ne nous sera présenté par nos ministres pour les places à notre nomination.
    Seront exceptés les pères, frères et oncles de ceux qui font le service en personne, ou auront été remplacés par des individus de leur culte.

    2. Tous nos ministres sont chargés de l'exécution du présent décret.



PROJET DE DÉCRET
Sur les Créances des Juifs.

    Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie ;

    Vu notre décret du 30 mai 1806 ;

    Vu la délibération prise par l'assemblée générale des députés des Juifs de notre Empire et de notre Royaume d'Italie, et le vœu exprimé par cette assemblée, pour que nous prenions les dispositions que nous jugerons convenables, afin que quelques Israélites, au moyen du trafic qu'ils exercent, ou des hypothèques qu'ils prennent, ne portent plus dans le commerce et dans les fortunes, des désordres semblables à ceux dont on s'est plaint, et dont trop souvent la honte et le châtiment ont rejailli sur tous leurs coreligionnaires ;

    Voulant accéder à ces désirs, protéger d'une manière efficace ceux de nos sujets qui se trouveraient menacés par ces désordres, et contribuer à rendre nos sujets professant la religion juive, dignes de la protection qu'il est dans nos intentions d'assurer à leurs personnes et à leur culte ;

    Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur ;
    Notre Conseil d'état entendu,
    Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

TITRE 1er

    Art. 1er Tout individu professant la religion juive, qui ne serait point né en France ou qui n'y aurait pas été naturalisé, et qui désirerait y exercer un genre quelconque de commerce ou de trafic, sera tenu préalablement d'en obtenir l'autorisation expresse du préfet du département où il se présentera à son arrivée.

    2. L'autorisation ne sera accordée qu'autant que le susdit individu aura justifié de ses facultés pour faire le commerce, devant le tribunal de commerce du chef-lieu ou du lieu le plus voisin de son arrivée.

    3. Tout individu professant la religion juive et exerçant le métier de colporteur-revendeur, faisant le commerce des espèces ou tout autre non désigné à l'article 6 ci-après, devra en obtenir chaque année l'autorisation spéciale du préfet du département de son domicile.

    4. L'autorisation ne sera accordée que sur un certificat de mœurs et probité, délivré par le consistoire dans la circonscription duquel l'individu serait domicilié.
    Elle sera refusée à tout Juif reconnu pour en avoir abusé en se livrant à des opérations usuraires.
    Elle pourra être révoquée pour les mêmes motifs.

    5. L'individu porteur de cette autorisation, et qui irait trafiquer hors de son domicile, devra la faire viser dans les chefs-lieux de préfecture ou de sous-préfecture où il voudra exercer ce trafic.

    6. Sont exceptés des dispositions ci-dessus les banquiers, négociants, les marchands en gros, propriétaires ou directeurs d'établissements d'industrie, dont la liste sera dressée à cet effet par les préfets, sur l'indication des tribunaux de commerce.

    7. Il est défendu aux Juifs de prêter à des mineurs non commerçants, aux femmes en puissance de maris, non marchandes publiques, et aux domestiques ou gens à gages, sinon en présence et du consentement de leurs parents, tuteurs, maris ou maîtres, sous peine de perdre ce qu'ils auraient prêté.

    8. Aucun Juif ne sera admis à faire souscrire à son profit aucuns billets, obligations, contrats ou effets autres que les billets ordinaires de commerce, à un individu non commerçant, à moins que lesdits billets, obligations ou contrats n'aient été souscrits en présence du juge de paix du canton, visés par lui, et que le juge de paix n'ait déclaré que la somme totale dudit billet a été acquittée en sa présence, en espèces sonnantes.

    9. Le renouvellement desdits billets, obligations ou contrats, aura lieu également en présence du juge de paix, qui vérifiera les acomptes reçus et en fera mention.

    10. Aucun Juif ne pourra prêter sur nantissement, à moins que ledit prêt ne soit accompagné d'un acte authentique, indiquant la somme prêtée, la nature et la valeur du gage, à peine de perdre tout droit sur ce gage. Cet acte sera fait dans les formes prescrites par les articles 8 et 9 ci-dessus.

    11. Ils ne pourront recevoir en gages les instruments, ustensiles et outils, ni les vêtements des ouvriers, journaliers ou domestiques.

    12. Pendant le cours de dix années après la publication du présent décret, tout Juif non propriétaire de biens-fonds ne pourra être admis à prendre, sur aucune propriété, des inscriptions hypothécaires, dans toute l'étendue de notre Empire.

    13. Tout Juif propriétaire ne pourra, pendant le même intervalle, prendre hypothèque sur les propriétés d'un de nos sujets, que pour une somme égale à la valeur des biens-fonds dont il sera lui-même reconnu propriétaire.

    14. Les prêts faits à des fermiers ne pourront, dans aucun cas, être hypothéqués que sur les récoltes pendantes, sans préjudice des droits du propriétaire.

    15. A cet effet, nos conservateurs des hypothèques ne recevront des demandes en inscription hypothécaire, formées par des individus professant la religion juive, qu'après s'être fait représenter les titres qui établissent la propriété de ces individus, et avoir vérifié la quotité de la contribution foncière qu'ils acquittent.

    16. Aucun représentant, héritier ou cessionnaire d'un Juif ne sera admis à arguer d'ignorance ou de bonne foi, lorsque le titre dont il sera porteur ne sera pas revêtu des formalités prescrites par les dispositions précédentes.

TITRE II.

    17. A compter de la publication du présent décret, le sursis prononcé par notre décret du 30 mai 1806, sera levé dans les six départements y dénommés,
    1° Pour toutes les dettes moindres de 500 livres en capital et intérêt ;
    2° Pour toutes celles qui ne seraient que le résultat de simples négociations de commerce ou d'achat de meubles ou d'immeubles, sans cumulation d'intérêt : ce dernier fait sera constaté par le tribunal civil, sur les conclusions de notre procureur impérial.

    18. Quant à tous autres billets, obligations, contrats ou jugements, le débiteur sera autorisé à en acquitter le montant de la manière suivante :
    Un sixième comptant,
    Et les cinq autres sixièmes d'année en année, par sommes égales à la fin de chaque année.

    19. Les cinq sixièmes ne porteront, pendant ce délai, qu'un intérêt de cinq pour cent par an.

Dispositions générales.

    20. Nous nous réservons de suspendre l'exécution du présent décret dans les départements où il n'aurait été formé aucune plainte sur la conduite des individus professant la religion juive.

    21. Nos ministres sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.

    A PARIS, DE L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE.
    6 Mai 1807



    SECTION de l'intérieur.
    M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angely), Rapporteur.
    1ère Rédaction.

PROJETS DE DÉCRETS ET AVIS
Relatifs aux Juifs.
1er PROJET DE DÉCRET,
présenté par le ministre de l'intérieur,
Portant Approbation du Règlement rédigé par l'Assemblée générale des Juifs.

    Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie ;
    Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur ;
    Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

    Art. 1er Le projet de règlement délibéré par l'assemblée générale des Israélites de notre Empire et de notre royaume d'Italie, dans la séance du 10 décembre 1806, et annexé au présent décret, est approuvé pour être exécuté suivant sa forme et teneur.

    2. Les membres qui devront composer la première formation du consistoire central désigné en l'article 13, seront par nous désignés, sur la proposition de notre ministre de l'intérieur.

    3. Notre ministre de l'intérieur dressera, sur l'avis des préfets respectifs, et d'après les états de population juive qui auront été levés, le tableau des synagogues et consistoires, et déterminera leur nombre et leur circonscription.

    4. Les vingt-cinq notables qui devront être choisis, conformément à l'article 8, dans chaque circonscription consistoriale, seront désignés par notre ministre de l'intérieur, sur l'avis des préfets respectifs et du consistoire central.

    5. Le premier tableau des rabbins en exercice sera dressé de la manière suivante :
    Les notables désignés dans chaque circonscription territoriale formeront l'état des rabbins de la circonscription, et l'adresseront au consistoire central.
    Le consistoire central, après l'avoir examiné, le soumettra à notre ministre de l'intérieur.
    La liste définitive sera par nous arrêtée sur la proposition de ce ministre.

    6. Les contributions à lever sur les Juifs de chaque circonscription pour les frais du culte, conformément aux articles 23, 24 et 25, pourront être rendues exécutoires même par voie de contrainte par les préfets respectifs, après toutefois que la répartition en aura été par eux approuvée.

    7. Notre grand-juge ministre de la justice, nos ministres de l'intérieur et des cultes, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.

PROJET DE RÈGLEMENT
Annexé au Décret impérial du

    Les députés composant l'assemblée des Israélites convoquée par décret impérial du 30 mai ; après avoir entendu le rapport de la commission des neuf, nommée pour préparer les travaux de l'assemblée ; délibérant sur l'organisation qu'il conviendrait de donner à leurs coreligionnaires de l'Empire français et du royaume d'Italie, relativement à l'exercice de leur culte et à sa police intérieure, ont adopté unanimement le projet suivant :

    Art. 1er  Il sera établi une synagogue et un consistoire israélite dans chaque département renfermant deux mille individus professant la religion de Moïse.

    2. Dans le cas où il ne se trouvera pas deux mille Israélites dans un seul département, la circonscription de la synagogue consistoriale embrassera autant de départements, de proche en proche, qu'il en faudra pour les réunir. Le siège de la synagogue sera toujours dans la ville dont la population israélite sera la plus nombreuse.

    3. Dans aucun cas il ne pourra y avoir plus d'une synagogue consistoriale par département.

    4. Aucune synagogue particulière ne sera établie, si la proposition n'en est faite par la synagogue consistoriale à l'autorité compétente ; chaque synagogue particulière sera administrée par deux notables et un rabbin, lesquels seront désignés par l'autorité compétente.

    5. Il y aura un grand rabbin par synagogue consistoriale.

    6. Les consistoires seront composés d'un grand rabbin, d'un autre rabbin, autant que faire se pourra, et de trois autres Israélites, dont deux seront choisis parmi les habitants de la ville où siégera le consistoire.

    7. Le consistoire sera présidé par le plus âgé de ses membres, qui prendra le nom d'ancien du consistoire.

    8. Il sera désigné par l'autorité compétente, dans chaque circonscription consistoriale, des notables, au nombre de vingt-cinq, choisis parmi les plus imposés et les plus recommandables des Israélites.

    9. Ces notables procéderont à l'élection des membres du consistoire, qui devront être agréés par l'autorité compétente.

    10. Nul ne pourra être membre du consistoire, 1° s'il n'a trente ans ; 2° s'il a fait faillite, à moins qu'il ne se soit honorablement réhabilité ; 3° s'il est connu pour avoir fait l'usure.

    11. Tout Israélite qui voudra s'établir en France ou dans le royaume d'Italie, devra en donner connaissance, dans le délai de trois mois, au consistoire le plus voisin du lieu où il fixera son domicile.

    12. Les fonctions du consistoire seront, 1° de veiller à ce que les rabbins ne puissent donner, soit en public, soit en particulier, aucune instruction ou explication de la loi qui ne soit conforme aux réponses de l'assemblée converties en décisions doctrinales par le grand sanhédrin ; 2° de maintenir l'ordre dans l'intérieur des synagogues, surveiller l'administration des synagogues particulières, régler la perception et l'emploi des sommes destinées aux frais du culte mosaïque, et veiller à ce que, pour cause ou sous prétexte de religion, il ne se forme, sans une autorisation expresse, aucune assemblée de prière ; 3° d'encourager, par tous les moyens possibles, les Israélites de la circonscription consistoriale à l'exercice des professions utiles, et de faire connaître à l'autorité ceux qui n'ont pas des moyens d'existence avoués ; 4° de donner chaque année, à l'autorité, connaissance du nombre de conscrits israélites de la circonscription.

    13. Il y aura à Paris un consistoire central, composé de trois rabbins et de deux autres Israélites.

    14. Les rabbins du consistoire central seront pris parmi les grands rabbins ; et les autres membres seront assujettis aux conditions de l'éligibilité portée en l'article 10.

    15. Chaque année, il sortira un membre du consistoire central, lequel sera toujours rééligible.

    16. Il sera pourvu à son remplacement par les membres restants. Le nouvel élu ne sera installé qu'après avoir obtenu l'agrément de l'autorité compétente.

    17. Les fonctions du consistoire central seront, 1° de correspondre avec les consistoires ; 2° de veiller dans toutes ses parties à l'exécution du présent règlement ; 3° de déférer à l'autorité compétente toutes les atteintes portées à l'exécution dudit règlement, soit par infraction, soit par inobservation ; 4° de confirmer la nomination des rabbins, et de proposer, quand il y aura lieu, à l'autorité compétente, la destitution des rabbins et des membres des consistoires.

    18. L'élection du grand rabbin se fera par les vingt-cinq notables désignés en l'article 8.

    19. Le nouvel élu ne pourra entrer en fonctions qu'après avoir été confirmé par le consistoire central.

    20. Aucun rabbin ne pourra être élu, 1° s'il n'est natif ou naturalisé Français ou Italien du royaume d'Italie ; 2° s'il ne rapporte une attestation de capacité, souscrite par trois grands rabbins Italiens s'il est Italien, et Français s'il est Français, et, à dater de 1820, s'il ne sait la langue française en France, et l'italienne dans le royaume d'Italie : celui qui joindra à la connaissance de la langue hébraïque quelque connaissance des langues grecque et latine, sera préféré, toutes choses égales d'ailleurs.

    21. Les fonctions des rabbins sont, 1° d'enseigner la religion ; 2° la doctrine renfermée dans les décisions du grand sanhédrin ; 3° de rappeler, en toute circonstance, l'obéissance aux lois, notamment et en particulier à celles relatives à la défense de la patrie, mais d'y exhorter plus spécialement encore tous les ans, à l'époque de la conscription, depuis le premier appel de l'autorité jusqu'à la complète exécution de la loi ; 4° de faire considérer aux Israélites le service militaire comme un devoir sacré, et de leur déclarer que pendant le temps où ils se consacreront à ce service, la loi les dispense des observances qui ne pourraient point se concilier avec lui ; 5° de prêcher dans les synagogues et réciter les prières qui s'y font en commun pour l'Empereur et la famille impériale ; 6° de célébrer les mariages et de déclarer les divorces, sans qu'ils puissent dans aucun cas y procéder que les parties requérantes ne leur aient bien et dûment justifié de l'acte civil de mariage ou de divorce.

    22. Le traitement des rabbins membres du consistoire central est fixé à 6,000 F ; celui des grands rabbins des synagogues consistoriales, à 3,000 F : celui des rabbins des synagogues particulières sera fixé par la réunion des Israélites qui auront demandé l'établissement de la synagogue ; il ne pourra être moindre de 1,000 F. Les Israélites des circonscriptions respectives pourront voter l'augmentation de ce traitement.

    23. Chaque consistoire proposera à l'autorité compétente un projet de répartition entre les Israélites de la circonscription, pour l'acquittement du salaire des rabbins : les autres frais du culte seront déterminés et répartis sur la demande des consistoires, par l'autorité compétente. Le paiement des rabbins membres du consistoire central sera prélevé proportionnellement sur les sommes perçues dans les différentes circonscriptions.

    24. Chaque consistoire désignera, hors de son sein, un Israélite non rabbin, pour recevoir les sommes qui devront être perçues dans la circonscription.

    25. Ce receveur paiera par quartier les rabbins, ainsi que les autres frais du culte, sur une ordonnance signée au moins par trois membres du consistoire. Il rendra ses comptes chaque année, à jour fixe, au consistoire assemblé.

    26. Tout rabbin qui, après la mise en activité du présent règlement, ne se trouvera pas employé, et qui voudra cependant conserver son domicile en France ou dans le royaume d'Italie, sera tenu d'adhérer, par une déclaration formelle et qu'il signera, aux décisions du grand sanhédrin. Copie de cette déclaration sera envoyée, par le consistoire qui l'aura reçue, au consistoire central.

    27. Les rabbins membres du grand sanhédrin seront préférés, autant que faire se pourra, à tous autres, pour les places de grands rabbins.



2e PROJET DE DÉCRET
présenté par le ministre,
Sur le cas où les Juifs n'exécuteraient pas les Lois sur la Conscription.

    Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie ;

    Vu le vœu exprimé par l'assemblée des députés juifs, que leurs coreligionnaires fassent en personne le service militaire ;
    Désirant seconder les instructions religieuses données à cet effet par le grand sanhédrin, et rendre nos sujets israélites vraiment Français, en les faisant entrer en partage de la gloire militaire, premier attribut de la nation française ;

    Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur,
    Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

    Art. 1er - A compter de l'an 1808, dans les départements où les deux tiers des Israélites appelés par la conscription à servir dans nos armées ne rempliront pas ce devoir, soit en personne, soit par des remplaçants du même culte, aucun Israélite ne nous sera présenté par nos ministres pour les places à notre nomination.
    Seront exceptés les pères, frères et oncles de ceux qui font le service en personne, ou auront été remplacés par des individus de leur culte.

    2. Tous nos ministres sont chargés de l'exécution du présent décret.



3e PROJET DE DÉCRET
présenté par le ministre,
Sur les Créances des Juifs.

    Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie ;

    Vu notre décret du 30 mai 1806 ;
    Vu la délibération prise par l'assemblée générale des députés des Juifs de notre Empire et de notre royaume d'Italie, et le vœu exprimé par cette assemblée, pour que nous prenions les dispositions que nous jugerons convenables, afin que quelques Israélites, au moyen du trafic qu'ils exercent, ou des hypothèques qu'ils prennent, ne portent plus dans le commerce et dans les fortunes, des désordres semblables à ceux dont on s'est plaint, et dont trop souvent la honte et le châtiment ont rejailli sur tous leurs coreligionnaires ;

    Voulant accéder à ces désirs, protéger d'une manière efficace ceux de nos sujets qui se trouveraient menacés par ces désordres, et contribuer à rendre nos sujets professant la religion juive, dignes de la protection qu'il est dans nos intentions d'assurer à leurs personnes et à leur culte ;

    Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur ;
    Notre Conseil d'état entendu,

    Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

TITRE 1er

    Art. 1er Tout individu professant la religion juive, qui ne serait point né en France ou qui n'y aurait pas été naturalisé, et qui désirerait y exercer un genre quelconque de commerce ou de trafic, sera tenu préalablement d'en obtenir l'autorisation expresse du préfet du département où il se présentera à son arrivée.

    2. L'autorisation ne sera accordée qu'autant que le susdit individu aura justifié de ses facultés pour faire le commerce, devant le tribunal de commerce du chef-lieu ou du lieu le plus voisin de son arrivée.

    3. Tout individu professant la religion juive et exerçant le métier de colporteur-revendeur, faisant le commerce des espèces ou tout autre non désigné à l'article 6 ci-après, devra en obtenir, chaque année, l'autorisation spéciale du préfet du département de son domicile.

    4. L'autorisation ne sera accordée que sur un certificat de mœurs et probité, délivré par le consistoire dans la circonscription duquel l'individu serait domicilié.
    Elle sera refusée à tout Juif reconnu pour en avoir abusé en se livrant à des opérations usuraires.
    Elle pourra être révoquée pour les mêmes motifs.

    5. L'individu porteur de cette autorisation, et qui irait trafiquer hors de son domicile, devra la faire viser dans les chefs-lieux de préfecture ou de sous-préfecture où il voudra exercer ce trafic.

    6. Sont exceptés des dispositions ci-dessus les banquiers, négociants, les marchands en gros, propriétaires ou directeurs d'établissements d'industrie, dont la liste sera dressée à cet effet par les préfets, sur l'indication des tribunaux de commerce.

    7. Il est défendu aux Juifs de prêter à des mineurs non commerçants, aux femmes en puissance de maris, non marchandes publiques, et aux domestiques ou gens à gages, sinon en présence et du consentement de leurs parents, tuteurs, maris ou maîtres, sous peine de perdre ce qu'ils auraient prêté.

    8. Aucun Juif ne sera admis à faire souscrire à son profit aucuns billets, obligations, contrats ou effets autres que les billets ordinaires de commerce, à un individu non commerçant, à moins que lesdits billets, obligations ou contrats n'aient été souscrits en présence du juge de paix du canton, visés par lui, et que le juge de paix n'ait déclaré que la somme totale dudit billet a été acquittée en sa présence, en espèces sonnantes.

    9. Le renouvellement desdits billets, obligations ou contrats, aura lieu également en présence du juge de paix, qui vérifiera les acomptes reçus et en fera mention.

    10. Aucun Juif ne pourra prêter sur nantissement, à moins que ledit prêt ne soit accompagné d'un acte authentique, indiquant la somme prêtée, la nature et la valeur du gage, à peine de perdre tout droit sur ce gage. Cet acte sera fait dans les formes prescrites par les articles 8 et 9 ci-dessus.

    11. Ils ne pourront recevoir en gage les instruments, ustensiles et outils, ni les vêtements des ouvriers, journaliers ou domestiques.

    12. Pendant le cours de dix années après la publication du présent décret, tout Juif non propriétaire de biens-fonds ne pourra être admis à prendre, sur aucune propriété, des inscriptions hypothécaires, dans toute l'étendue de notre Empire.

    13. Tout Juif propriétaire ne pourra, pendant le même intervalle, prendre hypothèque sur les propriétés d'un de nos sujets, que pour une somme égale à la valeur des biens-fonds dont il sera lui-même reconnu propriétaire.

    14. Les prêts faits à des fermiers ne pourront, dans aucun cas, être hypothéqués que sur les récoltes pendantes, sans préjudice des droits du propriétaire.

    15. A cet effet, nos conservateurs des hypothèques ne recevront des demandes en inscription hypothécaire, formées par des individus professant la religion juive, qu'après s'être fait représenter les titres qui établissent la propriété de ces individus, et avoir vérifié la quotité de la contribution foncière qu'ils acquittent.

    16. Aucun représentant, héritier ou cessionnaire d'un Juif ne sera admis à arguer d'ignorance ou de bonne foi, lorsque le titre dont il sera porteur ne sera pas revêtu des formalités prescrites par les dispositions précédentes.

TITRE II.

    17. A compter de la publication du présent décret, le sursis prononcé par notre décret du 30 mai 1806 sera levé dans les six départements y dénommés,
    1° Pour toutes les dettes moindres de 500 livres en capital et intérêt ;
    2° Pour toutes celles qui ne seraient que le résultat de simples négociations de commerce ou d'achat de meubles ou d'immeubles, sans cumulation d'intérêt : ce dernier fait sera constaté par le tribunal civil, sur les conclusions de notre procureur impérial.

    18. Quant à tous autres billets, obligations, contrats ou jugements, le débiteur sera autorisé à en acquitter le montant de la manière suivante :
    Un sixième comptant,
    Et les cinq autres sixièmes d'année en année, par sommes égales à la fin de chaque année.

    19. Les cinq sixièmes ne porteront, pendant ce délai, qu'un intérêt de cinq pour cent par an.

Dispositions générales.

    20. Nous nous réservons de suspendre l'exécution du présent décret dans les départements où il n'aurait été formé aucune plainte sur la conduite des individus professant la religion juive.

    21. Nos ministres sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.





1er PROJET DE DÉCRET
présenté par la section de l'intérieur.
TITRE 1er
dispositions générales.

    Art. 1er Le règlement délibéré dans l'assemblée générale des Juifs, tenue à Paris le 10 décembre 1806, sera exécuté dans toutes les dispositions auxquelles il n'est pas dérogé par le présent décret.

TITRE II.
De l'Établissement des Consistoires et Synagogues.

    2. Les membres du consistoire central seront nommés par nous, dans un mois à compter du présent décret, sur la présentation de notre ministre de l'intérieur, et parmi les membres du grand sanhédrin ou de l'assemblée générale des Juifs.

    3. Notre ministre de l'intérieur nous présentera, dans la quinzaine qui suivra leur nomination, le tableau des synagogues consistoriales, leur circonscription et le lieu de leur établissement ; il prendra préalablement l'avis du consistoire central. Les départements de l'Empire qui n'ont pas actuellement de population israélite, seront classés, par un tableau supplémentaire, dans les arrondissements des synagogues consistoriales, pour le cas où des Israélites venant à s'y établir, auraient besoin de recourir à un consistoire, dans les occasions ci-après prévues.

    4. Il ne pourra être établi de synagogue particulière, que sur l'autorisation donnée par nous en Conseil d'état, sur le rapport du ministre de l'intérieur, et sur le vu, 1° de l'avis de la synagogue consistoriale, et de l'état de la population israélite que comprendra la synagogue nouvelle ; 2° du consistoire central ; 3° du préfet du département.
    Le décret d'établissement de chaque synagogue particulière en fixera la circonscription.

    5. La nomination des membres des consistoires départementaux sera faite par nous, sur la présentation de notre ministre de l'intérieur, après avoir pris l'avis du consistoire central, et sur une liste double du nombre de membres à nommer, laquelle sera formée par les notables dont il est parlé aux articles 8 et 9 du règlement délibéré par l'assemblée générale.

    6. Notre ministre de l'intérieur fera la nomination desdits notables, sur la présentation du consistoire central, et l'avis des préfets.

    7. La nomination des administrateurs des synagogues particulières se fera comme il est dit à l'article précédent.

    8. Le rabbin nommé par nous le premier pour être membre du consistoire central, prendra seul le titre de grand rabbin.

TITRE III.
Des Fonctions des Consistoires.
§. 1er
Des États de Population.

    8. Il sera dressé, dans chaque consistoire départemental, un état de tous les Israélites français, chefs de famille, domiciliés dans l'étendue de la synagogue.
    Cet état contiendra leurs noms, prénoms, âge, profession, demeure ; le nombre, âge et sexe de leurs enfants. Il en sera dressé un modèle par notre ministre de l'intérieur.

    9. Un double de cet état sera envoyé au consistoire central.

    10. Tout Israélite qui changera de domicile, sera tenu d'en faire sa déclaration au consistoire ; et son passe-port ne lui sera délivré que sur le certificat qu'il en représentera.

    11. Tout Israélite étranger qui voudra habiter ou s'établir en France, même temporairement, sera tenu, sous les peines portées aux lois de police, d'en faire sa déclaration, sans délai, au consistoire de la synagogue dans l'arrondissement de laquelle il se trouve, ou au consistoire le plus voisin, selon l'article 3 ci-dessus.

    12. Le consistoire départemental enverra, chaque trimestre, un état de ces déclarations au consistoire central et aux préfets.

§. II.
De la Police à exercer par les Consistoires.

    13. Nul Israélite ne pourra obtenir de patente pour l'exercice d'un commerce, négoce ou trafic, sans avoir obtenu, chaque année, une attestation de bonne conduite du consistoire de la synagogue dans la circonscription de laquelle il habite, selon l'article 3 du présent décret.

    14. En cas de refus, il se pourvoira près du consistoire central, qui aura le droit de la lui accorder.

    15. Les consistoires seront responsables de la délivrance de ces certificats envers le Gouvernement.

    16. Ces certificats ne seront pas nécessaires pour obtenir une patente à l'effet d'exercer un art, un métier, ou de tenir une fabrique, une manufacture, une maison de banque.

    17. Tout Israélite qui, au préjudice des articles précédents, obtiendrait frauduleusement une patente, ou ferait un commerce ou trafic quelconque sans l'avoir obtenue, sera poursuivi comme contrevenant aux lois, dénoncé par les consistoires ou les autorités locales aux tribunaux de police, condamné à quitter le territoire français ; et, en cas qu'il y soit repris, détenu comme vagabond : il sera condamné par corps aux amendes portées par les lois, et aux frais de la procédure.

    18. Les consistoires départementaux donneront connaissance au consistoire central, de toutes les contraventions qu'ils auront découvertes, et des jugements rendus contre les délinquants. Ils donneront également avis de toute inconduite ou violation des lois par des Israélites qui pourrait motiver des mesures répressives de la police, ou la traduction devant les tribunaux.

§. III.
De la Conscription.

    19. Les consistoires donneront aux maires et aux préfets l'état des jeunes Israélites qu'ils sauront avoir atteint l'âge de la conscription.

§. IV.
Disposition particulière.

    20. Le consistoire central présentera et notre ministre de l'intérieur désignera un membre de chaque consistoire central, pour veiller spécialement à l'accomplissement des obligations imposées aux consistoires par le présent titre, tenir la plume dans les assemblées y relatives, et suivre la correspondance en résultant.

TITRE IV.
Du Paiement des Rabbins.

    21. Il sera payé aux rabbins, par le trésor public, un traitement annuel ; savoir :
    Au grand rabbin, 6000 F.
    Aux deux autres rabbins du consistoire central, 3000 F.
    Au premier rabbin des synagogues consistoriales, 1500 F. au plus, et 1000 F au moins.

    22. Les rabbins des synagogues particulières seront payés par les Israélites qui en auront demandé et obtenu l'établissement.

    23. Il pourra être donné un supplément aux premiers rabbins, et un traitement aux autres rabbins des synagogues consistoriales ; les fonds en seront faits par tous les Israélites habitant dans l'étendue de la circonscription de la synagogue.

    24. A cet effet, et pour pourvoir aux autres frais du culte et dépenses communes du consistoire central et des autres consistoires, les consistoires délibéreront, avec l'approbation du consistoire central, une imposition, en dresseront les rôles, et les préfets les rendront exécutoires ; le tout comme il est dit à l'article 23 du règlement ci-joint.





2e PROJET DE DÉCRET
de la section.

    Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie ;

    Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur ;
    Notre Conseil d'état entendu,

    Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

    Art. 1er A compter de la publication du présent décret, le sursis prononcé par notre décret du 30 mai 1806 sera levé dans les six départements y dénommés,
    1° Pour toutes les dettes moindres de cinq cents francs en capital et intérêts ;
    2° Pour toutes celles qui ne seraient que le résultat de simples négociations de commerce, ou d'achat de meubles ou immeubles.

    2. Quant à tous autres billets, lettres de change, engagements au porteur, obligations, contrats ou jugements provenant de sommes prêtées en espèces par les Israélites desdits départements à des cultivateurs non négociants, le débiteur sera autorisé à en acquitter le montant de la manière suivante :
    Un sixième comptant,
    Et les cinq autres sixièmes, d'année en année, par sommes égales, à la fin de chaque année.

    3. Les cinq sixièmes ne porteront, pendant ce délai, qu'un intérêt de cinq pour cent par an.

AVIS
de la section.

    La section de l'intérieur, qui a vu le projet de décret du ministre, sur le cas où les Juifs n'exécuteraient pas les lois sur la conscription, est d'avis,

    1° Que les dispositions de ce décret sont inutiles, puisque, sans qu'il soit rendu, Sa Majesté peut ne faire aucune nomination de la personne d'un Israélite à des fonctions publiques, sans se faire assurer, par ses ministres, que les Israélites du même département ont rempli non seulement les devoirs imposés par les lois sur la conscription, mais encore ceux prescrits par les lois de l'Empire en général, et même les vues et règlements du grand sanhédrin ;

    2° Que c'est par des instructions et circulaires de ses ministres, que les intentions de Sa Majesté doivent être manifestées à cet égard ;

    3° Que la règle générale proposée serait suspecte : car, comme la conscription s'effectue au sort sur tous les conscrits d'une année, sans distinction de culte, il serait possible qu'il tombât assez de jeunes Israélites au sort dans un département, pour que nul ne trouvât à se faire remplacer par un homme de la même religion, et qu'en ce cas on ne pourrait punir leurs parents ou leurs coreligionnaires de n'avoir pas fait ce qu'il leur était impossible de faire ;

    Qu'en conséquence il n'y a pas lieu à adopter ledit décret.

    A PARIS, DE L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE.
    30 Mai 1807



    SECTION de l'intérieur.
    M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angely), Rapporteur.

    2.e Rédaction.

PROJETS DE DÉCRETS
Relatifs aux Juifs.
1er PROJET DE DÉCRET.
   

    Art. 1er Le règlement délibéré dans l'assemblée générale des Juifs, tenue à Paris le 10 décembre 1806, sera exécuté et annexé au présent décret.

    2. Nos ministres de l'intérieur et des cultes sont chargés de l'exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des lois.

PROJET DE RÈGLEMENT
Annexé au Décret impérial du

    Les députés composant l'assemblée des Israélites convoquée par décret impérial du 30 mai ; après avoir entendu le rapport de la commission des neuf, nommée pour préparer les travaux de l'assemblée ; délibérant sur l'organisation qu'il conviendrait de donner à leurs coreligionnaires de l'Empire français et du royaume d'Italie, relativement à l'exercice de leur culte et à sa police intérieure, ont adopté unanimement le projet suivant :

    Art. 1er Il sera établi une synagogue et un consistoire israélite dans chaque département renfermant deux mille individus professant la religion de Moïse.

    2. Dans le cas où il ne se trouvera pas deux mille Israélites dans un seul département, la circonscription de la synagogue consistoriale embrassera autant de départements, de proche en proche, qu'il en faudra pour les réunir. Le siège de la synagogue sera toujours dans la ville dont la population israélite sera la plus nombreuse.

    3. Dans aucun cas il ne pourra y avoir plus d'une synagogue consistoriale par département.

    4. Aucune synagogue particulière ne sera établie, si la proposition n'en est faite par la synagogue consistoriale à l'autorité compétente ; chaque synagogue particulière sera administrée par deux notables et un rabbin, lesquels seront désignés par l'autorité compétente.

    5. Il y aura un grand rabbin par synagogue consistoriale.

    6. Les consistoires seront composés d'un grand rabbin, d'un autre rabbin, autant que faire se pourra, et de trois autres Israélites, dont deux seront choisis parmi les habitants de la ville où siégera le consistoire.

    7. Le consistoire sera présidé par le plus âgé de ses membres, qui prendra le nom d'ancien du consistoire.

    8. Il sera désigné par l'autorité compétente, dans chaque circonscription consistoriale, des notables, au nombre de vingt-cinq, choisis parmi les plus imposés et les plus recommandables des Israélites.

    9. Ces notables procéderont à l'élection des membres du consistoire, qui devront être agréés par l'autorité compétente.

    10. Nul ne pourra être membre du consistoire, 1° s'il n'a trente ans ; 2° s'il a fait faillite, à moins qu'il ne se soit honorablement réhabilité ; 3° s'il est connu pour avoir fait l'usure.

    11. Tout Israélite qui voudra s'établir en France ou dans le royaume d'Italie, devra en donner connaissance, dans le délai de trois mois, au consistoire le plus voisin du lieu où il fixera son domicile.

    12. Les fonctions du consistoire seront, 1° de veiller à ce que les rabbins ne puissent donner, soit en public, soit en particulier, aucune instruction ou explication de la loi qui ne soit conforme aux réponses de l'assemblée converties en décisions doctrinales par le grand sanhédrin ; 2° de maintenir l'ordre dans l'intérieur des synagogues, surveiller l'administration des synagogues particulières, régler la perception et l'emploi des sommes destinées aux frais du culte mosaïque, et veiller à ce que, pour cause ou sous prétexte de religion, il ne se forme, sans une autorisation expresse, aucune assemblée de prière ; 3° d'encourager, par tous les moyens possibles, les Israélites de la circonscription consistoriale, à l'exercice des professions utiles, et de faire connaître à l'autorité ceux qui n'ont pas des moyens d'existence avoués ; 4° de donner chaque année, à l'autorité, connaissance du nombre de conscrits israélites de la circonscription.

    13. Il y aura à Paris un consistoire central, composé de trois rabbins et de deux autres Israélites.

    14. Les rabbins du consistoire central seront pris parmi les grands rabbins ; et les autres membres seront assujettis aux conditions de l'éligibilité portée en l'article 10.

    15. Chaque année, il sortira un membre du consistoire central, lequel sera toujours rééligible.

    16. Il sera pourvu à son remplacement par les membres restants. Le nouvel élu ne sera installé qu'après avoir obtenu l'agrément de l'autorité compétente.

    17. Les fonctions du consistoire central seront, 1° de correspondre avec les consistoires ; 2° de veiller dans toutes ses parties à l'exécution du présent règlement ; 3° de déférer à l'autorité compétente toutes les atteintes portées à l'exécution dudit règlement, soit par infraction, soit par inobservation ; 4° de confirmer la nomination des rabbins, et de proposer, quand il y aura lieu, à l'autorité compétente, la destitution des rabbins et des membres des consistoires.

    18. L'élection du grand rabbin se fera par les vingt-cinq notables désignés en l'article 8.

    19. Le nouvel élu ne pourra entrer en fonctions qu'après avoir été confirmé par le consistoire central.

    20. Aucun rabbin ne pourra être élu, 1° s'il n'est natif ou naturalisé Français ou Italien du royaume d'Italie ; 2° s'il ne rapporte une attestation de capacité, souscrite par trois grands rabbins Italiens s'il est Italien, et Français s'il est Français, et, à dater de 1820, s'il ne sait la langue française en France, et l'italienne dans le royaume d'Italie : celui qui joindra à la connaissance de la langue hébraïque quelque connaissance des langues grecque et latine, sera préféré, toutes choses égales d'ailleurs.

    21. Les fonctions des rabbins sont, 1° d'enseigner la religion ; 2° la doctrine renfermée dans les décisions du grand sanhédrin ; 3° de rappeler, en toute circonstance, l'obéissance aux lois, notamment et en particulier à celles relatives à la défense de la patrie, mais d'y exhorter plus spécialement encore tous les ans, à l'époque de la conscription, depuis le premier appel de l'autorité jusqu'à la complète exécution de la loi ; 4° de faire considérer aux Israélites le service militaire comme un devoir sacré, et de leur déclarer que pendant le temps où ils se consacreront à ce service, la loi les dispense des observances qui ne pourraient point se concilier avec lui ; 5° de prêcher dans les synagogues et réciter les prières qui s'y font en commun pour l'Empereur et la famille impériale ; 6° de célébrer les mariages et de déclarer les divorces, sans qu'ils puissent dans aucun cas y procéder que les parties requérantes ne leur aient bien et dûment justifié de l'acte civil de mariage ou de divorce.

    22. Le traitement des rabbins membres du consistoire central est fixé à 6,000 F ; celui des grands rabbins des synagogues consistoriales, à 3,000 F : celui des rabbins des synagogues particulières sera fixé par la réunion des Israélites qui auront demandé l'établissement de la synagogue ; il ne pourra être moindre de 1,000 F. Les Israélites des circonscriptions respectives pourront voter l'augmentation de ce traitement.

    23. Chaque consistoire proposera à l'autorité compétente un projet de répartition entre les Israélites de la circonscription, pour l'acquittement du salaire des rabbins : les autres frais du culte seront déterminés et répartis, sur la demande des consistoires, par l'autorité compétente. Le paiement des rabbins membres du consistoire central sera prélevé proportionnellement sur les sommes perçues dans les différentes circonscriptions.

    24. Chaque consistoire désignera, hors de son sein, un Israélite non rabbin, pour recevoir les sommes qui devront être perçues dans la circonscription.

    25. Ce receveur paiera par quartier les rabbins, ainsi que les autres frais du culte, sur une ordonnance signée au moins par trois membres du consistoire. Il rendra ses comptes chaque année, à jour fixe, au consistoire assemblé.

    26. Tout rabbin qui, après la mise en activité du présent règlement, ne se trouvera pas employé, et qui voudra cependant conserver son domicile en France ou dans le royaume d'Italie, sera tenu d'adhérer, par une déclaration formelle et qu'il signera, aux décisions du grand sanhédrin. Copie de cette déclaration sera envoyée, par le consistoire qui l'aura reçue, au consistoire central.

    27. Les rabbins membres du grand sanhédrin seront préférés, autant que faire se pourra, à tous autres, pour les places de grands rabbins.





2e PROJET DE DÉCRET
Pour l'exécution du Règlement délibéré dans l'Assemblée générale des Juifs.

    Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie ;
    Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur,
    Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

    Art. 1er Pour l'exécution de l'art. 1er du règlement délibéré par l'assemblée générale des Juifs, et dont l'exécution a été ordonnée par notre décret de ce jour, notre ministre des cultes nous présentera le tableau des synagogues consistoriales à établir, leur circonscription et le lieu de leur établissement.
    Il prendra préalablement l'avis du consistoire central.
    Les départements de l'Empire qui n'ont pas actuellement de population israélite, seront classés, par un tableau supplémentaire, dans les arrondissements des synagogues consistoriales, pour les cas où, des Israélites venant à s'y établir, ils auraient besoin de recourir à un consistoire.

    2. Il ne pourra être établi de synagogue particulière, suivant l'article 4 dudit règlement, que sur l'autorisation donnée par nous en Conseil d'état, sur le rapport de notre ministre des cultes, et sur le vu, 1° de l'avis de la synagogue consistoriale, 2° de l'avis du consistoire central, 3° de l'avis du préfet du département, 4° de l'état de la population israélite que comprendra la synagogue nouvelle.
    La nomination des administrateurs des synagogues particulières sera faite par le consistoire départemental, et approuvée par le consistoire central.
    Le décret d'établissement de chaque synagogue particulière en fixera la circonscription.

    3. La nomination des notables dont il est parlé à l'article 8 dudit règlement, sera faite par notre ministre de l'intérieur, sur la présentation du consistoire central et l'avis des préfets.

    4. La nomination des membres des consistoires départementaux sera présentée à notre approbation par notre ministre des cultes, sur l'avis des préfets des départements compris dans l'arrondissement de la synagogue.

    5. Les membres du consistoire central dont il est parlé à l'article 13 dudit règlement, seront nommés pour la première fois par nous, sur la présentation de notre ministre des cultes, et parmi les membres de l'assemblée générale des Juifs ou du grand sanhédrin.

    6. Le même ministre présentera à notre approbation le choix du nouveau membre du consistoire central qui sera désigné chaque année, selon les articles 15 et 16 dudit règlement.

    7. Le rôle de répartition dont il est parlé à l'art. 23 dudit règlement, sera dressé par chaque consistoire départemental, divisé en autant de parties qu'il y aura de départements dans l'arrondissement de la synagogue, soumis à l'examen du consistoire central, et rendu exécutoire par les préfets de chaque département.





3e PROJET DE DÉCRET
Sur les Fonctions de Police qui seront exercées par les Consistoires sur leurs coreligionnaires.

§. 1er
Des États de Population.

    Art. 1er Il sera dressé, dans chaque consistoire départemental, un état de tous les Israélites français, chefs de famille, domiciliés dans l'étendue de la synagogue.
    Cet état contiendra leurs noms, prénoms, âge, profession, demeure ; le nombre, âge et sexe de leurs enfants. Il en sera dressé un modèle par notre ministre de l'intérieur.

    2. Un double de cet état sera envoyé au consistoire central.

    3. Tout Israélite qui changera de domicile, sera tenu d'en faire sa déclaration au consistoire ; et son passe-port ne lui sera délivré que sur le certificat qu'il en représentera.

    4. Tout Israélite étranger qui voudra habiter ou s'établir en France, même temporairement, sera tenu, sous les peines portées aux lois de police, d'en faire sa déclaration, sans délai, au consistoire de la synagogue dans l'arrondissement de laquelle il se trouve, ou au consistoire le plus voisin, selon l'article 3 ci-dessus.

    5. Le consistoire départemental enverra, chaque trimestre, un état de ces déclarations au consistoire central et aux préfets.

§. II.
De la Police à exercer par les Consistoires.

    6. Nul Israélite ne pourra obtenir de patente pour l'exercice d'un commerce, négoce ou trafic, sans avoir obtenu, chaque année, une attestation de bonne conduite du consistoire de la synagogue dans la circonscription de laquelle il habite, selon l'article 3 du présent décret.

    7. En cas de refus, il se pourvoira près du consistoire central, qui aura le droit de la lui accorder.

    8. Les consistoires seront responsables de la délivrance de ces certificats envers le Gouvernement.

    9. Ces certificats ne seront pas nécessaires pour obtenir une patente à l'effet d'exercer un art, un métier, ou de tenir une fabrique, une manufacture, une maison de banque.

    10. Tout Israélite qui, au préjudice des articles précédents, obtiendrait frauduleusement une patente, ou ferait un commerce ou trafic quelconque sans l'avoir obtenue, sera poursuivi comme contrevenant aux lois, dénoncé par les consistoires ou les autorités locales aux tribunaux de police, condamné à quitter le territoire français ; et, en cas qu'il y soit repris, détenu comme vagabond : il sera condamné par corps aux amendes portées par les lois, et aux frais de la procédure.

    11. Les consistoires départementaux donneront connaissance au consistoire central, de toutes les contraventions qu'ils auront découvertes, et des jugements rendus contre les délinquants. Ils donneront également avis de toute inconduite ou violation des lois par des Israélites, qui pourrait motiver des mesures répressives de la police, ou la traduction devant les tribunaux.

§. III.
De la Conscription.

    12. Les consistoires donneront aux maires et aux préfets l'état des jeunes Israélites qu'ils sauront avoir atteint l'âge de la conscription et de ceux qui s'y seraient soustraits.

§. IV.
Disposition particulière.

    13. Le consistoire central présentera et notre ministre de l'intérieur désignera un membre de chaque consistoire central, pour veiller spécialement à l'accomplissement des obligations imposées aux consistoires par le présent décret, tenir la plume dans les assemblées y relatives, et suivre la correspondance en résultant.





4e PROJET DE DÉCRET
Sur le Sursis prononcé par le Décret du 30 Mai 1806.

    Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie ;

    Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur ;

    Notre Conseil d'état entendu,

    Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

    Art. 1er A compter de la publication du présent décret, le sursis prononcé par notre décret du 30 mai 1806 sera levé dans les six départements y dénommés,
    1° Pour toutes les dettes moindres de cinq cents francs en capital et intérêts ;
    2° Pour toutes celles qui ne seraient que le résultat de simples négociations de commerce, ou d'achat de meubles ou immeubles.

    2. Quant à tous autres billets, lettres de change, engagements au porteur, obligations, contrats ou jugements provenant de sommes prêtées en espèces par les Israélites desdits départements à des cultivateurs non négociants, le débiteur sera autorisé à en acquitter le montant de la manière suivante :
    Un sixième comptant,
    Et les cinq autres sixièmes, d'année en année, par sommes égales, à la fin de chaque année.

    3. Les cinq sixièmes ne porteront, pendant ce délai, qu'un intérêt de cinq pour cent par an.

    A PARIS, DE L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE.
    6 Juin 1807



    SECTION de l'intérieur.
    M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angely), Rapporteur.
    3e Rédaction.

PROJETS DE DÉCRETS
Relatifs aux Juifs.
1er PROJET DE DÉCRET.

    Art. 1er Le règlement délibéré dans l'assemblée générale des Juifs, tenue à Paris le 10 décembre 1806, sera exécuté et annexé au présent décret.

    2. Nos ministres de l'intérieur et des cultes sont chargés de l'exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des lois.

PROJET DE RÈGLEMENT

Annexé au Décret impérial du

    Les députés composant l'assemblée des Israélites convoquée par décret impérial du 30 mai ; après avoir entendu le rapport de la commission des neuf, nommée pour préparer les travaux de l'assemblée ; délibérant sur l'organisation qu'il conviendrait de donner à leurs coreligionnaires de l'Empire français et du royaume d'Italie, relativement à l'exercice de leur culte et à sa police intérieure, ont adopté unanimement le projet suivant :

    Art. 1er Il sera établi une synagogue et un consistoire israélite dans chaque département renfermant deux mille individus professant la religion de Moïse.

    2. Dans le cas où il ne se trouvera pas deux mille Israélites dans un seul département, la circonscription de la synagogue consistoriale embrassera autant de départements, de proche en proche, qu'il en faudra pour les réunir. Le siège de la synagogue sera toujours dans la ville dont la population israélite sera la plus nombreuse.

    3. Dans aucun cas il ne pourra y avoir plus d'une synagogue consistoriale par département.

    4. Aucune synagogue particulière ne sera établie, si la proposition n'en est faite par la synagogue consistoriale à l'autorité compétente ; chaque synagogue particulière sera administrée par deux notables et un rabbin, lesquels seront désignés par l'autorité compétente.

    5. Il y aura un grand rabbin par synagogue consistoriale.

    6. Les consistoires seront composés d'un grand rabbin, d'un autre rabbin, autant que faire se pourra, et de trois autres Israélites, dont deux seront choisis parmi les habitants de la ville où siégera le consistoire.   

     7. Le consistoire sera présidé par le plus âgé de ses membres, qui prendra le nom d'ancien du consistoire.

    8. Il sera désigné par l'autorité compétente, dans chaque circonscription consistoriale, des notables, au nombre de vingt-cinq, choisis parmi les plus imposés et les plus recommandables des Israélites.

    9. Ces notables procéderont à l'élection des membres du consistoire, qui devront être agréés par l'autorité compétente.

    10. Nul ne pourra être membre du consistoire, 1° s'il n'a trente ans ; 2° s'il a fait faillite, à moins qu'il ne se soit honorablement réhabilité ; 3° s'il est connu pour avoir fait l'usure.

    11. Tout Israélite qui voudra s'établir en France ou dans le royaume d'Italie, devra en donner connaissance, dans le délai de trois mois, au consistoire le plus voisin du lieu où il fixera son domicile.

    12. Les fonctions du consistoire seront, 1° de veiller à ce que les rabbins ne puissent donner, soit en public, soit en particulier, aucune instruction ou explication de la loi qui ne soit conforme aux réponses de l'assemblée converties en décisions doctrinales par le grand sanhédrin ; 2° de maintenir l'ordre dans l'intérieur des synagogues, surveiller l'administration des synagogues particulières, régler la perception et l'emploi des sommes destinées aux frais du culte mosaïque, et veiller à ce que, pour cause ou sous prétexte de religion, il ne se forme, sans une autorisation expresse, aucune assemblée de prière ; 3° d'encourager, par tous les moyens possibles, les Israélites de la circonscription consistoriale, à l'exercice des professions utiles, et de faire connaître à l'autorité ceux qui n'ont pas des moyens d'existence avoués ; 4° de donner chaque année, à l'autorité, connaissance du nombre de conscrits israélites de la circonscription.

    13. Il y aura à Paris un consistoire central, composé de trois rabbins et de deux autres Israélites.

    14. Les rabbins du consistoire central seront pris parmi les grands rabbins ; et les autres membres seront assujettis aux conditions de l'éligibilité portée en l'article 10.

    15. Chaque année, il sortira un membre du consistoire central, lequel sera toujours rééligible.

    16. Il sera pourvu à son remplacement par les membres restants. Le nouvel élu ne sera installé qu'après avoir obtenu l'agrément de l'autorité compétente.

    17. Les fonctions du consistoire central seront, 1° de correspondre avec les consistoires ; 2° de veiller dans toutes ses parties à l'exécution du présent règlement ; 3° de déférer à l'autorité compétente toutes les atteintes portées à l'exécution dudit règlement, soit par infraction, soit par inobservation ; 4° de confirmer la nomination des rabbins, et de proposer, quand il y aura lieu, à l'autorité compétente, la destitution des rabbins et des membres des consistoires.

    18. L'élection du grand rabbin se fera par les vingt-cinq notables désignés en l'article 8.

    19. Le nouvel élu ne pourra entrer en fonctions qu'après avoir été confirmé par le consistoire central.

    20. Aucun rabbin ne pourra être élu, 1° s'il n'est natif ou naturalisé Français ou Italien du royaume d'Italie ; 2° s'il ne rapporte une attestation de capacité, souscrite par trois grands rabbins Italiens s'il est Italien, et Français s'il est Français, et, à dater de 1820, s'il ne sait la langue française en France, et l'italienne dans le royaume d'Italie : celui qui joindra à la connaissance de la langue hébraïque quelque connaissance des langues grecque et latine, sera préféré, toutes choses égales d'ailleurs.

    21. Les fonctions des rabbins sont, 1° d'enseigner la religion ; 2° la doctrine renfermée dans les décisions du grand sanhédrin ; 3° de rappeler, en toute circonstance, l'obéissance aux lois, notamment et en particulier à celles relatives à la défense de la patrie, mais d'y exhorter plus spécialement encore tous les ans, à l'époque de la conscription, depuis le premier appel de l'autorité jusqu'à la complète exécution de la loi ; 4° de faire considérer aux Israélites le service militaire comme un devoir sacré, et de leur déclarer que pendant le temps où ils se consacreront à ce service, la loi les dispense des observances qui ne pourraient point se concilier avec lui ; 5° de prêcher dans les synagogues et réciter les prières qui s'y font en commun pour l'Empereur et la famille impériale ; 6° de célébrer les mariages et de déclarer les divorces, sans qu'ils puissent dans aucun cas y procéder que les parties requérantes ne leur aient bien et dûment justifié de l'acte civil de mariage ou de divorce.

    22. Le traitement des rabbins membres du consistoire central est fixé à 6,000 F ; celui des grands rabbins des synagogues consistoriales, à 3,000 F : celui des rabbins des synagogues particulières sera fixé par la réunion des Israélites qui auront demandé l'établissement de la synagogue ; il ne pourra être moindre de 1,000 F. Les Israélites des circonscriptions respectives pourront voter l'augmentation de ce traitement.

    23. Chaque consistoire proposera à l'autorité compétente un projet de répartition entre les Israélites de la circonscription, pour l'acquittement du salaire des rabbins : les autres frais du culte seront déterminés et répartis, sur la demande des consistoires, par l'autorité compétente. Le paiement des rabbins membres du consistoire central sera prélevé proportionnellement sur les sommes perçues dans les différentes circonscriptions.

    24. Chaque consistoire désignera, hors de son sein, un Israélite non rabbin, pour recevoir les sommes qui devront être perçues dans la circonscription.

25. Ce receveur paiera par quartier les rabbins, ainsi que les autres frais du culte, sur une ordonnance signée au moins par trois membres du consistoire. Il rendra ses comptes chaque année, à jour fixe, au consistoire assemblé.

    26. Tout rabbin qui, après la mise en activité du présent règlement, ne se trouvera pas employé, et qui voudra cependant conserver son domicile en France ou dans le royaume d'Italie, sera tenu d'adhérer, par une déclaration formelle et qu'il signera, aux décisions du grand sanhédrin. Copie de cette déclaration sera envoyée, par le consistoire qui l'aura reçue, au consistoire central.

    27. Les rabbins membres du grand sanhédrin seront préférés, autant que faire se pourra, à tous autres, pour les places de grands rabbins.





2e PROJET DE DÉCRET
Pour l'exécution du Règlement délibéré dans l'Assemblée générale des Juifs.

    Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie ;

    Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur,
    Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

    Art. 1er - Pour l'exécution de l'art. 1er du règlement délibéré par l'assemblée générale des Juifs, et dont l'exécution a été ordonnée par notre décret de ce jour, notre ministre des cultes nous présentera le tableau des synagogues consistoriales à établir, leur circonscription et le lieu de leur établissement.
    Il prendra préalablement l'avis du consistoire central.
    Les départements de l'Empire qui n'ont pas actuellement de population israélite, seront classés, par un tableau supplémentaire, dans les arrondissements des synagogues consistoriales, pour les cas où, des Israélites venant à s'y établir, ils auraient besoin de recourir à un consistoire.

    2. Il ne pourra être établi de synagogue particulière, suivant l'article 4 dudit règlement, que sur l'autorisation donnée par nous en Conseil d'état, sur le rapport de notre ministre des cultes, et sur le vu, 1° de l'avis de la synagogue consistoriale, 2° de l'avis du consistoire central, 3° de l'avis du préfet du département, 4° de l'état de la population israélite que comprendra la synagogue nouvelle.
    La nomination des administrateurs des synagogues particulières sera faite par le consistoire départemental, et approuvée par le consistoire central.
    Le décret d'établissement de chaque synagogue particulière en fixera la circonscription.

    3. La nomination des notables dont il est parlé à l'article 8 dudit règlement, sera faite par notre ministre de l'intérieur, sur la présentation du consistoire central et l'avis des préfets.

    4. La nomination des membres des consistoires départementaux sera présentée à notre approbation par notre ministre des cultes, sur l'avis des préfets des départements compris dans l'arrondissement de la synagogue.

    5. Les membres du consistoire central dont il est parlé à l'article 13 dudit règlement, seront nommés pour la première fois par nous, sur la présentation de notre ministre des cultes, et parmi les membres de l'assemblée générale des Juifs ou du grand sanhédrin.

    6. Le même ministre présentera à notre approbation le choix du nouveau membre du consistoire central qui sera désigné chaque année, selon les articles 15 et 16 dudit règlement.

    7. Le rôle de répartition dont il est parlé à l'art. 23 dudit règlement, sera dressé par chaque consistoire départemental, divisé en autant de parties qu'il y aura de départements dans l'arrondissement de la synagogue, soumis à l'examen du consistoire central, et rendu exécutoire par les préfets de chaque département.





3e PROJET DE DÉCRET
Sur les Fonctions de Police qui seront exercées par les Consistoires sur leurs coreligionnaires.

    Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie ;

    Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur ;
    Notre Conseil d'état entendu,

    Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

 §. 1er
Des États de population juive et des Juifs étrangers,

    Art. 1er Tout individu étranger professant la religion juive, qui voudra habiter ou s'établir en France, même temporairement, sera tenu, sous les peines portées aux lois de police, d'en faire sa déclaration au préfet du département où il voudra fixer sa résidence, et d'en obtenir de lui l'autorisation.

    2. Cette autorisation ne sera accordée que sur la représentation d'une déclaration semblable faite au consistoire de la synagogue dans l'arrondissement de laquelle l'Israélite étranger se trouvera, ou au consistoire le plus prochain, selon l'article 1er de notre décret de ce jour, et sur l'avis dudit consistoire.

    3. Les consistoires départementaux tiendront un registre de ces déclarations, et en enverront, chaque trimestre, un extrait au préfet et au consistoire central.

    4. Ils tiendront aussi un registre contenant l'état de tous les Israélites français chefs de famille domiciliés dans l'étendue de la synagogue.
    Cet état contiendra leurs noms, prénoms, âge, profession, demeure, le nombre, âge et sexe de leurs enfants.
    Il en sera dressé et envoyé un modèle par notre ministre de l'intérieur.

    5. Tout Israélite français ou étranger qui changera de domicile, sera tenu d'en faire sa déclaration au consistoire de sa synagogue.
    Son passe-port ne lui sera délivré que sur le certificat qu'il en représentera aux officiers de police.
    Il se fera inscrire, à son arrivée, au consistoire de la synagogue de son nouveau domicile.

§. II.
Des Israélites commerçants.

    6. Nul Israélite ne pourra obtenir de patente pour l'exercice d'un commerce, négoce ou trafic, sans en avoir obtenu, chaque année, la permission du préfet du département, laquelle ne sera accordée que sur une attestation de bonne conduite et de probité, délivrée par le consistoire de la synagogue dans la circonscription de laquelle il habite.

    7. Les consistoires seront responsables de la délivrance de ces certificats envers le Gouvernement.

    8. La permission sera refusée l'année suivante, même révoquée et la patente retirée dans le cours de l'année, à ceux qui ne se seraient pas conformés, dans leur conduite, aux lois de l'État et aux décisions du grand sanhédrin.

    9. Sont exceptés des dispositions ci-dessus, les banquiers, les négociants, les marchands en gros, les propriétaires ou directeurs d'établissements d'industrie, et tout individu exerçant, pour son compte, un art ou un métier quelconque.

    10. Sur le compte qui nous sera rendu de la bonne conduite des Israélites habitant une ville, un arrondissement de sous-préfecture ou un département entier, et sur l'avis du consistoire départemental, du préfet et le rapport de notre ministre de l'intérieur, les Israélites habitants desdites villes, sous-préfectures ou départements, pourront être exceptés de l'observation des dispositions des articles 6, 7, 8, 9 et 10 du présent décret.

    11. Les consistoires départementaux donneront connaissance au consistoire central, de toutes les contraventions qu'ils auront découvertes, et des jugements rendus contre les délinquants. Ils donneront également avis de toute inconduite ou violation des lois par des Israélites, qui pourrait motiver des mesures répressives de la police, ou la traduction devant les tribunaux.

§. III.
De la Conscription.

    12. Les consistoires donneront aux maires et aux préfets l'état des jeunes Israélites qu'ils sauront avoir atteint l'âge de la conscription et de ceux qui s'y seraient soustraits.

§. IV.
Disposition particulière.

    13. Le consistoire central présentera et notre ministre de l'intérieur désignera un membre de chaque consistoire départemental, pour veiller spécialement à l'accomplissement des obligations imposées aux consistoires par le présent décret, tenir la plume dans les assemblées y relatives, et suivre la correspondance en résultant.

Rédaction des Articles du 4e Projet de Décret sur les Juifs,
contenant les Mesures extraordinaires à prendre dans certains cas par un Décret spécial.

    Article 1er Dans les villes, arrondissements de sous-préfecture ou départements où les dispositions des lois de l'État, des règlements d'administration publique, et les décisions du grand sanhédrin, ne seraient pas respectées par les Israélites, il nous en sera rendu compte ; et par un décret rendu en notre Conseil d'état, sur le rapport de notre ministre de l'intérieur, qui prendra l'avis du préfet du consistoire départemental et du consistoire central, lesdits Israélites, habitants de la ville, de la sous-préfecture ou du département, seront soumis à l'observation des dispositions du présent décret.

    2. Toute obligation pour prêt fait par des Juifs à des mineurs sans l'autorisation de leurs tuteurs, à des femmes sans l'autorisation de leur mari, à des militaires sans l'autorisation de leur capitaine si c'est un soldat ou sous-officier, du chef du corps si c'est un officier, sera nulle de plein droit, sans que les porteurs ou cessionnaires puissent s'en prévaloir, et nos tribunaux autoriser aucune action ou poursuite.

    3. Aucun Israélite ne pourra exiger le paiement d'une lettre de change ou billet à ordre souscrit par un de nos sujets non commerçant, sans prouver, s'il en est requis, qu'il en a fourni la valeur entière et sans fraude.

    4. Nul Israélite ne pourra prêter sur nantissement, qu'autant qu'il en sera dressé acte par un notaire, qui certifiera dans l'acte que les espèces ont été comptées en sa présence et celle des témoins, à peine de perdre tout droit sur les gages, dont nos tribunaux et cours ordonneront la restitution gratuite.

    5. Ils ne pourront, sous les mêmes peines, recevoir en gage les instruments, ustensiles et outils, vêtements des ouvriers, journaliers ou domestiques.

    Nota. Quand la discussion sera continuée sur le projet d'union, on rédigera les autres articles.

    L'application des dispositions ci-dessus, lorsqu'elle aura été faite, ne cessera qu'en vertu d'un décret rendu avec les mêmes formalités que celui qui l'aura ordonnée.

    Notre grand-juge ministre de la justice, nos ministres de l'intérieur et de la police, sont chargés de l'exécution du présent décret.

A PARIS, DE L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE.
9 Juin 1807



    Section de l'intérieur.
    M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angely), Rapporteur.
    4e Rédaction.

PROJETS DE DÉCRETS
Relatifs aux Juifs.

    Rédaction du 3e Projet de Décret sur les Fonctions de Police qui seront exercées par les Consistoires sur leurs Coreligionnaires.
    Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie ;

    Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur ;
    Notre Conseil d'état entendu,

    Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

§. 1er

Des États de population juive et des Juifs étrangers.

    Art. 1er Indépendamment de l'observation des lois et règlements de police, tout individu étranger professant la religion juive, qui voudra habiter ou s'établir en France, même temporairement, ne pourra en obtenir la permission des autorités compétentes que sur la représentation d'une déclaration faite au consistoire de la synagogue dans l'arrondissement de laquelle l'Israélite étranger se trouvera, ou au consistoire le plus prochain, selon l'article 1er de notre décret de ce jour, et après que le préfet du département aura pris l'avis du consistoire.

    2. Les consistoires départementaux tiendront un registre de ces déclarations, et en enverront, chaque trimestre, un extrait au préfet et au consistoire central.

    3. Ils tiendront aussi un registre contenant l'état de tous les Israélites français chefs de famille domiciliés dans l'étendue de la synagogue.

    Cet état énoncera leurs noms de famille, prénoms, âge, profession, demeure, le nombre, âge et sexe de leurs enfants.

    Il en sera dressé et envoyé un modèle par notre ministre de l'intérieur.

    4. Tout Israélite français ou étranger qui changera de domicile, sera tenu d'en faire sa déclaration au consistoire de sa synagogue.

    Son passeport ne lui sera délivré que sur le certificat qu'il en représentera aux officiers de police.

    Il se fera inscrire, à son arrivée, au consistoire de la synagogue de son nouveau domicile.

§. II.
Des Israélites commerçants.

    5. Nul Israélite ne pourra obtenir de patente pour l'exercice d'un commerce, négoce ou trafic, sans en avoir reçu, chaque année, la permission du préfet du département, laquelle ne sera accordée qu'après des informations prises sur sa conduite et sa probité, près du consistoire de la synagogue dans la circonscription de laquelle il habite.

    6. La permission sera refusée l'année suivante, même révoquée et la patente retirée dans le cours de l'année, à ceux qui auraient donné lieu à des plaintes jugées fondées par le préfet, sur l'avis du consistoire.

    7. Sont exceptés des dispositions de l'art. 5, les banquiers, les négociants, les marchands en gros, les propriétaires ou directeurs d'établissements d'industrie, et tout individu exerçant, pour son compte, un art ou un métier quelconque, ou tenant une exploitation d'agriculture.

    8. Les Juifs qui exerceront une profession de commerce, seront tenus de se conformer aux dispositions des lois relatives aux livres de commerce, et de faire leurs écritures en français, ou dans la langue en usage dans le canton de leur domicile ou résidence, sous toutes peines de droit.

9. Les consistoires départementaux donneront connaissance au consistoire central, de toutes les contraventions aux lois et règlements commises par les Juifs, et des jugements rendus contre les délinquants. Ils donneront également avis au consistoire central et aux autorités locales, de toute inconduite ou violation des lois par des Israélites, qui pourrait motiver des mesures répressives de la police, ou la traduction devant les tribunaux.

§. III.
De la Conscription.

    10. Les consistoires donneront aux maires et aux préfets l'état des jeunes Israélites qui auront atteint l'âge de la conscription et de ceux qui s'y seraient soustraits.

§. IV.
Disposition particulière.

    11. Le consistoire central présentera et notre ministre de l'intérieur désignera un membre de chaque consistoire départemental, pour veiller spécialement à l'accomplissement des obligations imposées aux consistoires par le présent décret, tenir la plume dans les assemblées y relatives, et, suivre la correspondance en résultant.

Rédaction du 4e Projet de Décret sur les Juifs,
contenant les Mesures extraordinaires à prendre dans certains cas par un Décret spécial.

    Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie ;
    Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur ;

    Considérant que nous avons cherché tous les moyens de rendre les individus professant la religion juive dignes de la haute protection que nous voulons leur accorder ;
    Que cependant, dans quelques départements de notre Empire, ils ont précédemment donné lieu à des plaintes de la part de nos autres sujets, et qu'il est nécessaire de prendre des moyens pour atteindre ceux qui pourraient se mal conduire, en laissant sous l'empire des lois générales ceux qui ne donnent lieu à aucune plainte,

    Nous avons décrété et décrétons :

    Art. 1er Quand il y aura des plaintes graves contre la conduite des Israélites d'une ville, d'un arrondissement ou d'un département, il nous en sera rendu compte ; et par un décret rendu en notre Conseil d'état, sur le rapport de notre ministre de l'intérieur, qui prendra l'avis du préfet, du consistoire départemental et du consistoire central, lesdits Israélites, habitants de la ville, de la sous-préfecture ou du département, seront soumis aux dispositions du présent décret.

    2. Tout engagement pour prêt fait par des Juifs à des mineurs sans l'autorisation de leur tuteur, à des femmes sans l'autorisation de leur mari, à des militaires sans l'autorisation de leur capitaine si c'est un soldat ou sous-officier, du chef du corps si c'est un officier, sera nul de plein droit, sans que les porteurs ou cessionnaires puissent s'en prévaloir, et nos tribunaux autoriser aucune action ou poursuite.

    3. Aucune lettre de change, aucun billet à ordre, aucune obligation ou promesse, souscrits par un de nos sujets non commerçant, au profit d'un Israélite, ne pourra être exigé sans que le porteur prouve, s'il en est requis, que la valeur en a été fournie entière et sans fraude.

    4. Nul Israélite ne pourra prêter sur nantissement à des domestiques ou gens à gages ; et il ne pourra prêter à d'autres personnes, qu'autant qu'il en sera dressé acte par un notaire, lequel certifiera dans l'acte que les espèces ont été comptées en sa présence et celle des témoins, à peine de perdre tout droit sur les gages, dont nos tribunaux et cours pourront, en ce cas, ordonner la restitution gratuite.

    5. Les Israélites ne pourront, sous les mêmes peines, recevoir en gage les instruments, ustensiles et outils, vêtements des ouvriers, journaliers ou domestiques.

    6. L'application des dispositions ci-dessus, lorsqu'elle aura été faite conformément à l'article 1er du présent décret, ne cessera qu'en vertu d'un autre décret rendu avec les mêmes formalités que celui qui l'aura ordonnée.

    7. Notre grand-juge ministre de la justice, nos ministres de l'intérieur et de la police, sont chargés de l'exécution du présent décret.



Projet de Rédaction de l'Avis du Conseil d'état adopté le 9 Juin.

    Le Conseil d'État, vu les articles 12, 13, 14, 15 et 16 du projet de décret présenté par le ministre de l'intérieur, touchant les créances hypothécaires des Juifs, et conçus en ces termes :

    Art. 12. Pendant le cours de dix années après la publication du présent décret, tout Juif non propriétaire de biens-fonds ne pourra être admis à prendre, sur aucune propriété, des inscriptions hypothécaires, dans toute l'étendue de notre Empire.

    13. Tout Juif propriétaire ne pourra, pendant le même intervalle, prendre hypothèque sur les propriétés d'un de nos sujets, que pour une somme égale à la valeur des biens-fonds dont il sera lui-même reconnu propriétaire.

    14. Les prêts faits à des fermiers ne pourront, dans aucun cas, être hypothéqués que sur les récoltes pendantes, sans préjudice des droits du propriétaire.

    15. A cet effet, nos conservateurs des hypothèques ne recevront des demandes en inscription hypothécaire, formées par des individus professant la religion juive, qu'après s'être fait représenter les titres qui établissent la propriété de ces individus, et avoir vérifié la quotité de la contribution foncière qu'ils acquittent.

    16. Aucun représentant, héritier ou cessionnaire d'un Juif ne sera admis à arguer d'ignorance ou de bonne foi, lorsque le titre dont il sera porteur ne sera pas revêtu des formalités prescrites par les dispositions précédentes.

    Considérant,
    Que les dispositions d'un décret adopté par le Conseil, et qui peut être appliqué quand Sa Majesté le jugera convenable, déclarent nulles de droit toutes obligations souscrites par des mineurs, des femmes mariées ou des militaires ; qu'elles ne permettent d'action contre des individus non commerçants, pour lettres de change, billets à ordre, obligations ou promesses, qu'à la charge de prouver que la valeur a été fournie entière et sans fraude ;
    Que ces dispositions suffisent pour mettre les cultivateurs et propriétaires à l'abri de toutes les manœuvres qu'on aurait pu pratiquer contre eux précédemment ;
    Que les dettes pour lesquelles les Juifs obtiendraient des condamnations, d'après les mesures ci-dessus énoncées, seraient légitimes ;
    Qu'il ne serait pas juste, en ce cas, de leur interdire les actes conservatoires, tels que l'inscription hypothécaire ;
    Que la leur interdire, ce serait seulement leur enlever le rang parmi les créanciers de leurs débiteurs, sans atténuer ni détruire leurs droits sur les propriétés mobilières et immobilières de ces mêmes débiteurs ;
    Que ne pouvant pas conserver leur rang et assurer leur créance par une inscription, ils auraient la faculté de faire exproprier leur débiteur, et qu'ils seraient forcés d'user de ce droit bien plus rigoureux, à raison même de l'interdiction du droit d'inscription hypothécaire ;
    Que quand cette interdiction serait juste à l'égard du créancier, et utile à l'égard du débiteur, elle serait impossible dans la pratique, parce que les moyens de justifier, de la part des Juifs, de leur propriété et de sa valeur comparée à la quotité de leur créance, ne peuvent résulter d'aucune loi existante ; que les conservateurs des hypothèques ne peuvent être établis juges en ce cas, comme le propose le ministre, attendu qu'ils n'ont aucun caractère pour prononcer sur des questions de propriété réservées aux tribunaux, aucune base d'évaluation légale des biens, aucune forme de vérification contradictoire ;
    Que quand ces obstacles n'existeraient pas, le même bien possédé par un Juif lui servirait de moyen d'inscription dans tous les bureaux des hypothèques, où l'on ne pourrait vérifier si le titre de propriété a servi ou non à asseoir une inscription dans un autre bureau ;
    Que l'article 14 ne se réfère à aucune disposition de loi existante, puisque les récoltes pendantes ne sont pas susceptibles d'être hypothéquées, si ce n'est cumulativement avec le fonds, et qu'elles peuvent seulement être soumises à la saisie-brandon, selon le Code de procédure, art. 626,

    Est d'avis,
    Qu'il n'y a lieu à délibérer sur les articles ci-dessus transcrits, proposés par le ministre de l'intérieur.



Rédaction du 5e Projet de Décret sur celui du 30 Mai 1806.

    Art. 1er A compter de la publication du présent décret, le sursis prononcé par notre décret du 30 mai 1806, pour le paiement des créances des Juifs, sera levé.

    2. Lesdites créances ne seront néanmoins exigibles qu'avec les délais portés à l'article suivant, et selon leur quotité.

    3. Les créances au-dessous de 500 F seront exigibles dans six mois, à compter de la publication du présent décret ;
    Celles au-dessus de 500 F jusqu'à 1000 F, dans un an ;
    Celles de 1000 à 2000 F, en deux ans et par moitié ;
    Celles de 2 à 3000 F, en trois ans et par tiers ;
    Celles de 3 à 4000, en quatre ans et par quart ;
    Celles de 4000 F et au-dessus, en six ans et par sixième ;
    Le tout avec intérêt à cinq pour cent, jusqu'au paiement.

    4. Seront exigibles aux époques portées aux engagements, 1° les sommes dues pour vente d'immeubles, en vertu d'actes authentiques, non attaqués pour cause de fraude ou dol ; 2° les dettes pour engagements de commerce et entre commerçants seulement.

    A PARIS, DE L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE.
    13 Juin 1807



    SECTION de législation.
    M. le Comte Treilhard, Rapporteur.
    1ère Rédaction.

    PROJET D'AVIS

    Tendant à interpréter l'article 4 du Décret du 17 Mars 1808, concernant les Obligations souscrites par un Français non commerçant au profit d'un Juif.
    Le Conseil d'état, qui, d'après le renvoi à lui fait par sa Majesté impériale et royale, a entendu le rapport de la Section de législation sur celui du grand-juge ministre de la justice, ayant pour objet de faire décider,

    1° Si l'article 4 du décret impérial du 17 mars 1808, portant qu'aucune lettre de change, aucun billet à ordre, aucune obligation ou promesse, souscrit par un citoyen non commerçant au profit d'un juif, ne pourra être exigé sans que le porteur prouve que la valeur en a été fournie entière et sans fraude, ne s'applique qu'aux obligations sous seing privé, ou comprend aussi dans ses expressions les obligations notariées ;
    2° Si les débiteurs chrétiens peuvent demander l'annulation des titres qu'ils ont souscrits au profit de créanciers juifs, avant que ceux-ci aient fait aucune poursuite ;
    3° Si les juifs qui ont obtenu, antérieurement au décret impérial du 17 mars, des jugements de condamnation pour des billets ou promesses, sont tenus de prouver qu'ils avaient réellement fourni la valeur de ces obligations avant de pouvoir faire exécuter le jugement ;
    4° Si les juges de paix peuvent, lorsqu'il s'agit de sommes qui n'excèdent pas leur compétence, accorder les mêmes délais que les tribunaux pour le paiement des créances légitimes :

    Vu le décret impérial du 17 mars 1808 ;
    Les réclamations adressées par les membres du consistoire central des Israélites au grand-juge ministre de la justice,
    Est d'avis,

    Sur la première question, que les dispositions de l'article 4 du décret du 17 mars 1808 s'appliquent aux obligations ou engagements faits par-devant notaires, ainsi qu'à ceux faits sous seing privé ; que cependant on doit distinguer parmi les actes notariés, ceux contenant simplement obligation ou reconnaissance de dette, et ceux où il est fait mention de numération d'espèces en présence du notaire et des témoins ; que dans le premier cas, l'acte notarié ne fait pas plus de foi qu'un acte sous seing privé, parce qu'il n'existe sur le fait du paiement que la simple déclaration de la partie, à laquelle la présence du notaire n'ajoute aucun poids : mais que lorsque l'acte porte numération d'espèces en présence des notaires, il énonce alors un fait particulier qui est lui-même la preuve que la valeur de l'obligation a été fournie ; que par conséquent, le porteur d'un pareil titre ne peut être assujetti à aucune autre preuve, et le débiteur ne peut attaquer cet acte que par les voies ordinaires, l'inscription de faux ;

    Sur la deuxième question, que les débiteurs peuvent citer leurs créanciers juifs pour obtenir la remise de leurs obligations sous seing privé, ou l'annulation des actes notariés, compris dans les dispositions de l'article 4 du décret du 17 mars, sans attendre que les créanciers exigent leur paiement, parce que le débiteur a intérêt à ne pas rester exposé à des poursuites, ou à ne pas laisser périr les preuves de la fraude dont il a été victime, sauf aux tribunaux à décider par quelle partie seront supportés les frais, ou s'ils seront compensés ;

    Sur la troisième question, que la légitimité d'une créance ayant été une fois reconnue par un jugement on ne peut la mettre de nouveau en discussion ; que le décret impérial du 17 mars ne permet pas aux tribunaux de réviser leurs jugements ; qu'ainsi tout ce qui a acquis la force de la chose jugée est irrévocable et doit être maintenu ;

    Sur la quatrième question, que l'article 6 du décret impérial du 17 mars, permettant aux tribunaux, sans aucune exception, d'accorder aux débiteurs de créances légitimes, des délais conformes à l'équité, les juges de paix se trouvent compris dans cette disposition générale, lorsqu'il ne s'agit pas de sommes excédant leur compétence.

A PARIS, DE L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE.
2/04/1808



    SECTION de l'intérieur et de législation.
    M. Beugnot. Rapporteur.
    1ère Rédaction.

RAPPORT ET PROJET DE DÉCRET
Tendant à obliger les Juifs à adopter des Noms et Prénoms fixes.
RAPPORT.

    Les Juifs connus sous la dénomination de Juifs allemands, n'ont aucun nom patronymique ou de famille.
    Un petit nombre de noms puisés dans leurs livres sacrés, sert indifféremment à tous les individus. Ils y ajoutent seulement, ou plutôt la nécessité de les distinguer fait qu'on y ajoute pour eux, les noms des villes qu'ils habitent. Mais lorsqu'ils changent de domicile, cette sorte de surnom se trouve en défaut, et de là naît un premier sujet de méprises. Ensuite, les Juifs ont toute facilité de changer et changent en effet de noms, dès qu'un intérêt quelconque les y sollicite ; et l'on conçoit combien est commode cette métamorphose pour échapper à-la-fois et aux charges publiques, et à l'accomplissement des obligations privées.

    Le ministre propose d'assujettir chaque Juif à adopter un nom, par une déclaration solennelle passée devant le maire de la commune où il est domicilié.
    La nécessité de cette mesure, pour l'ordre public, est évidente ; son utilité pour les Juifs ne l'est pas moins.
    Aussi les individus les plus distingués de cette croyance, répandus en Allemagne, ont-ils déjà sollicité et obtenu un pareil règlement dans quelques États de la Confédération du Rhin.
    Mais, en France, l'ancienne législation ne présente aucune disposition précise d'où le règlement puisse dériver.
    Les Français, sous les deux premières dynasties, ne portaient qu'un nom, comme avaient fait, au reste, tous les peuples anciens, les Romains exceptés. Cet usage, qui causait dès-lors une étrange confusion, nous a fait perdre la trace des filiations pendant cette première époque. Sous la troisième dynastie, la succession introduite dans les seigneuries fit ajouter les noms de terres aux noms propres. Ceux qui ne possédaient pas de terres, essayèrent de partager le bienfait de cette innovation ; ils prirent des surnoms tirés de leurs dignités, de leurs professions, de leurs habitudes, de leurs qualités personnelles, jusqu'à ce que l'usage, assez moderne, de donner des prénoms au baptême, soit venu fixer à-la-fois,, et d'une manière excellente, la succession de la famille et la distinction des individus.
    L'usage des prénoms donnés au baptême devint bientôt général ; dès-lors le surnom tiré de la terre devint moins utile ; il parut même dangereux : aussi l'ordonnance de 1629, article 211, prescrit-elle à tout gentilhomme de prendre le nom de sa famille, et non celui de sa seigneurie, en tous actes et contrats, à peine de nullité.
    La loi du 23 juin 1790, et dont on a tant parlé, celle du 6 fructidor an 2, qui parut si sévère, ne faisaient que renouveler les dispositions de l'ordonnance de 1629 : elles n'allaient pas même si loin, puisqu'elles ne prononcent point, comme celle-ci, la nullité des actes.
    La loi du 11 germinal an 11 suppose que chaque Français doit avoir un nom et un prénom, puisqu'elle désigne ceux qui peuvent être pris, et statue sur la manière légale d'en changer au besoin.
    Enfin, lorsque le Code Napoléon, article 54, prescrit d'énoncer dans les actes de l'état civil les prénoms et noms de ceux qui s'y trouveront dénommés, il suppose encore que chacun d'eux est tenu d'avoir un prénom et un nom.
    Toutes nos lois ont donc admis cette supposition, qui est certainement justifiée par le fait. Cependant le fait est la conséquence d'un simple usage, mais d'un usage ancien, et si utile et si général, que s'il n'a pas la solennité de la loi, il en a toute la force. C'est ici communis sponsio civitatis, et il est hors de doute qu'on peut, par un simple décret, obliger les étrangers à s'y conformer : et ceci est d'autant plus vrai, à l'égard des Juifs allemands, que par la disposition générale du troisième décret du 17 mars dernier, ils sont pendant dix ans soumis à une sorte d'épreuve que le Gouvernement ne peut exercer à leur égard que par des actes réglementaires et d'administration.

    Examinons maintenant si le décret proposé par le ministre remplit l'objet qu'il s'en propose.

    Par l'article 1er, les Juifs sont assujettis à prendre seulement un nom patronymique ; mais il en résultera toujours pour les pères et les enfants, et pour les enfants entre eux, une confusion telle que le décret n'aurait encore paré qu'à une partie du mal. Si cet usage de n'avoir qu'un nom a pu subsister assez long-temps au milieu de nous, c'est qu'alors les transactions sociales étaient peu compliquées ; qu'un petit nombre de familles relevaient d'elles-mêmes, et presque toutes des seigneuries.
    La constitution actuelle de la société exige davantage.
    Il faut que les Juifs suivent ici l'usage commun, qu'ils prennent un nom propre caractéristique de la famille, commun à tous ceux qui descendent et qui descendront par la suite du même père ; mais que chacun des individus se distingue en particulier par un prénom.
    L'article 3 du projet du ministre interdit avec raison aux Juifs de prendre pour noms patronymiques ceux qui sont tirés de leurs livres sacrés et des noms de ville.
    Les premiers sont peu nombreux ; et comme ils ne manqueraient pas d'être exclusivement adoptés par tous les Juifs, la confusion dont on se plaint subsisterait toujours. A l'égard des noms de ville, le même inconvénient se rencontre ; et, d'ailleurs, le nom tiré d'une ville semble indiquer le domicile ou la seigneurie, et ne plus convenir quand l'une ou l'autre de ces considérations cesse.
    Mais toute disposition impérative a besoin d'une sanction, et le décret proposé ne prononce aucune peine contre les Juifs qui auraient négligé ou refusé de prendre un nom dans le délai prescrit.
    Pour trouver la mesure de cette peine, il faut remonter à cet ancien usage, devenu loi commune, qui oblige chaque Français à avoir un nom et un prénom également fixes, et se rappeler que la législation suppose constamment l'accomplissement de cette obligation. Celui donc qui refuserait de la remplir, ne peut pas trouver sa place au milieu de la société ; car, à la faveur de ses métamorphoses, il échapperait à l'action de la loi.
    Et de là dérive la nécessité et par conséquent le droit d'exclure de la société celui qui n'a pas le signe commun auquel la loi reconnaît l'individu, le protège ou le punit. Ce droit, on le répète, est applicable sur-tout aux Juifs allemands, et n'est que le complément des efforts que fait la législation, pour remonter ces Juifs à la dignité qui signale les autres citoyens de l'Empire.
    Mais, après s'être soumis à la loi commune pour la forme, n'est-il pas à craindre que les Juifs, à qui on a si souvent reproché de l'endurcissement, ne cèdent encore à cette vieille habitude de changer de nom, en sorte qu'on se trouve souvent embarrassé entre le nom qu'ils porteraient et celui qu'ils devraient porter ?
    La loi du 11 germinal an 11 n'a rien statué sur les changements de noms ou de prénoms que les individus se permettraient arbitrairement, et sans recourir, soit à l'autorité des tribunaux, soit à celle du Gouvernement.
    L'ancienne jurisprudence n'avait prévu sur cette matière que l'usurpation des noms et des armes des grandes familles.
    Mais le Tribunal de cassation, par un arrêt du 18 ventôse an 12, a décidé que l'action de stipuler dans un acte sous un autre nom que le sien, était un faux, et comme tel de la compétence des tribunaux spéciaux.
    En effet, se présenter pour un acte public, quel qu'il soit, ou contracter une obligation privée sous un autre nom que le sien, c'est attaquer l'acte dans sa substance, c'est en altérer la matière, et conséquemment commettre un crime de faux.
    Cette jurisprudence de la Cour de cassation mérite d'être adoptée ; et le décret proposé trouvera son entière sanction dans la disposition qui appliquera la peine portée contre les faussaires à tout Juif qui, après avoir pris un nom et un prénom, se présentera pour un acte public ou contractera une obligation privée sous des noms différents.
    L'ensemble de ces dispositions paraît propre à seconder la prévoyance du Gouvernement.
    Toutes elles sont favorables aux Juifs. C'est les avancer vers la régénération que de leur inspirer cet esprit de famille qui s'enrichit du passé ; profite du présent, et s'empare en quelque sorte de l'avenir, que de leur faire partager cette belle institution des noms, qui inspire à des hommes périssables l'idée d'une chose qui leur est personnelle et qui ne doit pas périr avec eux.

    La Section propose, en conséquence, le projet de décret suivant.

PROJET DE DÉCRET.

    Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie, et Protecteur de la Confédération du Rhin ;

    Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur ;
    Notre Conseil d'état entendu,

    Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

    Art. 1er Ceux des sujets de notre Empire qui suivent le culte hébraïque, et qui, jusqu'à présent, n'ont pas eu de nom patronymique ou de prénom fixe, seront tenus d'en adopter dans les trois mois de la publication de notre présent décret, et d'en faire la déclaration par-devant la mairie de la commune où ils sont domiciliés.

    2. Les Juifs étrangers qui viendraient habiter dans l'Empire, et qui seraient dans le cas prévu par l'article 1er, seront tenus de remplir la même formalité dans les trois mois qui suivront leur entrée en France.

    3. Ne seront point admis comme noms patronymiques, aucun nom tiré de l'Ancien Testament, ni aucun nom de ville. Néanmoins les noms tirés de l'Ancien Testament, comme ceux des personnages de l'histoire ancienne, pourront être reçus comme prénoms.

    4. Les consistoires, en faisant le relevé des Juifs de leur communauté, seront tenus de vérifier et de faire connaître à l'autorité, s'ils ont individuellement rempli les conditions prescrites par les articles précédents.
    Ils seront également tenus de surveiller et de faire connaître à l'autorité ceux des Juifs de leur communauté qui auraient changé de nom sans s'être conformés aux dispositions de la loi du 11 germinal an 11.

    5. Seront exceptés des dispositions de notre présent décret, les Juifs de nos États, ou les Juifs étrangers qui viendraient s'y établir, lorsqu'ils auront des noms et prénoms connus dans le commerce, et qu'ils ont constamment portés, encore que lesdits noms et prénoms soient tires de l'Ancien Testament ou des villes qu'ils ont habitées.

    6. Les Juifs mentionnés à l'article précédent, et qui voudront conserver leurs noms et prénoms, seront néanmoins tenus d'en faire la déclaration ; savoir : les Juifs de nos États, par-devant la mairie de la commune où ils sont domiciliés ; et les Juifs étrangers, par-devant celle où ils se proposeront de fixer leur domicile ; le tout dans le délai porté en l'article 1er

    7. Les Juifs qui n'auraient pas rempli les formalités prescrites par le présent décret, et dans les délais y portés, seront renvoyés du territoire de l'Empire : à l'égard de ceux qui, dans quelque acte public ou quelques obligations privées, auraient changé de nom arbitrairement et sans s'être conformés aux dispositions de la loi du 11 germinal, ils seront poursuivis comme faussaires.

    8. Notre grand-juge ministre de la justice, et nos ministres de l'intérieur et des cultes, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.

    A PARIS, DE L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE.
    23 Juin 1808



    SECTION de l'intérieur.
    M. le Comte R. de Saint-Jean-d'Angely, Rapporteur.


RAPPORT ET PROJET DE DÉCRET
Tendant à prononcer en faveur des Juifs de plusieurs départements, l'Exception portée par l'article 19 du Décret du 6 mars 1808.
RAPPORT DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR.

    Sire,

    Votre décret du 17 mars 1808, concernant les Juifs, porte que tout engagement pour prêt, fait par des Juifs à des mineurs, sans l'autorisation de leurs tuteurs, sera nul de plein droit ; qu'aucune lettre de change au profit d'un Juif ne pourra être exigée sans la preuve que la valeur en a été fournie entière et sans fraude ; que toute créance dont le capital sera aggravé par la cumulation d'intérêts à plus de cinq pour cent sera atténuée.
    Il assujettit les Juifs qui voudront exercer le commerce, à recevoir une patente du préfet de leur département, et indique les conditions et les témoignages divers que doit réunir chacun des Israélites qui veut obtenir cette patente, sans laquelle tous les actes de commerce exercés par lui sont frappés de nullité.
    Il interdit à la population juive de tous les départements de l'Empire, la faculté des remplacements pour la conscription.
    L'article 18 de ce même décret ordonne qu'il sera exécuté pendant dix ans seulement, dans l'espoir qu'à l'expiration de ce délai il n'y aura plus aucune différence entre les Juifs et les autres citoyens de l'Empire.
    Si votre Majesté ne s'était proposé que de mettre un terme aux usures exercées par les Israélites dans un certain nombre de départements, on pourrait dire que ses intentions sont presque généralement remplies : les poursuites en expropriations forcées se sont considérablement ralenties ; des arrangements à l'amiable ont été pris entre le débiteur et le créancier ; une crainte salutaire sert de frein à la cupidité de ceux des juifs que les exhortations du grand sanhédrin et le rappel aux principes de la morale n'auraient pas suffisamment retenus.
    Mais votre Majesté a porté ses regards plus loin : elle ne s'est pas, comme l'indique textuellement le décret, bornée à rechercher et à atteindre des actes particuliers ; elle a voulu remonter aux causes : elle a pensé avec raison qu'il fallait améliorer l'esprit des Juifs, perfectionner leurs mœurs ; leur faire contracter des habitudes communes au reste des Français ; les amener par-là au même degré de civilisation, et les fondre dans la masse en faisant disparaître, sinon les nuances, ce qui est bien difficile, du moins les différences les plus tranchantes.
    En attendant, votre Majesté a pensé dans sa sagesse que partout où cette heureuse révolution se trouverait déjà opérée, les moyens de l'amener ne devaient pas être employés ; que ce serait décourager les bons sans aucun avantage pour les autres ; qu'il valait mieux au contraire, présenter à ces derniers des exemples à suivre et des exceptions à envier.
    Il était d'autant plus naturel d'incliner à ce parti, qu'il est reconnu en général que l'état des Juifs est dû presque autant à l'asservissement dans lequel presque tous les gouvernements les ont tenus, qu'aux pratiques particulières à l'aide desquelles leur profond législateur en a fait un peuple, pour ainsi dire, à part du reste du genre humain. Cette réflexion conduit à les gouverner par la loi commune, toutes les fois que des circonstances extraordinaires ne font pas une nécessité d'en agir autrement.
    Ainsi le décret même du 17 mars contient une honorable exception en faveur des Juifs des départements de la Gironde et des Landes, qui ne sont soumis à aucune de ses dispositions bientôt après, ceux de la Seine ont obtenu la même faveur ; et votre Majesté, dans l'un de ses voyages en Espagne, l'a étendue, par un décret du 22 juillet 1808, aux Israélites des Basses-Pyrénées.
    J'avais reçu, aussitôt la promulgation du décret du 17 mars, des représentations de plusieurs autres départements et des demandes en exception.
    J'ai cru, avant d'en entretenir votre Majesté, devoir prendre des informations sur la situation morale des pétitionnaires.
    J'ai voulu savoir quelle était la population des Juifs dans chacun des départements qui réclamaient, quelle était sur cette population la proportion des propriétaires, celle des manufacturiers ou négociants, celle des agriculteurs, celle des citoyens exerçant une profession honnête, un art utile ; le nombre des conscrits servant ou ayant servi en personne ou par remplaçant, le nombre des enrôlés volontaires, le nombre des enfants envoyés aux écoles publiques.
    J'ai exigé des administrations municipales, et des cours et tribunaux, des déclarations sur le fait de l'usure, sur les plaintes et les procédures qui auraient pu être élevées en matière de police et en matière civile et criminelle.
    Cette instruction étendue était déjà assez avancée le 21 septembre 1808, pour permettre d'en mettre des résultats importants sous les yeux de votre Majesté.
    L'objet du ministre était alors principalement de consulter sur une question qui l'arrêtait dans sa marche. Il s'agissait de savoir si l'on ne proposerait des exceptions que par département, ou si l'on pourrait distinguer par arrondissements, par villes ou communes, enfin descendre jusqu'aux individus, lorsque les masses n'offriraient pas de motifs de faveur.
    Je ne me dissimulais pas que c'était me jeter dans un travail immense, mais je n'en étais que médiocrement effrayé, et je voyais dans la mesure des divisions un acte de justice, au moyen duquel chacun recevait le traitement qu'il avait pu mériter. Je regardais cette manière de procéder comme une sorte de nécessité vis-à-vis de quelques particuliers exerçant des fonctions publiques, ou qui, dirigeant des ateliers et des manufactures dans lesquelles ils emploient des chrétiens, éprouvent le besoin d'une considération incompatible avec la sorte de réprobation dont les Juifs sont frappés par le décret du 17 mars.
    Il y avait cependant des arguments d'un grand poids en faveur de l'opinion contraire, puisque procéder autrement que par masse, c'était introduire dans les cours et tribunaux de chaque département et de chaque arrondissement, une règle de jugement variable suivant les territoires, et même quelquefois suivant les personnes ; mais sur-tout en exceptant dans un département un certain nombre d'individus distingués par leurs mœurs, leur industrie, leur fortune, on les rendait indifférents sur le sort des autres Juifs, et on se privait des effets que l'on doit attendre de leurs exemples, de leurs conseils, de leurs efforts de toute espèce, pour amener parmi leurs coreligionnaires la révolution que tout doit faire désirer.

    Votre Majesté parut tenir à cette dernière opinion ; elle est la règle de mon travail.

    Il me reste à en consigner ici les résultats.




Départements

Population juive

J'ai vérifié qu'il existe des Juifs dans soixante-cinq départements (1) de l'Empire, et qu'ils y sont au nombre de soixante-seize mille environ (état n° 1), ci



65

76 000


 Dép.

 Popul



Sur les quatre départements qui bordent le Rhin, celui du Mont-Tonnerre seul a reclamé l'exception, et, au premier coup-d'œil, il n'en a pas paru susceptible en raison des faits qui pèsent sur quelques arrondissements ; ci, comme devant rester soumis au décret

4

41 255



Trente-deux autres n'ont élevé aucune réclamation et l'on n'a encore aucune opinion sur les droits qu'ils peuvent avoir à l'exception.

32

3 859



Cinq départements qui réclament ont paru devoir être ajournés (Voyez état n° 2)

5

5 885



Cinq sont en ce moment l'objet de recherches que j'avais fait interrompre pendant quelque temps

5

11 395






46

62 394



Reste

19

13 606

Départements exceptés par votre Majesté directement

4

6 189



Départements dont l'exception est proposée en ce moment par le ministre

15

7 433






19

13 606

(1) La Toscane et l'État romain non compris.

    Les quinze départements en faveur desquels j'ai l'honneur de demander à votre Majesté l'exception au décret du 17 mai, sont ceux ci-après :
    Alpes-maritimes, Seine-et-Oise, Aude,  Stura, Doubs, Doire, Haute-Garonne,  Sésia, Hérault, Vosges, Marengo,  Gard, Pô, Gènes, Bouches-du-Rhône.
 
    Je réclame aussi cette faveur pour les Juifs de la ville de Wesel, dont la réunion à la France n'a eu lieu que postérieurement au décret du 30 mai 1806. La conduite des Israélites de cette ville n'a pu être pour rien dans les motifs de ce décret ; les témoignages produits sur leur moralité sont très-avantageux, et il paraît juste qu'en entrant dans la grande famille des Français, les Juifs de Wesel ne soient pas traités comme des enfants qui auraient démérité.

    L'état n° 3, joint au présent rapport, contient des renseignements assez développés sur les Israélites des quinze départements proposés pour l'exception ; votre Majesté y pourra voir qu'ils comptent une proportion remarquable de propriétaires, de négociants, d'hommes exerçant une industrie honnête ; que les enfants ont concouru à la conscription ; qu'ils fréquentent les écoles publiques.

    Enfin elle y verra que les autorités administratives et judiciaires ont, d'un commun accord, attesté qu'il ne s'était jamais élevé de plaintes relatives à l'usure, ou que les exemples en ont été très-rares.
    Je n'ai pas cru devoir produire les nombreux certificats recueillis sur ces faits et sur tous les points qui intéressent la morale ; mais ils sont déposés au ministère, et seront soumis à l'examen des personnes que votre Majesté jugerait à propos de désigner pour cela. On pourra se convaincre de la bonne conduite de la masse des Israélites présentés pour l'exception.
    Quelques délits, en petit nombre, ne peuvent motiver un refus ; on peut assurer que, proportionnellement, la comparaison avec les Chrétiens serait avantageuse aux Juifs des quinze départements indiqués.
    On trouve, pour ceux des Bouches-du-Rhône, une masse considérable d'hypothèques ; mais il paraît qu'il y beaucoup de doubles emplois, et que la plupart des actes en vertu desquels ces hypothèques existent font mention de la numération des espèces en présence des notaires : votre Majesté sait du reste que ce ne sont pas les Juifs du midi de la France, ni des départements au-delà des Alpes, qui ont donné lieu aux mesures prises contre la secte en général.

    Par toutes ces raisons réunies, j'ai l'honneur de proposer à votre Majesté d'adopter directement ou de renvoyer à l'examen de son Conseil d'état le projet de décret joint au présent décret.

    P. S. Du Ministre actuel. Wesel faisant partie du département de la Roer, je n'ai pas cru devoir proposer une exception qui établirait deux législations différentes et deux états de choses dans un même département ; ce qui me paraît contraire au principe adopté par sa Majesté.

PROJET DE DÉCRET.

    Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin, et Médiateur de la Confédération suisse,
    Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur,
    Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

    Art. 1er Les juifs des départements ci-après dénommés, sont compris dans l'exception portée par l'article 19 de notre décret du 17 mars 1808, savoir :
    Alpes-Maritimes, Aude, Doubs, Haute-Garonne, Hérault, Marengo, Pô, Seine-et-Oise, Stura, Doire, Sesia, Vosges, Gard, Gènes, Bouches-du-Rhône,

    2. Nos ministres sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.
    (Suivent les Tableaux.)

A PARIS, DE L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE.
15 Mars 1809.

N° 1er Tableau de la Population juive en France.

 NOMS DES DÉPARTEMENTS.

 NOMBRE de juifs existants
dans chaque Département.

 OBSERVATIONS.

Seine

2 733

Tous domiciliés à Paris

Allier

5


Ille-et-Vilaine

11


Finistère

11


Loiret

7


Loir-et-Cher

10


Loire Inférieure

11


Marne

2


Nord

166


Pas d calais

61


Seine-inférieure

47


Seine-et-Marne

132


Seine-et-Oise

75


Somme

14


Yonne

27


Moselle

6 506

dont 2400 à Metz

Ardennes

11


Gironde

2 131

Tous domiciliés à Bordeaux

Aude

4


Charente

8


Charente-inférieure

70


Dordogne

1


Garonne (Haute)

107


Landes

1 178


Puy-de-Dôme

38


Pyrénées (Basses)

117


Vienne (haute)

29


Roer

5 445

dont 160 à Creveldt

Escaut

56


Jemmape

10


Lys

3


Meuse-inférieure

490


Néthes (Deux)

47


Oarte

90


Bouches-du-Rhône

948

dont 440 à Marseille

Gard

421


Hérault

141


Rhône

67


Var

14


Vaucluse

631


Rhin (Haut)

9 925

dont 536 à Wintzenheim

Côte-d'Or

251


Doubs

86


Léman

80


Saône (Haute)

5


Marengo

1 801

dont 770 à Marengo

Doire

98


Gêne

84


Montenolle

456


Sésia

490


Meurthe

3 289

dont 789 à Nancy

Marne

44


Vosges

345


Sarre

2 330

dont 161 à Trèves

Forêts

75


Sambre-et-Meuse

1


Mont-Tonnerre

11 121

dont 1 264 à Mayence

Bas-Rhin

16 155

dont 1 470 à Strasbourg

Rhin-et-Moselle

4 063

dont 342 à Coblentz

1 710

dont 1 450 à Turin

Alpes-maritimes

303


Isère

4


Stura

76 017





    SECTION de législation.
    M. le Comte Berlier, Rapporteur.
    1ère Rédaction.

PROJET DE DÉCRET
Relatif aux Juifs de Livourne.

    Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin, Médiateur de la Confédération suisse ;

    Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur ;
    Vu la demande en naturalisation formée par plusieurs juifs nés hors de la ci-devant Toscane, et admis dans la communauté des juifs de Livourne par délibération des prud'hommes de la nation juive, antérieurement à la réunion de la Toscane à la France,
    Le statut de Ferdinand II, grand-duc de Toscane, en date du 10 juin 1593, introductif de certains privilèges en faveur des juifs qui s'établiraient à Pise ou à Livourne,
    Diverses attestations touchant l'extension progressive de ces privilèges à l'égard des juifs domiciliés à Livourne et admis par délibération des prud'hommes,
    Et enfin un acte de notoriété émané du tribunal de première instance de Livourne, portant, qu'il est vrai et notoire que les juifs qui venaient habiter la ville de Livourne sous les anciens gouverneurs de la Toscane, aussitôt qu'ils avaient été balottés et admis par les prud'hommes et gouverneurs de la nation juive, acquéraient la naturalisation et les droits des sujets toscans, et jouissaient de tous les droits civils et privilégiés accordés aux habitants de la ville de Livourne ; qu'ils pouvaient être admis à exercer les fonctions de courtiers publics ; qu'un des susdits individus, après l'époque du 20 mars 1780, siégeait en costume chaque année, tant dans la magistrature que dans le conseil général de la commune de Livourne, avec voix délibérative, et jouissait du même rang et des mêmes honoraires que les autres membres du conseil sans aucune différence ; qu'ils étaient exempts, même les individus non négociants, des droits sur les actes qu'ils passaient avec les autres habitants de la ville de Livourne ; qu'ils obtenaient les passe-ports en la qualité de sujets toscans, et avaient du crédit à la douane ;

    Considérant que toute demande en naturalisation particulièrement formée par des juifs balottés et admis à Livourne par les prud'hommes de la nation juive, avant la réunion de la Toscane à l'Empire, se confond dans la question générale de savoir si, par l'effet du balottage effectué dans les formes usitées, les juifs nés à l'étranger acquéraient à Livourne la qualité de sujets toscans ;
    Que ce point de fait est constant, et que si ce mode de naturalisation inconnu ailleurs ne doit point se reproduire à l'avenir, il est néanmoins juste d'en conserver les avantages à ceux qui les avaient acquis avant la réunion, et qui, pour la plupart, sont à la tête des principales maisons de commerce de la ville de Livourne ;
    Notre Conseil d'état entendu,

    Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :
    Art. 1er Les juifs qui, nés en pays étranger, étaient établis à Livourne, et y avaient été balottés et admis par les prud'hommes de la nation juive lors de la réunion de cette ville à notre Empire, jouiront, sans nouvelle lettre, des droits et de la qualité de citoyens français.
    2° Le registre de balottage tenu par les prud'hommes de la nation juive à Livourne sera incessamment remis à notre préfet de la Méditerranée, pour être par lui clos et arrêté.
    3° A l'avenir, nul étranger, juif ou autre, ne pourra devenir sujet français que d'après les règles établies par les lois générales de l'Empire.
    4° Notre ministre de l'intérieur est chargé de l'exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des lois.

    A PARIS, DE L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE.
    4/02/1811



    SECTION de législation.
    M. le Comte Boulay, Rapporteur.

    1ère rédaction.

RAPPORT ET PROJET D'AVIS
Sur la question de savoir si les Juifs de la Capitale sont exempts du Décret du 17 Mars 1808 sur la police des Juifs.
RAPPORT DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR.
Du 27 Octobre 1813.

    Sire,
    Le ministre mon prédécesseur eut l'honneur, le 6 avril 1808, de présenter à votre Majesté un rapport dans lequel il la pria de vouloir bien faire connaître ses intentions sur l'exception que sollicitaient les Juifs de Paris à l'occasion du décret impérial du 17 mars 1808, relatif aux mesures répressives prises contre les Juifs.
    La décision suivante de votre Majesté se trouve inscrite au bas de la copie de ce rapport, qui fut renvoyée à mon prédécesseur, le 26 avril 1808, de Bayonne, où se trouvait votre Majesté à cette époque.
    Les Juifs de la capitale sont compris dans l'exception portée dans l'article 19, titre III du décret du 17 mars 1808 sur la police des Juifs.
    Cette décision, qui n'a pas la forme des décrets de votre Majesté, fut communiquée, par le ministre de l'intérieur, à M. le ministre des cultes, au préfet de la Seine et au préfet de police ; mais elle ne reçut pas la publicité légale des actes du souverain.
    Il paraît que mon prédécesseur la considéra moins comme une exception au décret du 17 mars, ce qui aurait exigé un décret spécial en forme, que comme une interprétation de décret favorable aux Juifs de la capitale.
    Cependant, le 28 août 1808, sur la réclamation du consistoire central, qui sollicitait la publication de cette décision de votre Majesté, le ministre de l'intérieur écrivit à M. le ministre secrétaire d'état pour qu'elle fût publiée. Néanmoins la publication n'eut pas lieu ; même, malgré l'omission de cette formalité, les Juifs de la Seine n'ont été depuis cinq ans l'objet d'aucune des mesures répressives prescrites par le décret du 17 mars.
    Lorsque le décret du 11 avril 1810, qui excepte quinze départements, fut proposé à votre Majesté, le rapport qui accompagnait ce projet de décret, indiquait le département de la Seine comme compris dans la nomenclature de ceux antérieurement exceptés ; mais cette pièce, par sa nature, ne pouvait avoir aucune publicité.
    J'ai cru devoir entrer dans ces détails, avant de prendre la liberté d'entretenir votre Majesté d'une nouvelle réclamation des Juifs de Paris.
    Le consistoire central des Israélites représente que les tribunaux n'ont pas une connaissance légale de la décision de votre Majesté sur les Juifs de la Seine ; il sollicite de nouveau la publication de cette décision. Ici se présentent deux questions.
    La première, qui ne me paraît susceptible d'aucun doute, est de savoir si l'intention de votre Majesté a été d'excepter les Juifs de Paris des dispositions rigoureuses du décret du 17 mars 1808. Elle a fait connaître ses intentions, et sans doute elle voudra leur donner désormais la publicité et l'authenticité convenables : je les ai en conséquence exprimées dans un projet de décret que je joins à ce rapport.
    La deuxième question me paraît contentieuse. Votre Majesté considérera-t-elle que sa décision du 26 avril 1808 a reçu quelque publicité par la notification qui en a été faite au ministre des cultes, au préfet de police et au préfet de la Seine ? Il est de fait que les Juifs de Paris, d'après cette décision, ont joui, depuis cinq ans, des droits qu'elle leur conservait ; mais des tiers qui prétendent ignorer cette même décision, parce qu'elle n'a pas reçu sa publicité dans la forme légale, sont-ils non recevables ? Il me semble que cette question n'est pas de l'ordre de celles sur lesquelles les tribunaux ont à statuer, puisqu'il s'agit de la forme dans laquelle votre Majesté jugera à propos que ses décisions soient considérées comme obligatoires ; et je prie en conséquence votre Majesté de renvoyer mon rapport à l'examen de son Conseil d'état.

    Je suis avec le plus profond respect,
    SIRE,
    De votre Majesté impériale et royale,
    Le sujet le plus fidèle et le plus dévoué,
    MONTALIVET.



PROJET D'AVIS DE LA SECTION DE LÉGISLATION.

    Le Conseil d'état, qui, d'après le renvoi de sa Majesté, a entendu le rapport de la section de législation sur celui du ministre de l'intérieur, ayant pour objet de faire décider si les Juifs de la capitale sont compris dans l'exception portée dans l'article 19, titre III du décret du 17 mars 1808 sur la police des Juifs ;

Vu,
    1° La lettre du ministre de l'intérieur, du 18 avril 1808, au conseiller d'état préfet de police, où il est dit : D'après le rapport que j'ai eu l'honneur de lui présenter le 6 de ce mois, sa Majesté vient de me faire connaître qu'elle a entendu comprendre les Juifs de la capitale dans l'exception portée par l'article 19, titre III du décret du 17 mars dernier sur la police des Juifs ;

    2° La décision de sa Majesté du 26 du même mois d'avril, datée de Bayonne, et ainsi conçue :
    Les Juifs de la capitale sont compris dans l'exception portée par l'article 19, titre III du décret du 17 mars dernier sur la police des Juifs ;

    3° Le rapport du ministre de l'intérieur et divers autres pièces officielles, desquels il résulte, 1° que ladite décision de sa Majesté a été notifiée dans le temps au ministre des cultes, au préfet de la Seine et à celui de police, ainsi qu'à la communauté des Israélites de Paris ; 2° que cette communauté a constamment joui, depuis cette décision, de l'exemption qui y est portée ;
    Considérant que l'exemption réclamée par les Juifs de la capitale a pour fondement une décision de sa Majesté, rendue sur un rapport ministériel, et sur le témoignage favorable des autorités locales ; que cette décision, bien qu'elle n'ait pas été insérée au Bulletin des lois, a été généralement connue et suivie d'une exécution publique et constante ; qu'il en est résulté une possession ou plutôt une continuation de possession d'autant plus respectable, qu'elle est conforme au droit commun ; qu'en refusant d'y avoir égard, on porterait atteinte à une foule de transactions civiles et commerciales qui ont eu lieu sur la foi de son existence et de son maintien ; que ce concours de circonstances couvre suffisamment le défaut de formalité d'insertion au Bulletin des lois, de la décision de sa Majesté,

    Est d'avis,
    Que les Juifs de la capitale doivent être considérés comme ayant légalement joui de l'exemption portée par l'article 19, titre III du décret du 17 mars 1808 sur la police des Juifs ;
    Et que le présent avis soit inséré au Bulletin des lois.
    A PARIS, DE L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE.
    10/12/1813


Cette page a été réalisée en "prenant" les informations sur http://www.napoleonica.org/


A celà, il faut y ajouter le travail de M. Beugnot dont je n'ai trouvé que le brouillon dans ses archives personnelles
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